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57 kg, unités alcool: 9, cigarettes: 28 (mais je vais bientôt arrêter pour le carême, autant fumer jusqu’à l’écœurement), calories: 3 826.
Ai passé le week-end à m’efforcer de considérer avec plus grand mépris débâcle avec Daniel. Je me répétais «Respect de soi», et «Non mais» jusqu’au vertige, pour conclure: «Mais je l’aiiiiime.» Fumé comme une malade. On m’a dit que dans un roman de Martin Amis il y a un personnage qui est tellement intoxiqué que l’envie d’une cigarette le dévore alors qu’il est déjà en train de fumer. Tout à fait moi. Téléphoner à Sharon pour me vanter d’être Madame Ceinture de Chasteté m’a fait du bien, mais quand j’ai appelé Tom, il ne s’y est pas trompé, lui, «Ma pauvre chérie»! s’est-il exclamé. Me suis tue, pour ne pas éclater en sanglots d’auto-apitoiement.
– Tu vas le voir tirer la langue, maintenant. Il te suivra partout comme un petit chien.
– Non, ai-je répondu tristement. J’ai tout gâché.
Dimanche, ai déjeuné chez les parents. Un repas colossal, dégoulinant de graisse. Maman est orange vif, et plus péremptoire que jamais. Elle a passé une semaine à Albufeira avec Una Alconbury et la femme de Nigel Coles, Audrey.
Elle revenait de l’église, et une révélation, genre saint Paul sur le chemin de Damas, l’avait frappée comme l’éclair: le pasteur était homosexuel.
– C’est de la paresse, chérie. (Voilà à quoi se résumait, pour elle, le problème de l’homosexualité.) Ces types refusent de se compliquer la vie avec le sexe opposé. Regarde ton Tom. Si ce garçon avait un peu plus de cran, vous sortiriez ensemble normalement, lui et toi, au lieu de prétendre que vous êtes «amis»! Grotesque!
– Maman, Tom a découvert son homosexualité à l’âge de dix ans.
– Ce sont des idées qu’on se fait, chérie! Il faut les raisonner.
– Tu veux dire que si je te raisonnais, toi, tu quitterais papa pour aller vivre une folle passion avec tante Audrey?
– Ne sois pas ridicule, chérie.
– Ta mère a raison, Bridget. Tante Audrey ressemble à une bouilloire.
– Pour l’amour du ciel, Colin! a jeté maman, ce qui m’a étonnée car en général elle parle plutôt gentiment à papa.
Pour je ne sais quelles raisons, et bien que je lui aie affirmé qu’elle marchait parfaitement bien, papa a insisté pour réviser ma voiture avant que je ne parte. Moi, je serais du genre à me vanter d’avoir oublié comment on ouvre le capot.
– Tu n’as rien remarqué de bizarre, chez ta mère? m’a-t-il demandé d’un air gêné, tout en sortant la jauge à huile, en l’essuyant avec un chiffon et en la replongeant d’un geste suspect, pour qui serait freudien, ce que je ne suis pas.
– Elle est orange vif, mais à part ça…
– Non. Je parle de… de son comportement.
– Plus agacée que d’habitude par l’homosexualité, peut-être.
– Ça, c’est à cause du pasteur, et de sa nouvelle chasuble. Je dois reconnaître qu’ils tombent un peu dans le frou-frou. Il est allé à Rome avec l’abbé de Dumfries et ils sont revenus habillés en rose vif. Non. Tu n’as pas trouvé ta mère différente?
Je me suis trituré les méninges:
– Honnêtement non. Rayonnante de certitude, comme d’habitude.
– Hummm. Bon. Mieux vaut que tu files avant qu’il ne fasse nuit. Mes amitiés à Jude. Comment va-t-elle?
Et il a refermé le capot, comme s’il me signifiait mon congé – si violemment que j’ai eu peur qu’il se casse une main.
Je croyais qu’avec Daniel on s’expliquerait lundi, mais pas de Daniel. Hier non plus. Le boulot, maintenant, c’est comme aller à un rendez-vous pour découvrir que c’était un lapin. Inquiète pour mon ambition, mes projets de carrière et ma rigueur morale: je réagis comme une midinette. À force de tourner autour du pot, j’ai fini par apprendre par Perpetua que Daniel était à New York. À l’heure qu’il est, il s’est sûrement tapé une Américaine mince et décontractée prénommée Winona, qui couche avec le premier venu et se promène armée. Exactement le contraire de moi.
Pour couronner le tout, suis invitée à un dîner de Mariés-Fiers-de-l’Être, chez Magda et Jeremy. Ce genre de festivité réduit mon ego aux dimensions d’un ver de terre, ce qui ne m’empêche pas d’accepter les invitations avec reconnaissance. J’adore Magda et Jeremy. Il m’arrive de dormir chez eux, et de m’extasier devant les draps impeccablement repassés et les pots remplis de différentes sortes de pâtes, en imaginant que ce sont mes parents. Mais quand ils sont avec leurs amis mariés, j’ai l’impression de me transformer en Miss Havisham [i].
23: 45. Seigneur! Il y avait moi, quatre couples mariés et le frère de Jeremy (quantité négligeable: visage et bretelles rouges, appelle les filles des «pouliches»).
– Alors, a beuglé Cosmo en me servant un verre. Comment vont tes amours?
Oh non. Pourquoi font-ils ça? Pourquoi? À force de se fréquenter entre eux, peut-être que les Mariés-Fiers-de-l’Être ne savent plus comment communiquer avec les individus isolés. À moins qu’ils ne se sentent vraiment supérieurs, et qu’ils tiennent à ce qu’on se prenne pour des ratés. Ou qu’ils soient tellement obsédés par le sexe, et par le vaste monde de sensations au-delà de leurs frontières, qu’ils espèrent éprouver le grand frisson au récit détaillé de nos excitantes aventures amoureuses.
– C’est vrai, ça, Bridget, pourquoi n’es-tu pas mariée? a ricané Woney (surnom puéril de Fiona, la femme de Cosmo) avec une inquiétude feinte, tout en caressant son ventre manifestement fertile.
Parce que je ne veux pas te ressembler, espèce de grosse vache laitière, voilà ce que j’aurais dû répondre, ou, parce que, s’il fallait que je prépare le dîner de Cosmo avant de me coucher dans le même lit que lui, ne fût-ce qu’une fois, je ne parle même pas de tous les soirs de ma vie, je me couperais la tête et je la boufferais, ou, parce que, Woney, sous mes vêtements, ma peau est recouverte d’écaillés. Mais je n’ai rien dit de tout ça parce que, aussi paradoxal que cela puisse paraître, je n’avais pas envie de lui faire de peine. Je me suis contentée d’un geste d’impuissance et un dénommé Alex a estimé utile d’ajouter son grain de sel.
– A un certain âge, vous savez…
– Exactement… Tous les types convenables ont été raflés, a poursuivi Cosmo avec un rire narquois qui a ébranlé ses bajoues, et en claquant sur son ventre rebondi.
À table, Magda m’avait placée entre Cosmo et ce chieur de frère de Jeremy, genre sandwich-club à la sauce d’inceste.
– Tu devrais te grouiller de te faire engrosser, ma vieille, m’a dit Cosmo en ingurgitant d’une seule traite un grand verre de pauillac 82. Le temps presse.
A ce moment-là, j’en avais personnellement bu trois verres.
– Voyons, quelles sont exactement les statistiques? C’est un mariage sur trois ou un mariage sur deux qui finit par un divorce, actuellement? ai-je bredouillé, dans une vaine tentative de sarcasme.
– Sérieusement, ma vieille, a-t-il continué en ignorant ma réplique, le bureau regorge de femmes de trente ans célibataires. Jolies filles et tout. Trouvent pas de mec.
– C’est un problème que je n’ai pas, ai-je susurré dans un envol de cigarette.
– Vraiment? Raconte, a dit Woney.
– Qui est l’heureux élu? a demandé Cosmo.
– On tire son coup, ma vieille?
Ça, c’était Jeremy. Tous les yeux, arrondis comme des billes, se sont tournés vers moi. Bouche bée. Ils salivaient.
– Ça ne te regarde pas.
J’ai pris mes grands airs.
– C’est parce qu’elle en a pas, a croassé Cosmo.
– Grands dieux! Il est onze heures! s’est écriée Woney. La baby-sitter!
Ils se sont tous levés d’un bond décidés à rentrer chez eux.
– Excuse-moi pour ce crétin, m’a dit Magda à l’oreille. Ça ira, mon chou?
Elle me comprenait, elle.
– Tu veux que je te ramène? m’a proposé le frère de Jeremy.
Puis il a roté.
– Non merci, je vais en boîte, ai-je gazouillé, en me dépêchant de sortir. Merci pour cette super-soirée!
Me suis engouffrée dans un taxi où j’ai fondu en larmes.
Minuit. Ha, ha. Viens d’appeler Sharon.
– Tu aurais dû leur dire: «Je ne suis pas mariée parce que je suis une célibattante, bande de crétins rassis avant l’âge, puritains à l’esprit étroit», a déclamé Sharon. Et parce que tout le monde n’est pas obligé de vivre de la même façon. Un foyer sur quatre est composé d’une personne seule, la majorité des membres de la famille royale sont célibataires, les sondages ont démontré que la plupart des hommes jeunes de ce pays sont absolument inaptes au mariage. Résultat, il y a toute une génération de femmes célibataires, comme moi, qui gagnent leur vie, ont un appartement, se payent du bon temps, qui n’ont pas à laver les chaussettes de leur conjoint. Et on serait parfaitement à l’aise dans nos baskets sans les connards dans votre genre, qui conspirent pour qu’on se sente anormale sous prétexte que vous êtes jaloux!
– Célibattante! Hourrah! Adopté!
Дата добавления: 2015-10-31; просмотров: 146 | Нарушение авторских прав
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