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Chapitre XLI. Le Jugement

Chapitre XXX. Une loge aux Bouffes | Chapitre XXXI. Lui faire peur | Chapitre XXXII. Le Tigre | Chapitre XXXIII. L’Enfer de la faiblesse | Chapitre XXXIV. Un homme d’esprit | Chapitre XXXV. Un orage | Chapitre XXXVI. Dйtails tristes | Chapitre XXXVII. Un donjon | Chapitre XXXVIII. Un homme puissant | Chapitre XXXIX. L’Intrigue |


Читайте также:
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  4. Chapitre II. Un maire
  5. Chapitre III L’Avion
  6. Chapitre III. Le Bien des pauvres
  7. Chapitre III. Les Premiers pas

 

Le pays se souviendra longtemps de ce procиs cйlиbre. L’intйrкt pour l’accusй йtait portй jusqu’а l’agitation: c’est que son crime йtait йtonnant et pourtant pas atroce. L’eыt-il йtй, ce jeune homme йtait si beau! Sa haute fortune si tфt finie augmentait l’attendrissement. Le condamneront-ils? demandaient les femmes aux hommes de leur connaissance, et on les voyait pвlissantes attendre la rйponse.

 

SAINTE-BEUVE.

 

Enfin parut ce jour tellement redoutй de Mme de Rкnal et de Mathilde.

 

L’aspect йtrange de la ville redoublait leur terreur, et ne laissait pas sans йmotion mкme l’вme ferme de Fouquй. Toute la province йtait accourue а Besanзon pour voir juger cette cause romanesque.

 

Depuis plusieurs jours il n’y avait plus de place dans les auberges. M. le prйsident des assises йtait assailli par des demandes de billets; toutes les dames de la ville voulaient assister au jugement; on criait dans les rues le portrait de Julien, etc., etc.

 

Mathilde tenait en rйserve pour ce moment suprкme une lettre йcrite en entier de la main de monseigneur l’йvкque de ***. Ce prйlat qui dirigeait l’Йglise de France et faisait des йvкques daignait demander l’acquittement de Julien. La veille du jugement, Mathilde porta cette lettre au tout-puissant grand vicaire.

 

А la fin de l’entrevue, comme elle s’en allait fondant en larmes: – Je rйponds de la dйclaration du jury, lui dit M. de Frilair, sortant enfin de sa rйserve diplomatique, et presque йmu lui-mкme. Parmi les douze personnes chargйes d’examiner si le crime de votre protйgй est constant, et surtout s’il y a eu prйmйditation, je compte six amis dйvouйs а ma fortune, et je leur ai fait entendre qu’il dйpendait d’eux de me porter а l’йpiscopat. Le baron Valenod, que j’ai fait maire de Verriиres, dispose entiиrement de deux de ses administrйs, MM. de Moirod et de Cholin. А la vйritй, le sort nous a donnй pour cette affaire deux jurйs fort mal pensants; mais quoique ultra-libйraux, ils sont fidиles а mes ordres dans les grands occasions, et je les ai fait prier de voter comme M. Valenod. J’ai appris qu’un sixiиme jurй industriel, immensйment riche et bavard libйral, aspire en secret а une fourniture au ministиre de la guerre, et sans doute il ne voudrait pas me dйplaire. Je lui ai fait dire que M. de Valenod a mon dernier mot.

 

– Et quel est ce M. Valenod? dit Mathilde inquiиte.

 

– Si vous le connaissiez, vous ne pourriez doute du succиs. C’est un parleur audacieux, impudent, grossier, fait pour mener des sots. 1814 l’a pris а la misиre, et je vais en faire un prйfet. Il est capable de battre les autres jurйs s’ils ne veulent pas voter а sa guise.

 

Mathilde fut un peu rassurйe.

 

Une autre discussion l’attendait dans la soirйe. Pour ne pas prolonger une scиne dйsagrйable et dont а ses yeux le rйsultat йtait certain, Julien йtait rйsolu а ne pas prendre la parole.

 

– Mon avocat parlera, c’est bien assez, dit-il а Mathilde. Je ne serai que trop longtemps exposй en spectacle а tous mes ennemis. Ces provinciaux ont йtй choquйs de la fortune rapide que je vous dois, et, croyez-m’en, il n’en est pas un qui ne dйsire ma condamnation, sauf а pleurer comme un sot quand on me mиnera а la mort.

 

– Ils dйsirent vous voir humiliй, il n’est que trop vrai, rйpondit Mathilde, mais je ne les crois point cruels. Ma prйsence а Besanзon et le spectacle de ma douleur ont intйressй toutes les femmes; votre jolie figure fera le reste. Si vous dites un mot devant vos juges, tout l’auditoire est pour vous, etc., etc.

 

Le lendemain а neuf heures, quand Julien descendit de sa prison pour aller dans la grande salle du Palais de Justice, ce fut avec beaucoup de peine que les gendarmes parvinrent а йcarter la foule immense entassйe dans la cour. Julien avait bien dormi, il йtait fort calme, et n’йprouvait d’autre sentiment qu’une pitiй philosophique pour cette foule d’envieux qui, sans cruautй, allaient applaudir а son arrкt de mort. Il fut bien surpris lorsque, retenu plus d’un quart d’heure au milieu de la foule, il fut obligй de reconnaоtre que sa prйsence inspirait au public une pitiй tendre. Il n’entendit pas un seul propos dйsagrйable. Ces provinciaux sont moins mйchants que je ne le croyais, se dit-il.

 

En entrant dans la salle de jugement, il fut frappй de l’йlйgance de l’architecture. C’йtait un gothique propre, et une foule de jolies petites colonnes taillйes dans la pierre avec le plus grand soin. Il se crut en Angleterre.

 

Mais bientфt toute son attention fut absorbйe par douze ou quinze jolies femmes qui, placйes vis-а-vis la sellette de l’accusй, remplissaient les trois balcons au-dessus des juges et des jurйs. En se retournant vers le public, il vit que la tribune circulaire qui rиgne au-dessus de l’amphithйвtre йtait remplie de femmes: la plupart йtaient jeunes et lui semblиrent fort jolies; leurs yeux йtaient brillants et remplis d’intйrкt. Dans le reste de la salle, la foule йtait йnorme; on se battait aux portes, et les sentinelles ne pouvaient obtenir le silence.

 

Quand tous les yeux qui cherchaient Julien s’aperзurent de sa prйsence, en le voyant occuper la place un peu йlevйe rйservйe а l’accusй, il fut accueilli par un murmure d’йtonnement et de tendre intйrкt.

 

On eыt dit ce jour-lа qu’il n’avait pas vingt ans; il йtait mis fort simplement, mais avec une grвce parfaite; ses cheveux et son front йtaient charmants; Mathilde avait voulu prйsider elle-mкme а sa toilette. La pвleur de Julien йtait extrкme. А peine assis sur la sellette, il entendit dire de tous cфtйs: Dieu! comme il est jeune!… Mais c’est un enfant… Il est bien mieux que son portrait.

 

– Mon accusй, lui dit le gendarme assis а sa droite, voyez-vous ces six dames qui occupent ce balcon? Le gendarme lui indiquait une petite tribune en saillie au-dessus de l’amphithйвtre oщ sont placйs les jurйs. C’est Mme la prйfиte, continua le gendarme, а cфtй, Mme la marquise de N***, celle-lа vous aime bien; je l’ai entendue parler au juge d’instruction. Aprиs c’est Mme Derville…

 

– Mme Derville! s’йcria Julien, et une vive rougeur couvrit son front. Au sortir d’ici, pensa-t-il, elle va йcrire а Mme de Rкnal. Il ignorait l’arrivйe de Mme de Rкnal а Besanзon.

 

Les tйmoins furent bien vite entendus. Dиs les premiers mots de l’accusation soutenue par l’avocat gйnйral, deux de ces dames placйes dans le petit balcon, tout а fait en face de Julien, fondirent en larmes. Mme Derville ne s’attendrit point ainsi, pensa Julien. Cependant il remarqua qu’elle йtait fort rouge.

 

L’avocat gйnйral faisait du pathos en mauvais franзais sur la barbarie du crime commis; Julien observa que les voisines de Mme Derville avaient l’air de le dйsapprouver vivement. Plusieurs jurйs, apparemment de la connaissance de ces dames, leur parlaient et semblaient les rassurer. Voilа qui ne laisse pas d’кtre de bon augure, pensa Julien.

 

Jusque-lа il s’йtait senti pйnйtrй d’un mйpris sans mйlange pour tous les hommes qui assistaient au jugement. L’йloquence plate de l’avocat gйnйral augmenta ce sentiment de dйgoыt. Mais peu а peu la sйcheresse d’вme de Julien disparut devant les marques d’intйrкt dont il йtait йvidemment l’objet.

 

Il fut content de la mine ferme de son avocat. Pas de phrases, lui dit-il tout bas comme il allait prendre la parole.

 

– Toute l’emphase pillйe а Bossuet, qu’on a йtalйe contre vous, vous a servi, dit l’avocat. En effet, а peine avait-il parlй pendant cinq minutes, que presque toutes les femmes avaient leur mouchoir а la main. L’avocat encouragй adressa aux jurйs des choses extrкmement fortes. Julien frйmit, il se sentait sur le point de verser des larmes. Grand Dieu! que diront mes ennemis?

 

Il allait cйder а l’attendrissement qui le gagnait, lorsque heureusement pour lui, il surprit un regard insolent de M. le baron de Valenod.

 

Les yeux de ce cuistre sont flamboyants, se dit-il; quel triomphe pour cette вme basse! Quand mon crime n’aurait amenй que cette seule circonstance, je devrais le maudire. Dieu sait ce qu’il dira de moi а Mme de Rкnal!

 

Cette idйe effaзa toutes les autres. Bientфt aprиs, Julien fut rappelй а lui-mкme par les marques d’assentiment du public. L’avocat venait de terminer sa plaidoirie. Julien se souvint qu’il йtait convenable de lui serrer la main. Le temps avait passй rapidement.

 

On apporta des rafraоchissements а l’avocat et а l’accusй. Ce fut alors seulement que Julien fut frappй d’une circonstance: aucune femme n’avait quittй l’audience pour aller dоner.

 

– Ma foi, je meurs de faim, dit l’avocat, et vous?

 

– Moi de mкme, rйpondit Julien.

 

– Voyez, voilа Mme la prйfиte qui reзoit aussi son dоner, lui dit l’avocat en lui indiquant le petit balcon. Bon courage, tout va bien. La sйance recommenзa.

 

Comme le prйsident faisait son rйsumй, minuit sonna. Le prйsident fut obligй de s’interrompre; au milieu du silence de l’anxiйtй universelle, le retentissement de la cloche de l’horloge remplissait la salle.

 

Voilа le dernier de mes jours qui commence, pensa Julien. Bientфt il se sentit enflammй par l’idйe du devoir. Il avait dominй jusque-lа son attendrissement, et gardй sa rйsolution de ne point parler; mais quand le prйsident des assises lui demanda s’il avait quelque chose а ajouter, il se leva. Il voyait devant lui les yeux de Mme Derville qui, aux lumiиres, lui semblиrent bien brillants. Pleurerait-elle, par hasard? pensa-t-il.

 

«Messieurs les jurйs,

 

L’horreur du mйpris, que je croyais pouvoir braver au moment de la mort, me fait prendre la parole. Messieurs, je n’ai point l’honneur d’appartenir а votre classe, vous voyez en moi un paysan qui s’est rйvoltй contre la bassesse de sa fortune.

 

Je ne vous demande aucune grвce, continua Julien en affermissant sa voix. Je ne me fais point illusion, la mort m’attend: elle sera juste. J’ai pu attenter aux jours de la femme la plus digne de tous les respects, de tous les hommages. Mme de Rкnal avait йtй pour moi comme une mиre. Mon crime est atroce, et il fut prйmйditй. J’ai donc mйritй la mort, messieurs les jurйs. Mais quand je serais moins coupable, je vois des hommes qui, sans s’arrкter а ce que ma jeunesse peut mйriter de pitiй, voudront punir en moi et dйcourager а jamais cette classe de jeunes gens qui, nйs dans une classe infйrieure et en quelque sorte opprimйs par la pauvretй, ont le bonheur de se procurer une bonne йducation et l’audace de se mкler а ce que l’orgueil des gens riches appelle la sociйtй.

 

Voilа mon crime, messieurs, et il sera puni avec d’autant plus de sйvйritй, que, dans le fait, je ne suis point jugй par mes pairs. Je ne vois point sur les bancs des jurйs quelque paysan enrichi, mais uniquement des bourgeois indignйs…»

 

Pendant vingt minutes, Julien parla sur ce ton; il dit tout ce qu’il avait sur le cњur; l’avocat gйnйral, qui aspirait aux faveurs de l’aristocratie, bondissait sur son siиge; mais malgrй le tour un peu abstrait que Julien avait donnй а la discussion, toutes les femmes fondaient en larmes. Mme Derville elle-mкme avait son mouchoir sur ses yeux. Avant de finir, Julien revint а la prйmйditation, а son repentir, au respect, а l’adoration filiale et sans bornes que, dans les temps plus heureux, il avait pour Mme de Rкnal… Mme Derville jeta un cri et s’йvanouit.

 

Une heure sonnait comme les jurйs se retiraient dans leur chambre. Aucune femme n’avait abandonnй sa place; plusieurs hommes avaient les larmes aux yeux. Les conversations furent d’abord trиs vives; mais peu а peu, la dйcision du jury se faisant attendre, la fatigue gйnйrale commenзa а jeter du calme dans l’assemblйe. Ce moment йtait solennel; les lumiиres jetaient moins d’йclat. Julien, trиs fatiguй, entendait discuter auprиs de lui la question de savoir si ce retard йtait de bon ou de mauvais augure. Il vit avec plaisir que tous les vњux йtaient pour lui; le jury ne revenait point, et cependant aucune femme ne quittait la salle.

 

Comme deux heures venaient de sonner, un grand mouvement se fit entendre. La petite porte de la chambre des jurйs s’ouvrit. M. le baron de Valenod s’avanзa d’un pas grave et thйвtral, il йtait suivi de tous les jurйs. Il toussa, puis dйclara qu’en son вme et conscience la dйclaration unanime du jury йtait que Julien Sorel йtait coupable de meurtre, et de meurtre avec prйmйditation: cette dйclaration entraоnait la peine de mort; elle fut prononcйe un instant aprиs. Julien regarda sa montre, et se souvint de M. de Lavalette, il йtait deux heures et un quart. C’est aujourd’hui vendredi, pensa-t-il.

 

Oui, mais ce jour est heureux pour le Valenod, qui me condamne… Je suis trop surveillй pour que Mathilde puisse me sauver comme fit Mme de Lavalette… Ainsi, dans trois jours, а cette mкme heure, je saurai а quoi m’en tenir sur le grand peut-кtre.

 

En ce moment, il entendit un cri et fut rappelй aux choses de ce monde. Les femmes autour de lui sanglotaient; il vit que toutes les figures йtaient tournйes vers une petite tribune pratiquйe dans le couronnement d’un pilastre gothique. Il sut plus tard que Mathilde s’y йtait cachйe. Comme le cri ne se renouvela pas, tout le monde se remit а regarder Julien, auquel les gendarmes cherchaient а faire traverser la foule.

 

Tвchons de ne pas apprкter а rire а ce fripon de Valenod, pensa Julien. Avec quel air contrit et patelin il a prononcй la dйclaration qui entraоne la peine de mort! tandis que ce pauvre prйsident des assises, tout juge qu’il est depuis nombre d’annйes, avait la larme а l’њil en me condamnant. Quelle joie pour le Valenod de se venger de notre ancienne rivalitй auprиs de Mme de Rкnal!… Je ne la verrai donc plus! C’en est fait… Un dernier adieu est impossible entre nous, je le sens… Que j’aurais йtй heureux de lui dire toute l’horreur que j’ai de mon crime!

 

Seulement ces paroles: Je me trouve justement condamnй.


Дата добавления: 2015-11-14; просмотров: 37 | Нарушение авторских прав


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