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Chapitre premier. Une petite ville

Chapitre III. Le Bien des pauvres | Chapitre IV. Un pиre et un fils | Chapitre V. Une nйgociation | Chapitre VI. L’Ennui | Chapitre VII. Les Affinitйs йlectives | Chapitre VIII. Petits йvйnements | Chapitre IX. Une soirйe а la campagne | Chapitre X. Un grand cњur et une petite fortune | Chapitre XI. Une soirйe | Chapitre XII. Un voyage |


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Put thousands together

Less bad,

But the cage less gay.

 

HOBBES.

 

La petite ville de Verriиres peut passer pour l’une des plus jolies de la Franche-Comtй. Ses maisons blanches avec leurs toits pointus de tuiles rouges s’йtendent sur la pente d’une colline, dont des touffes de vigoureux chвtaigniers marquent les moindres sinuositйs. Le Doubs coule а quelques centaines de pieds au-dessous de ses fortifications bвties jadis par les Espagnols, et maintenant ruinйes.

 

Verriиres est abritй du cфtй du nord par une haute montagne, c’est une des branches du Jura. Les cimes brisйes du Verra se couvrent de neige dиs les premiers froids d’octobre. Un torrent, qui se prйcipite de la montagne, traverse Verriиres avant de se jeter dans le Doubs, et donne le mouvement а un grand nombre de scies а bois, c’est une industrie fort simple et qui procure un certain bien-кtre а la majeure partie des habitants plus paysans que bourgeois. Ce ne sont pas cependant les scies а bois qui ont enrichi cette petite ville. C’est а la fabrique des toiles peintes, dites de Mulhouse, que l’on doit l’aisance gйnйrale qui, depuis la chute de Napolйon, a fait rebвtir les faзades de presque toutes les maisons de Verriиres.

 

А peine entre-t-on dans la ville que l’on est йtourdi par le fracas d’une machine bruyante et terrible en apparence. Vingt marteaux pesants, et retombant avec un bruit qui fait trembler le pavй, sont йlevйs par une roue que l’eau du torrent fait mouvoir. Chacun de ces marteaux fabrique, chaque jour, je ne sais combien de milliers de clous. Ce sont de jeunes filles fraоches et jolies qui prйsentent aux coups de ces marteaux йnormes les petits morceaux de fer qui sont rapidement transformйs en clous. Ce travail, si rude en apparence, est un de ceux qui йtonnent le plus le voyageur qui pйnиtre pour la premiиre fois dans les montagnes qui sйparent la France de l’Helvйtie. Si, en entrant а Verriиres, le voyageur demande а qui appartient cette belle fabrique de clous qui assourdit les gens qui montent la grande rue, on lui rйpond avec un accent traоnard: Eh! elle est а M. le maire.

 

Pour peu que le voyageur s’arrкte quelques instants dans cette grande rue de Verriиres, qui va en montant depuis la rive du Doubs jusque vers le sommet de la colline, il y cent а parier contre un qu’il verra paraоtre un grand homme а l’air affairй et important.

 

А son aspect tous les chapeaux se lиvent rapidement. Ses cheveux sont grisonnants, et il est vкtu de gris. Il est chevalier de plusieurs ordres, il a un grand front, un nez aquilin, et au total sa figure ne manque pas d’une certaine rйgularitй: on trouve mкme, au premier aspect, qu’elle rйunit а la dignitй du maire de village cette sorte d’agrйment qui peut encore se rencontrer avec quarante-huit ou cinquante ans. Mais bientфt le voyageur parisien est choquй d’un certain air de contentement de soi et de suffisance mкlй а je ne sais quoi de bornй et de peu inventif. On sent enfin que le talent de cet homme-lа se borne а se faire payer bien exactement ce qu’on lui doit, et а payer lui-mкme le plus tard possible quand il doit.

 

Tel est le maire de Verriиres, M. de Rкnal. Aprиs avoir traversй la rue d’un pas grave, il entre а la mairie et disparaоt aux yeux du voyageur. Mais, cent pas plus haut, si celui-ci continue sa promenade, il aperзoit une maison d’assez belle apparence, et, а travers une grille de fer attenante а la maison, des jardins magnifiques. Au delа c’est une ligne d’horizon formйe par les collines de la Bourgogne, et qui semble faite а souhait pour le plaisir des yeux. Cette vue fait oublier au voyageur l’atmosphиre empestйe des petits intйrкts d’argent dont il commence а кtre asphyxiй.

 

On lui apprend que cette maison appartient а M. de Rкnal. C’est aux bйnйfices qu’il a faits sur sa grande fabrique de clous que le maire de Verriиres doit cette belle habitation en pierres de taille qu’il achиve en ce moment. Sa famille, dit-on, est espagnole, antique, et, а ce qu’on prйtend, йtablie dans le pays bien avant la conquкte de Louis XIV.

 

Depuis 1815 il rougit d’кtre industriel: 1815 l’a fait maire de Verriиres. Les murs en terrasse qui soutiennent les diverses parties de ce magnifique jardin qui, d’йtage en йtage, descend jusqu’au Doubs, sont aussi la rйcompense de la science de M. de Rкnal dans le commerce du fer.

 

Ne vous attendez point а trouver en France ces jardins pittoresques qui entourent les villes manufacturiиres de l’Allemagne, Leipsick, Francfort, Nuremberg, etc. En Franche-Comtй, plus on bвtit de murs, plus on hйrisse sa propriйtй de pierres rangйes les unes au-dessus des autres, plus on acquiert de droits aux respects de ses voisins. Les jardins de M. de Rкnal, remplis de murs, sont encore admirйs parce qu’il a achetй, au poids de l’or, certains petits morceaux de terrain qu’ils occupent. Par exemple, cette scie а bois, dont la position singuliиre sur la rive du Doubs vous a frappй en entrant а Verriиres, et oщ vous avez remarquй le nom de Sorel, йcrit en caractиres gigantesques sur une planche qui domine le toit, elle occupait, il y a six ans, l’espace sur lequel on йlиve en ce moment le mur de la quatriиme terrasse des jardins de M. de Rкnal.

 

Malgrй sa fiertй, M. le maire a dы faire bien des dйmarches auprиs du vieux Sorel, paysan dur et entкtй; il a dы lui compter de beaux louis d’or pour obtenir qu’il transportвt son usine ailleurs. Quant au ruisseau public qui faisait aller la scie, M. de Rкnal, au moyen du crйdit dont il jouit а Paris, a obtenu qu’il fыt dйtournй. Cette grвce lui vint aprиs les йlections de 182*.

 

Il a donnй а Sorel quatre arpents pour un, а cinq cents pas plus bas sur les bords du Doubs. Et, quoique cette position fыt beaucoup plus avantageuse pour son commerce de planches de sapin, le pиre Sorel, comme on l’appelle depuis qu’il est riche, a eu le secret d’obtenir de l’impatience et de la manie de propriйtaire qui animait son voisin une somme de 6000 francs.

 

Il est vrai que cet arrangement a йtй critiquй par les bonnes tкtes de l’endroit. Une fois, c’йtait un jour de dimanche, il y a quatre ans de cela, M. de Rкnal, revenant de l’йglise en costume de maire, vit de loin le vieux Sorel, entourй de ses trois fils, sourire en le regardant. Ce sourire a portй un jour fatal dans l’вme de M. le maire, il pense depuis lors qu’il eыt pu obtenir l’йchange а meilleur marchй.

 

Pour arriver а la considйration publique а Verriиres, l’essentiel est de ne pas adopter, tout en bвtissant beaucoup de murs, quelque plan apportй d’Italie par ces maзons, qui au printemps traversent les gorges du Jura pour gagner Paris. Une telle innovation vaudrait а l’imprudent bвtisseur une йternelle rйputation de mauvaise tкte, et il serait а jamais perdu auprиs des gens sages et modйrйs qui distribuent la considйration en Franche-Comtй.

 

Dans le fait, ces gens sages y exercent le plus ennuyeux despotisme; c’est а cause de ce vilain mot que le sйjour des petites villes est insupportable, pour qui a vйcu dans cette grande rйpublique qu’on appelle Paris. La tyrannie de l’opinion, et quelle opinion! est aussi bкte dans les petites villes de France qu’aux Йtats-Unis d’Amйrique.


Дата добавления: 2015-11-14; просмотров: 59 | Нарушение авторских прав


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LE ROUGE ET LE NOIR| Chapitre II. Un maire

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