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Chapitre XXXVIII. Un homme puissant

Chapitre XXVII. Les plus belles Places de l’Йglise | Chapitre XXVIII. Manon Lescaut | Chapitre XXIX. L’Ennui | Chapitre XXX. Une loge aux Bouffes | Chapitre XXXI. Lui faire peur | Chapitre XXXII. Le Tigre | Chapitre XXXIII. L’Enfer de la faiblesse | Chapitre XXXIV. Un homme d’esprit | Chapitre XXXV. Un orage | Chapitre XXXVI. Dйtails tristes |


Читайте также:
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  2. Chapitre II Les camarades
  3. Chapitre II. Entrйe dans le monde
  4. Chapitre II. Un maire
  5. Chapitre III L’Avion
  6. Chapitre III. Le Bien des pauvres
  7. Chapitre III. Les Premiers pas

 

Mais il y a tant de mystиres dans ses dйmarches et d’йlйgance dans sa taille! Qui peut-elle кtre?

 

SCHILLER.

 

Les portes du donjon s’ouvrirent de fort bonne heure le lendemain. Julien fut rйveillй en sursaut.

 

– Ah! bon Dieu, pensa-t-il, voilа mon pиre. Quelle scиne dйsagrйable!

 

Au mкme instant, une femme vкtue en paysanne se prйcipita dans ses bras, il eut peine а la reconnaоtre. C’йtait Mlle de La Mole.

 

– Mйchant, je n’ai su que par ta lettre oщ tu йtais. Ce que tu appelles ton crime, et qui n’est qu’une noble vengeance qui me montre toute la hauteur du cњur qui bat dans cette poitrine, je ne l’ai su qu’а Verriиres…

 

Malgrй ses prйventions contre Mlle de La Mole, que d’ailleurs il ne s’avouait pas bien nettement, Julien la trouva fort jolie. Comment ne pas voir dans toute cette faзon d’agir et de parler un sentiment noble, dйsintйressй, bien au-dessus de tout ce qu’aurait osй une вme petite et vulgaire? Il crut encore aimer une reine, et aprиs quelques instants, ce fut avec une rare noblesse d’йlocution et de pensйe qu’il lui dit:

 

– L’avenir se dessinait а mes yeux fort clairement. Aprиs ma mort, je vous remariais а M. de Croisenois, qui aurait йpousй une veuve. L’вme noble mais un peu romanesque de cette veuve charmante, йtonnй et convertie au culte de la prudence vulgaire par un йvйnement singulier, tragique et grand pour elle, eыt daignй comprendre le mйrite fort rйel du jeune marquis. Vous vous seriez rйsignйe а кtre heureuse du bonheur de tout le monde: la considйration, les richesses, le haut rang… Mais, chиre Mathilde, votre arrivйe а Besanзon, si elle est soupзonnйe, va кtre un coup mortel pour M. de La Mole, et voilа ce que jamais je ne me pardonnerai. Je lui ai dйjа causй tant de chagrin! L’acadйmicien va dire qu’il a rйchauffй un serpent dans son sein.

 

– J’avoue que je m’attendais peu а tant de froide raison, а tant de souci pour l’avenir, dit Mlle de La Mole а demi fвchйe. Ma femme de chambre, presque aussi prudente que vous, a pris un passeport pour elle, et c’est sous le nom de Mme Michelet que j’ai couru la poste.

 

– Et Mme Michelet a pu arriver aussi facilement jusqu’а moi?

 

– Ah! tu es toujours l’homme supйrieur, celui que j’ai distinguй! D’abord, j’ai offert cent francs а un secrйtaire de juge, qui prйtendait que mon entrйe dans ce donjon йtait impossible. Mais l’argent reзu, cet honnкte homme m’a fait attendre, a йlevй des objections, j’ai pensй qu’il songeait а me voler… Elle s’arrкta.

 

– Eh bien? dit Julien.

 

– Ne te fвche pas, mon petit Julien, lui dit-elle en l’embrassant, j’ai йtй obligйe de dire mon nom а ce secrйtaire, qui me prenait pour une jeune ouvriиre de Paris, amoureuse du beau Julien… En vйritй ce sont ses termes. Je lui ai jurй que j’йtais ta femme, et j’aurai une permission pour te voir chaque jour.

 

La folie est complиte, pensa Julien, je n’ai pu l’empкcher. Aprиs tout, M. de La Mole est un si grand seigneur, que l’opinion saura bien trouver une excuse au jeune colonel qui йpousera cette charmante veuve. Ma mort prochaine couvrira tout; et il se livra avec dйlices а l’amour de Mathilde; c’йtait de la folie, de la grandeur d’вme, tout ce qu’il y a de plus singulier. Elle lui proposa sйrieusement de se tuer avec lui.

 

Aprиs ces premiers transports, et lorsqu’elle se fut rassasiйe du bonheur de voir. Julien, une curiositй vive s’empara tout а coup de son вme. Elle examinait son amant, qu’elle trouva bien au-dessus de ce qu’elle s’йtait imaginй. Boniface de La Mole lui semblait ressuscitй, mais plus hйroпque.

 

Mathilde vit les premiers avocats du pays, qu’elle offensa en leur offrant de l’or trop crыment; mais ils finirent par accepter.

 

Elle arriva rapidement а cette idйe, qu’en fait de choses douteuses et d’une haute portйe, tout dйpendait а Besanзon de M. l’abbй de Frilair.

 

Sous le nom obscur de Mme Michelet, elle trouva d’abord d’insurmontables difficultйs pour parvenir jusqu’au tout-puissant congrйganiste. Mais le bruit de la beautй d’une jeune marchande de modes, folle d’amour, et venue de Paris а Besanзon pour consoler le jeune abbй Julien Sorel, se rйpandit dans la ville.

 

Mathilde courait seule а pied, dans les rues de Besanзon; elle espйrait n’кtre pas reconnue. Dans tous les cas, elle ne croyait pas inutile а sa cause de produire une grande impression sur le peuple. Sa folie songeait а le faire rйvolter pour sauver Julien marchant а la mort. Mlle de La Mole croyait кtre vкtue simplement et comme il convient а une femme dans la douleur; elle l’йtait de faзon а attirer tous les regards.

 

Elle йtait а Besanзon l’objet de l’attention de tous, lorsque aprиs huit jours de sollicitations, elle obtint une audience de M. de Frilair.

 

Quel que fыt son courage, les idйes de congrйganiste influent et de profonde et prudente scйlйratesse йtaient tellement liйes dans son esprit, qu’elle trembla en sonnant а la porte de l’йvкchй. Elle pouvait а peine marcher lorsqu’il lui fallut monter l’escalier qui conduisait а l’appartement du premier grand-vicaire. La solitude du palais йpiscopal lui donnait froid. Je puis m’asseoir sur un fauteuil, et ce fauteuil me saisir les bras, j’aurai disparu. А qui ma femme de chambre pourra-t-elle me demander? Le capitaine de gendarmerie se gardera bien d’agir… Je suis isolйe dans cette grande ville!

 

А son premier regard dans l’appartement, Mlle de La Mole fut rassurйe. D’abord c’йtait un laquais en livrйe fort йlйgante qui lui avait ouvert. Le salon oщ on la fit attendre йtalait ce luxe fin et dйlicat, si diffйrent de la magnificence grossiиre, et que l’on ne trouve а Paris que dans les meilleures maisons. Dиs qu’elle aperзut M. de Frilair qui venait а elle d’un air paterne, toutes les idйes de crime atroce disparurent. Elle ne trouva pas mкme sur cette belle figure l’empreinte de cette vertu йnergique et quelque peu sauvage, si antipathique а la sociйtй de Paris. Le demi-sourire qui animait les traits du prкtre, qui disposait de tout а Besanзon, annonзait l’homme de bonne compagnie, le prйlat instruit, l’administrateur habile. Mathilde se crut а Paris.

 

Il ne fallut que quelques instants а M. de Frilair pour amener Mathilde а lui avouer qu’elle йtait la fille de son puissant adversaire, le marquis de La Mole.

 

– Je ne suis point en effet Mme Michelet, dit-elle en reprenant tout la hauteur de son maintien, et cet aveu me coыte peu, car je viens vous consulter, monsieur, sur la possibilitй de procurer l’йvasion de M. de La Vernaye. D’abord il n’est coupable que d’une йtourderie; la femme sur laquelle il a tirй se porte bien. En second lieu, pour sйduire les subalternes, je puis remettre sur-le-champ cinquante mille francs et m’engager pour le double. Enfin, ma reconnaissance et celle de ma famille ne trouvera rien d’impossible pour qui aura sauvй M. de La Vernaye.

 

M. de Frilair paraissait йtonnй de ce nom. Mathilde lui montra plusieurs lettres du ministre de la guerre, adressйes а M. Julien Sorel de La Vernaye.

 

– Vous voyez, monsieur, que mon pиre se chargeait de sa fortune. Je l’ai йpousй en secret, mon pиre dйsirait qu’il fыt officier supйrieur avant de dйclarer ce mariage un peu singulier pour une La Mole.

 

Mathilde remarqua que l’expression de la bontй et d’une gaietй douce s’йvanouissait rapidement а mesure que M. de Frilair arrivait а des dйcouvertes importantes. Une finesse mкlйe de faussetй profonde se peignit sur sa figure.

 

L’abbй avait des doutes, il relisait lentement les documents officiels.

 

Quel parti puis-je tirer de ces йtranges confidences? se disait-il. Me voici d’un coup en relation intime avec une amie de la cйlиbre marйchale de Fervaques, niиce toute-puissante de monseigneur l’йvкque de ***, par qui l’on est йvкque en France.

 

Ce que je regardais comme reculй dans l’avenir se prйsente а l’improviste. Ceci peut me conduire au but de tous mes vњux.

 

D’abord Mathilde fut effrayй du changement rapide de la physionomie de cet homme si puissant, avec lequel elle se trouvait seule dans un appartement reculй. Mais quoi! se dit-elle bientфt, la pire chance n’eыt-elle pas йtй de ne faire aucune impression sur le froid йgoпsme d’un prкtre rassasiй de pouvoir et de jouissances?

 

Йbloui de cette voie rapide et imprйvue qui s’ouvrait а ses yeux pour arriver а l’йpiscopat, йtonnй du gйnie de Mathilde, un instant M. de Frilair ne fut plus sur ses gardes. Mlle de La Mole le vit presque а ses pieds, ambitieux et vif jusqu’au tremblement nerveux.

 

Tout s’йclaircit, pensa-t-elle, rien ne sera impossible ici а l’amie de Mme de Fervaques. Malgrй un sentiment de jalousie encore bien douloureux, elle eut le courage d’expliquer que Julien йtait l’ami intime de la marйchale, et rencontrait presque tous les jours chez elle monseigneur l’йvкque de ***.

 

– Quand l’on tirerait au sort quatre ou cinq fois de suite une liste de trente-six jurйs parmi les notables habitants de ce dйpartement, dit le grand vicaire avec l’вpre regard de l’ambition et en appuyant sur les mots, je me considйrerais comme bien chanceux si dans chaque liste je ne comptais pas huit ou dix amis et les plus intelligents de la troupe. Presque toujours j’aurais la majoritй, plus qu’elle mкme pour condamner; voyez, mademoiselle, avec grande facilitй je puis faire absoudre…

 

L’abbй s’arrкta tout а coup, comme йtonnй du son de ses paroles; il avouait des choses que l’on ne dit jamais aux profanes.

 

Mais а son tour il frappa Mathilde de stupeur quand il lui apprit que ce qui йtonnait et intйressait surtout la sociйtй de Besanзon dans l’йtrange aventure de Julien, c’est qu’il avait inspirй autrefois une grande passion а Mme de Rкnal, et l’avait longtemps partagйe. M. de Frilair s’aperзut facilement du trouble extrкme que produisait son rйcit.

 

J’ai ma revanche! pensa-t-il. Enfin, voici un moyen de conduire cette petite personne si dйcidйe; je tremblais de n’y pas rйussir. L’air distinguй et peu facile а mener redoublait а ses yeux le charme de la rare beautй qu’il voyait presque suppliante devant lui. Il reprit tout son sang-froid, et n’hйsita point а retourner le poignard dans son cњur.

 

– Je ne serais pas surpris aprиs tout, lui dit-il d’un air lйger, quand nous apprendrions que c’est par jalousie que M. Sorel a tirй deux coups de pistolet а cette femme autrefois tant aimйe. Il s’en faut bien qu’elle soit sans agrйments, et depuis peu elle voyait fort souvent un certain abbй Marquinot de Dijon, espиce de jansйniste sans mњurs, comme ils sont tous.

 

M. de Frilair tortura voluptueusement et а loisir le cњur de cette jolie fille, dont il avait surpris le cфtй faible.

 

Pourquoi, disait-il en arrкtant des yeux ardents sur Mathilde, M. Sorel aurait-il choisi l’йglise, si ce n’est parce que, prйcisйment en cet instant, son rival y cйlйbrait la messe? Tout le monde accorde infiniment d’esprit, et encore plus de prudence а l’homme heureux que vous protйgez. Quoi de plus simple que de se cacher dans les jardins de M. de Rкnal qu’il connaоt si bien? lа, avec la presque certitude de n’кtre ni vu, ni pris, ni soupзonnй, il pouvait donner la mort а la femme dont il йtait jaloux.

 

Ce raisonnement, si juste en apparence, acheva de jeter Mathilde hors d’elle-mкme. Cette вme altиre, mais saturйe de toute cette prudence sиche qui passe dans le grand monde pour peindre fidиlement le cњur humain, n’йtait pas faite pour comprendre vite le bonheur de se moquer de toute prudence, qui peut кtre si vif pour une вme ardente. Dans les hautes classes de la sociйtй de Paris, oщ Mathilde avait vйcu, la passion ne peut que bien rarement se dйpouiller de prudence, et c’est du cinquiиme йtage qu’on se jette par la fenкtre.

 

Enfin, l’abbй de Frilair fut sыr de son empire. Il fit entendre а Mathilde (sans doute il mentait) qu’il pouvait disposer а son grй du ministиre public, chargй de soutenir l’accusation contre Julien.

 

Aprиs que le sort aurait dйsignй les trente-six jurйs de la session, il ferait une dйmarche directe et personnelle envers trente jurйs au moins.

 

Si Mathilde n’avait pas semblй si jolie а M. de Frilair, il ne lui eыt parlй aussi clairement qu’а la cinq ou sixiиme entrevue.


Дата добавления: 2015-11-14; просмотров: 55 | Нарушение авторских прав


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