Студопедия
Случайная страница | ТОМ-1 | ТОМ-2 | ТОМ-3
АрхитектураБиологияГеографияДругоеИностранные языки
ИнформатикаИсторияКультураЛитератураМатематика
МедицинаМеханикаОбразованиеОхрана трудаПедагогика
ПолитикаПравоПрограммированиеПсихологияРелигия
СоциологияСпортСтроительствоФизикаФилософия
ФинансыХимияЭкологияЭкономикаЭлектроника

Chapitre III. Le Bien des pauvres

LE ROUGE ET LE NOIR | Chapitre premier. Une petite ville | Chapitre V. Une nйgociation | Chapitre VI. L’Ennui | Chapitre VII. Les Affinitйs йlectives | Chapitre VIII. Petits йvйnements | Chapitre IX. Une soirйe а la campagne | Chapitre X. Un grand cњur et une petite fortune | Chapitre XI. Une soirйe | Chapitre XII. Un voyage |


Читайте также:
  1. Chapitre I La ligne
  2. Chapitre II Les camarades
  3. Chapitre II. Entrйe dans le monde
  4. Chapitre II. Un maire
  5. Chapitre III L’Avion
  6. Chapitre III. Les Premiers pas

 

Un curй vertueux et sans intrigue est une Providence pour le village.

 

FLEURY.

 

Il faut savoir que le curй de Verriиres, vieillard de quatre-vingts ans, mais qui devait а l’air vif de ces montagnes une santй et un caractиre de fer, avait le droit de visiter а toute heure la prison, l’hфpital et mкme le dйpфt de mendicitй. C’йtait prйcisйment а six heures du matin que M. Appert, qui de Paris йtait recommandй au curй, avait eu la sagesse d’arriver dans une petite ville curieuse. Aussitфt il йtait allй au presbytиre.

 

En lisant la lettre que lui йcrivait M. le marquis de La Mole, pair de France, et le plus riche propriйtaire de la province, le curй Chйlan resta pensif.

 

Je suis vieux et aimй ici, se dit-il enfin а mi-voix, ils n’oseraient! Se tournant tout de suite vers le monsieur de Paris, avec des yeux oщ, malgrй le grand вge, brillait ce feu sacrй qui annonce le plaisir de faire une belle action un peu dangereuse:

 

– Venez avec moi, monsieur, et en prйsence du geфlier et surtout des surveillants du dйpфt de mendicitй, veuillez n’йmettre aucune opinion sur les choses que nous verrons. M. Appert comprit qu’il avait affaire а un homme de cњur: il suivit le vйnйrable curй, visita la prison, l’hospice, le dйpфt, fit beaucoup de questions et, malgrй d’йtranges rйponses, ne se permit pas la moindre marque de blвme.

 

Cette visite dura plusieurs heures. Le curй invita а dоner M. Appert, qui prйtendit avoir des lettres а йcrire: il ne voulait pas compromettre davantage son gйnйreux compagnon. Vers les trois heures, ces messieurs allиrent achever l’inspection du dйpфt de mendicitй, et revinrent ensuite а la prison. Lа, ils trouvиrent sur la porte le geфlier, espиce de gйant de six pieds de haut et а jambes arquйes; sa figure ignoble йtait devenue hideuse par l’effet de la terreur.

 

– Ah! monsieur, dit-il au curй, dиs qu’il l’aperзut, ce monsieur que je vois lа avec vous, n’est-il pas M. Appert?

 

– Qu’importe? dit le curй.

 

– C’est que depuis hier j’ai l’ordre le plus prйcis, et que M. le prйfet a envoyй par un gendarme, qui a dы galoper toute la nuit, de ne pas admettre M. Appert dans la prison.

 

– Je vous dйclare, monsieur Noiroud, dit le curй, que ce voyageur, qui est avec moi, est M. Appert. Reconnaissez-vous que j’ai le droit d’entrer dans la prison а toute heure du jour et de la nuit, et en me faisant accompagner par qui je veux?

 

– Oui, M. le curй, dit le geфlier а voix basse, et baissant la tкte comme un bouledogue que fait obйir а regret la crainte du bвton. Seulement, M. le curй, j’ai femme et enfants, si je suis dйnoncй on me destituera; je n’ai pour vivre que ma place.

 

– Je serais aussi bien fвchй de perdre la mienne, reprit le bon curй, d’une voix de plus en plus йmue.

 

– Quelle diffйrence! reprit vivement le geфlier; vous, M. le curй, on sait que vous avez 800 livres de rente, du bon bien au soleil…

 

Tels sont les faits qui, commentйs, exagйrйs de vingt faзons diffйrentes, agitaient depuis deux jours toutes les passions haineuses de la petite ville de Verriиres. Dans ce moment, ils servaient de texte а la petite discussion que M. de Rкnal avait avec sa femme. Le matin, suivi de M. Valenod, directeur du dйpфt de mendicitй, il йtait allй chez le curй pour lui tйmoigner le plus vif mйcontentement. M. Chйlan n’йtait protйgй par personne; il sentit toute la portйe de leurs paroles.

 

– Eh bien, messieurs! je serai le troisiиme curй, de quatre-vingts ans d’вge, que l’on destituera dans ce voisinage. Il y a cinquante-six ans que je suis ici; j’ai baptisй presque tous les habitants de la ville, qui n’йtait qu’un bourg quand j’y arrivai. Je marie tous les jours des jeunes gens, dont jadis j’ai mariй les grands-pиres. Verriиres est ma famille; mais je me suis dit, en voyant l’йtranger: «Cet homme, venu de Paris, peut кtre а la vйritй un libйral, il n’y en a que trop; mais quel mal peut-il faire а nos pauvres et а nos prisonniers?»

 

Les reproches de M. de Rкnal, et surtout ceux de M. Valenod, le directeur du dйpфt de mendicitй, devenant de plus en plus vifs:

 

– Eh bien, messieurs! faites-moi destituer, s’йtait йcriй le vieux curй, d’une voix tremblante. Je n’en habiterai pas moins le pays. On sait qu’il y a quarante-huit ans, j’ai hйritй d’un champ qui rapporte 800 livres. Je vivrai avec ce revenu. Je ne fais point d’йconomies dans ma place, moi, messieurs, et c’est peut-кtre pourquoi je ne suis pas si effrayй quand on parle de me la faire perdre.

 

M. de Rйnal vivait fort bien avec sa femme; mais ne sachant que rйpondre а cette idйe, qu’elle lui rйpйtait timidement: «Quel mal ce monsieur de Paris peut-il faire aux prisonniers?» il йtait sur le point de se fвcher tout а fait, quand elle jeta un cri. Le second de ses fils venait de monter sur le parapet du mur de la terrasse, et y courait, quoique ce mur fыt йlevй de plus de vingt pieds sur la vigne qui est de l’autre cфtй. La crainte d’effrayer son fils et de le faire tomber empкchait Mme de Rкnal de lui adresser la parole. Enfin l’enfant, qui riait de sa prouesse, ayant regardй sa mиre, vit sa pвleur, sauta sur la promenade et accourut а elle. Il fut bien grondй.

 

Ce petit йvйnement changea le cours de la conversation.

 

– Je veux absolument prendre chez moi Sorel, le fils du scieur de planches, dit M. de Rкnal; il surveillera les enfants, qui commencent а devenir trop diables pour nous. C’est un jeune prкtre, ou autant vaut, bon latiniste, et qui fera faire des progrиs aux enfants; car il a un caractиre ferme, dit le curй. Je lui donnerai 300 francs et la nourriture. J’avais quelques doutes sur sa moralitй; car il йtait le Benjamin de ce vieux chirurgien, membre de la Lйgion d’honneur, qui, sous prйtexte qu’il йtait leur cousin; йtait venu se mettre en pension chez les Sorel. Cet homme pouvait fort bien n’кtre au fond qu’un agent secret des libйraux; il disait que l’air de nos montagnes faisait du bien а son asthme; mais c’est ce qui n’est pas prouvй. Il avait fait toutes les campagnes de Buonapartй en Italie, et mкme avait, dit-on, signй non pour l’empire dans le temps. Ce libйral montrait le latin au fils Sorel, et lui a laissй cette quantitй de livres qu’il avait apportйs avec lui. Aussi n’aurais-je jamais songй а mettre le fils du charpentier auprиs de nos enfants; mais le curй, justement la veille de la scиne qui vient de nous brouiller а jamais, m’a dit que ce Sorel йtudie la thйologie depuis trois ans, avec le projet d’entrer au sйminaire; il n’est donc pas libйral, et il est latiniste.

 

Cet arrangement convient de plus d’une faзon, continua M. de Rкnal, en regardant sa femme d’un air diplomatique; le Valenod est tout fier des deux beaux normands qu’il vient d’acheter pour sa calиche. Mais il n’a pas de prйcepteur pour ses enfants.

 

– Il pourrait bien nous enlever celui-ci.

 

– Tu approuves donc mon projet? dit M. de Rкnal, remerciant sa femme, par un sourire, de l’excellente idйe qu’elle venait d’avoir. Allons, voilа qui est dйcidй.

 

– Ah, bon Dieu! mon cher ami, comme tu prends vite un parti!

 

– C’est que j’ai du caractиre, moi, et le curй l’a bien vu. Ne dissimulons rien, nous sommes environnйs de libйraux ici. Tous ces marchands de toile me portent envie, j’en ai la certitude; deux ou trois deviennent des richards; eh bien! j’aime assez qu’ils voient passer les enfants de M. de Rкnal allant а la promenade sous la conduite de leur prйcepteur. Cela imposera. Mon grand-pиre nous racontait souvent que, dans sa jeunesse, il avait eu un prйcepteur. C’est cent йcus qu’il m’en pourra coыter, mais ceci doit кtre classй comme une dйpense nйcessaire pour soutenir notre rang.

 

Cette rйsolution subite laissa Mme de Rкnal toute pensive. C’йtait une femme grande, bien faite, qui avait йtй la beautй du pays, comme on dit dans ces montagnes. Elle avait un certain air de simplicitй, et de la jeunesse dans la dйmarche; aux yeux d’un Parisien, cette grвce naпve, pleine d’innocence et de vivacitй, serait mкme allйe jusqu’а rappeler des idйes de douce voluptй. Si elle eыt appris ce genre de succиs, Mme de Rкnal en eыt йtй bien honteuse. Ni la coquetterie, ni l’affection n’avaient jamais approchй de ce cњur. M. Valenod, le riche directeur du dйpфt, passait pour lui avoir fait la cour, mais sans succиs, ce qui avait jetй un йclat singulier sur sa vertu; car ce M. Valenod, grand jeune homme, taillй en force, avec un visage colorй et de gros favoris noirs, йtait un de ces кtres grossiers, effrontйs et bruyants, qu’en province on appelle de beaux hommes.

 

Mme de Rкnal, fort timide, et d’un caractиre en apparence fort йgal, йtait surtout choquйe du mouvement continuel et des йclats de voix de M. Valenod. L’йloignement qu’elle avait pour ce qu’а Verriиres on appelle de la joie lui avait valu la rйputation d’кtre trиs fiиre de sa naissance. Elle n’y songeait pas, mais avait йtй fort contente de voir les habitants de la ville venir moins chez elle. Nous ne dissimulerons pas qu’elle passait pour sotte aux yeux de leurs dames, parce que, sans nulle politique а l’йgard de son mari, elle laissait йchapper les plus belles occasions de se faire acheter de beaux chapeaux de Paris ou de Besanзon. Pourvu qu’on la laissвt seule errer dans son beau jardin, elle ne se plaignait jamais.

 

C’йtait une вme naпve, qui jamais ne s’йtait йlevйe mкme jusqu’а juger son mari, et а s’avouer qu’il l’ennuyait. Elle supposait sans se le dire qu’entre mari et femme il n’y avait pas de plus douces relations. Elle aimait surtout M. de Rкnal quand il lui parlait de ses projets sur leurs enfants, dont il destinait l’un а l’йpйe, le second а la magistrature, et le troisiиme а l’йglise. En somme, elle trouvait M. de Rкnal beaucoup moins ennuyeux que tous les hommes de sa connaissance.

 

Ce jugement conjugal йtait raisonnable. Le maire de Verriиres devait une rйputation d’esprit et surtout de bon ton а une demi-douzaine de plaisanteries dont il avait hйritй d’un oncle. Le vieux capitaine de Rкnal servait avant la rйvolution dans le rйgiment d’infanterie de M. le duc d’Orlйans, et, quand il allait а Paris, йtait admis dans les salons du prince. Il y avait vu Mme de Montesson, la fameuse Mme de Genlis, M. Ducrest, l’inventeur du Palais-Royal. Ces personnages ne reparaissaient que trop souvent dans les anecdotes de M. de Rкnal. Mais peu а peu ce souvenir de choses aussi dйlicates а raconter йtait devenu un travail pour lui, et, depuis quelque temps, il ne rйpйtait que dans les grandes occasions ses anecdotes relatives а la maison d’Orlйans. Comme il йtait d’ailleurs fort poli, exceptй lorsqu’on parlait d’argent, il passait, avec raison, pour le personnage le plus aristocratique de Verriиres.


Дата добавления: 2015-11-14; просмотров: 73 | Нарушение авторских прав


<== предыдущая страница | следующая страница ==>
Chapitre II. Un maire| Chapitre IV. Un pиre et un fils

mybiblioteka.su - 2015-2024 год. (0.009 сек.)