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Chapitre XVIII. Moments cruels

Chapitre VII. Une attaque de goutte | Chapitre VIII. Quelle est la dйcoration qui distingue ? | Chapitre IX. Le Bal | Chapitre X. La Reine Marguerite | Chapitre XI. L’Empire d’une jeune fille! | Chapitre XII. Serait-ce un Danton ? | Chapitre XIII. Un complot | Chapitre XIV. Pensйes d’une jeune fille | Chapitre XV. Est-ce un complot ? | Chapitre XVI. Une heure du matin |


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Et elle me l’avoue! Elle dйtaille jusqu’aux moindres circonstances! Son њil si beau fixй sur le mien peint l’amour qu’elle sentit pour un autre!

 

SCHILLER.

 

Mademoiselle de La Mole ravie ne songeait qu’au bonheur d’avoir йtй sur le point d’кtre tuйe. Elle allait jusqu’а se dire: il est digne d’кtre mon maоtre, puisqu’il a йtй sur le point de me tuer. Combien faudrait-il fondre ensemble de beaux jeunes gens de la sociйtй pour arriver а un tel mouvement de passion?

 

Il faut avouer qu’il йtait bien joli au moment oщ il est montй sur la chaise, pour replacer l’йpйe prйcisйment dans la position pittoresque que le tapissier dйcorateur lui a donnй! Aprиs tout, je n’ai pas йtй si folle de l’aimer.

 

Dans cet instant, s’il se fыt prйsentй quelque moyen honnкte de renouer, elle l’eыt saisi avec plaisir. Julien, enfermй а double tour dans sa chambre, йtait en proie au plus violent dйsespoir. Dans ses idйes folles, il pensait а se jeter а ses pieds. Si, au lieu de se tenir cachй dans un lieu йcartй, il eыt errй au jardin et dans l’hфtel, de maniиre а se tenir а la portйe des occasions, il eыt peut-кtre en un seul instant changй en bonheur le plus vif son affreux malheur.

 

Mais l’adresse dont nous lui reprochons l’absence aurait exclu le mouvement sublime de saisir l’йpйe qui, dans ce moment, le rendait si joli aux yeux de Mlle de La Mole. Ce caprice, favorable а Julien, dura toute la journйe; Mathilde se faisait une image charmante des courts instants pendant lesquels elle l’avait aimй, elle les regrettait.

 

Au fait, se disait-elle, ma passion pour ce pauvre garзon n’a durй а ses yeux que depuis une heure aprиs minuit, quand je l’ai vu arriver par son йchelle avec tous ses pistolets, dans la poche de cфtй de son habit, jusqu’а huit heures du matin. C’est un quart d’heure aprиs, en entendant la messe а Sainte-Valиre, que j’ai commencй а penser qu’il allait se croire mon maоtre, et qu’il pourrait bien essayer de me faire obйir au nom de la terreur.

 

Aprиs dоner, Mlle de La Mole, loin de fuir Julien, lui parla et l’engagea en quelque sorte а la suivre au jardin; il obйit. Cette йpreuve lui manquait. Mathilde cйdait sans trop s’en douter а l’amour qu’elle reprenait pour lui. Elle trouvait un plaisir extrкme а se promener а ses cфtйs, c’йtait avec curiositй qu’elle regardait ces mains qui le matin avaient saisi l’йpйe pour la tuer.

 

Aprиs une telle action, aprиs tout ce qui s’йtait passй, il ne pouvait plus кtre question de leur ancienne conversation.

 

Peu а peu Mathilde se mit а lui parler avec confidence intime de l’йtat de son cњur. Elle trouvait une singuliиre voluptй dans ce genre de conversation; elle en vint а lui raconter les mouvements d’enthousiasme passagers qu’elle avait йprouvйs pour M. de Croisenois, pour M. de Caylus…

 

– Quoi! Pour M. de Caylus aussi! s’йcria Julien; et toute l’amиre jalousie d’un amant dйlaissй йclatait dans ce mot. Mathilde en jugea ainsi, et n’en fut point offensйe.

 

Elle continua а torturer Julien, en lui dйtaillant ses sentiments d’autrefois de la faзon la plus pittoresque, et avec l’accent de la plus intime vйritй. Il voyait qu’elle peignait ce qu’elle avait sous les yeux. Il avait la douleur de remarquer qu’en parlant, elle faisait des dйcouvertes dans son propre cњur.

 

Le malheur de la jalousie ne peut aller plus loin.

 

Soupзonner qu’un rival est aimй est dйjа bien cruel, mais se voir avouer en dйtail l’amour qu’il inspire par la femme qu’on adore est sans doute le comble des douleurs.

 

Ф combien йtaient punis, en cet instant, les mouvements d’orgueil qui avaient portй Julien а se prйfйrer aux Caylus, aux Croisenois! Avec quel malheur intime et senti il s’exagйrait leurs plus petits avantages! Avec quelle bonne foi ardente il se mйprisait lui-mкme!

 

Mathilde lui semblait adorable, toute parole est faible pour exprimer l’excиs de son admiration. En se promenant а cфtй d’elle, il regardait а la dйrobйe ses mains, ses bras, son port de reine. Il йtait sur le point de tomber а ses pieds, anйanti d’amour et de malheur, et en criant: Pitiй!

 

Et cette personne si belle, si supйrieure а tout, qui une fois m’a aimй, c’est M. de Caylus qu’elle aimera sans doute bientфt!

 

Julien ne pouvait douter de la sincйritй de Mlle de La Mole; l’accent de la vйritй йtait trop йvident dans tout ce qu’elle disait. Pour que rien absolument ne manquвt а son malheur, il y eut des moments oщ а force de s’occuper des sentiments qu’elle avait йprouvйs une fois pour M. de Caylus, Mathilde en vint а parler de lui comme si elle l’aimait actuellement. Certainement il y avait de l’amour dans son accent, Julien le voyait nettement.

 

L’intйrieur de sa poitrine eыt йtй inondй de plomb fondu qu’il eыt moins souffert. Comment, arrivй а cet excиs de malheur, le pauvre garзon eыt-il pu deviner que c’йtait parce qu’elle parlait а lui, que Mlle de La Mole trouvait tant de plaisir а repenser aux vellйitйs d’amour qu’elle avait йprouvйes jadis pour M. de Caylus ou M. de Luz?

 

Rien ne saurait exprimer les angoisses de Julien. Il йcoutait les confidences dйtaillйes de l’amour йprouvй pour d’autres dans cette mкme allйe de tilleuls oщ si peu de jours auparavant il attendait qu’une heure sonnвt pour pйnйtrer dans sa chambre. Un кtre humain ne peut soutenir le malheur а un plus haut degrй.

 

Ce genre d’intimitй cruelle dura huit grands jours. Mathilde tantфt semblait rechercher, tantфt ne fuyait pas les occasions de lui parler; et le sujet de conversation auquel ils semblaient tous deux revenir avec une sorte de voluptй cruelle, c’йtait le rйcit des sentiments qu’elle avait йprouvйs pour d’autres: elle lui racontait les lettres qu’elle avait йcrites, elle lui en rappelait jusqu’aux paroles, elle lui rйcitait des phrases entiиres. Les derniers jours elle semblait contempler Julien avec une sorte de joie maligne. Ses douleurs йtaient une vive jouissance pour elle.

 

On voit que Julien n’avait aucune expйrience de la vie, il n’avait pas mкme lu de romans; s’il eыt йtй un peu moins gauche et qu’il eыt dit avec quelque sang-froid а cette jeune fille, par lui si adorйe et qui lui faisait des confidences si йtranges: Convenez que quoique je ne vaille pas tous ces messieurs, c’est pourtant moi que vous aimez… peut-кtre eыt-elle йtй heureuse d’кtre devinйe; du moins le succиs eыt-il dйpendu entiиrement de la grвce avec laquelle Julien eыt exprimй cette idйe, et du moment qu’il eыt choisi. Dans tous les cas il sortait bien, et avec avantage pour lui, d’une situation qui allait devenir monotone aux yeux de Mathilde.

 

– Et vous ne m’aimez plus, moi qui vous adore! lui dit un jour Julien йperdu d’amour et de malheur. Cette sottise йtait а peu prиs la plus grande qu’il pыt commettre.

 

Ce mot dйtruisit en un clin d’њil tout le plaisir que Mlle de La Mole trouvait а lui parler de l’йtat de son cњur. Elle commenзait а s’йtonner qu’aprиs ce qui s’йtait passй il ne s’offensвt pas de ses rйcits, elle allait jusqu’а s’imaginer, au moment oщ il lui tint ce sot propos, que peut-кtre il ne l’aimait plus. La fiertй a sans doute йteint son amour, se disait-elle. Il n’est pas homme а se voir impunйment prйfйrer des кtres comme Caylus, de Luz, Croisenois, qu’il avoue lui кtre tellement supйrieurs. Non, je ne le verrai plus а mes pieds!

 

Les jours prйcйdents, dans la naпvetй de son malheur, Julien lui faisait souvent un йloge sincиre des brillantes qualitйs de ces messieurs; il allait jusqu’а les exagйrer. Cette nuance n’avait point йchappй а Mlle de La Mole, elle en йtait йtonnйe, mais n’en devinait point la cause. L’вme frйnйtique de Julien, en louant un rival qu’il croyait aimй, sympathisait avec son bonheur.

 

Son mot si franc, mais si stupide, vint tout changer en un instant: Mathilde, sыre d’кtre aimйe, le mйprisa parfaitement.

 

Elle se promenait avec lui au moment de ces propos maladroits; elle le quitta, et son dernier regard exprimait le plus affreux mйpris. Rentrйe au salon, de toute la soirйe elle ne le regarda plus. Le lendemain ce mйpris occupait tout son cњur; il n’йtait plus question du mouvement qui, pendant huit jours, lui avait fait trouver tant de plaisir а traiter Julien comme l’ami le plus intime; sa vue lui йtait dйsagrйable. La sensation de Mathilde alla jusqu’au dйgoыt; rien ne saurait exprimer l’excиs du mйpris qu’elle йprouvait en le rencontrant sous ses yeux.

 

Julien n’avait rien compris а tout ce qui s’йtait passй depuis huit jours dans le cњur de Mathilde, mais il discerna le mйpris. Il eut le bon sens de ne paraоtre devant elle que le plus rarement possible, et jamais ne la regarda.

 

Mais ce ne fut pas sans une peine mortelle qu’il se priva en quelque sorte de sa prйsence. Il crut sentir que son malheur s’en augmentait encore. Le courage d’un cњur d’homme ne peut aller plus loin, se disait-il. Il passait sa vie а une petite fenкtre dans les combles de l’hфtel; la persienne en йtait fermйe avec soin, et de lа du moins il pouvait apercevoir Mlle de La Mole quand elle paraissait au jardin.

 

Que devenait-il quand aprиs dоner il la voyait se promener avec M. de Caylus, M. de Luz ou tel autre pour qui elle lui avait avouй quelque vellйitй d’amour autrefois йprouvйe?

 

Julien n’avait pas l’idйe d’une telle intensitй de malheur; il йtait sur le point de jeter des cris; cette вme si ferme йtait enfin bouleversйe de fond en comble.

 

Toute pensйe йtrangиre а Mlle de La Mole lui йtait devenue odieuse; il йtait incapable d’йcrire les lettres les plus simples.

 

– Vous кtes fou, lui dit le marquis.

 

Julien, tremblant d’кtre devinй, parla de maladie et parvint а se faire croire. Heureusement pour lui, le marquis le plaisanta а dоner sur son prochain voyage: Mathilde comprit qu’il pouvait кtre fort long. Il y avait dйjа plusieurs jours que Julien la fuyait, et les jeunes gens si brillants qui avaient tout ce qui manquait а cet кtre si pвle et si sombre, autrefois aimй d’elle, n’avaient plus le pouvoir de la tirer de sa rкverie.

 

Une fille ordinaire, se disait-elle, eыt cherchй l’homme qu’elle prйfиre, parmi ces jeunes gens qui attirent tous les regards dans un salon; mais un des caractиres du gйnie est de ne pas traоner sa pensйe dans l’orniиre tracйe par le vulgaire.

 

Compagne d’un homme tel que Julien, auquel il ne manque que de la fortune que j’ai, j’exciterai continuellement l’attention, je ne passerai point inaperзue dans la vie. Bien loin de redouter sans cesse une rйvolution comme mes cousines, qui de peur du peuple n’osent pas gronder un postillon qui les mиne mal, je serai sыre de jouer un rфle et un grand rфle, car l’homme que j’ai choisi a du caractиre et une ambition sans bornes. Que lui manque-t-il? des amis, de l’argent? Je lui en donne. Mais sa pensйe traitait un peu Julien en кtre infйrieur, dont on se fait aimer quand on veut.


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