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Chapitre VII. Une attaque de goutte

Chapitre XXVI. Le Monde ou ce qui manque au riche | Chapitre XXVII. Premiиre Expйrience de la vie | Chapitre XXVIII. Une procession | Chapitre XXIX. Le Premier Avancement | Chapitre XXX. Un ambitieux | Chapitre premier Les Plaisirs de la campagne | Chapitre II. Entrйe dans le monde | Chapitre III. Les Premiers pas | Chapitre IV. L’Hфtel de La Mole | Chapitre V. La Sensibilitй et une grande Dame dйvote |


Читайте также:
  1. Chapitre I La ligne
  2. Chapitre II Les camarades
  3. Chapitre II. Entrйe dans le monde
  4. Chapitre II. Un maire
  5. Chapitre III L’Avion
  6. Chapitre III. Le Bien des pauvres
  7. Chapitre III. Les Premiers pas

 

Et j’eus de l’avancement, non pour mon mйrite, mais parce que mon maоtre avait la goutte.

 

BERTOLOTTI.

 

Le lecteur est peut-кtre surpris de ce ton libre et presque amical; nous avons oubliй de dire que depuis six semaines le marquis йtait retenu chez lui par une attaque de goutte.

 

Mlle de La Mole et sa mиre йtaient а Hyиres, auprиs de la mиre de la marquise. Le comte Norbert ne voyait son pиre que des instants; ils йtaient fort bien l’un pour l’autre, mais n’avaient rien а se dire. M. de La Mole, rйduit а Julien, fut йtonnй de lui trouver des idйes. Il se faisait lire les journaux. Bientфt le jeune secrйtaire fut en йtat de choisir les passages intйressants. Il y avait un journal nouveau que le marquis abhorrait; il avait jurй de ne le jamais lire, et chaque jour en parlait. Julien riait. Le marquis irritй contre le temps prйsent se fit lire Tite-Live; la traduction improvisйe sur le texte latin l’amusait.

 

Un jour le marquis dit avec ce ton de politesse excessive qui souvent impatientait Julien:

 

– Permettez, mon cher Sorel, que je vous fasse cadeau d’un habit bleu: quand il vous conviendra de le prendre et de venir chez moi, vous serez, а mes yeux, le frиre cadet du comte de Chaulnes, c’est-а-dire le fils de mon ami le vieux duc.

 

Julien ne comprenait pas trop de quoi il s’agissait; le soir mкme il essaya une visite en habit bleu. Le marquis le traita comme un йgal. Julien avait un cњur digne de sentir la vraie politesse, mais il n’avait pas d’idйe des nuances. Il eыt jurй, avant cette fantaisie du marquis, qu’il йtait impossible d’кtre reзu par lui avec plus d’йgards. Quel admirable talent! se dit Julien; quand il se leva pour sortir, le marquis lui fit des excuses de ne pouvoir l’accompagner а cause de sa goutte.

 

Cette idйe singuliиre occupa Julien: se moquerait-il de moi? pensa-t-il. Il alla demander conseil а l’abbй Pirard, qui, moins poli que le marquis, ne lui rйpondit qu’en sifflant et parlant d’autre chose. Le lendemain matin, Julien se prйsenta au marquis, en habit noir, avec son portefeuille et ses lettres а signer. Il en fut reзu а l’ancienne maniиre. Le soir, en habit bleu, ce fut un ton tout diffйrent et absolument aussi poli que la veille.

 

– Puisque vous ne vous ennuyez pas trop dans les visites que vous avez la bontй de faire а un pauvre vieillard malade, lui dit le marquis, il faudrait lui parler de tous les petits incidents de votre vie, mais franchement et sans songer а autre chose qu’а raconter clairement et d’une faзon amusante. Car il faut s’amuser, continua le marquis; il n’y a que cela de rйel dans la vie. Un homme ne peut pas me sauver la vie а la guerre tous les jours, ou me faire tous les jours cadeau d’un million; mais si j’avais Rivarol, ici, auprиs de ma chaise longue, tous les jours il m’фterait une heure de souffrances et d’ennui. Je l’ai beaucoup connu а Hambourg pendant l’йmigration.

 

Et le marquis conta а Julien les anecdotes de Rivarol avec les Hambourgeois qui s’associaient quatre pour comprendre un bon mot.

 

M. de La Mole, rйduit а la sociйtй de ce petit abbй, voulut l’йmoustiller. Il piqua d’honneur l’orgueil de Julien. Puisqu’on lui demandait la vйritй, Julien rйsolut de tout dire; mais en taisant deux choses: son admiration fanatique pour un nom qui donnait de l’humeur au marquis, et la parfaite incrйdulitй qui n’allait pas trop bien а un futur curй. Sa petite affaire avec le chevalier de Beauvoisis arriva fort а propos. Le marquis rit aux larmes de la scиne dans le cafй de la rue Saint-Honorй, avec le cocher qui l’accablait d’injures sales. Ce fut l’йpoque d’une franchise parfaite dans les relations entre le maоtre et le protйgй.

 

M. de La Mole s’intйressa а ce caractиre singulier. Dans les commencements, il caressait les ridicules de Julien, afin d’en jouir; bientфt il trouva plus d’intйrкt а corriger tout doucement les fausses maniиres de voir de ce jeune homme. Les autres provinciaux qui arrivent а Paris admirent tout, pensait le marquis; celui-ci hait tout. Ils ont trop d’affectation, lui n’en a pas assez, et les sots le prennent pour un sot.

 

L’attaque de goutte fut prolongйe par les grands froids de l’hiver et dura plusieurs mois.

 

On s’attache bien а un bel йpagneul, se disait le marquis, pourquoi ai-je tant de honte de m’attacher а ce petit abbй? il est original. Je le traite comme un fils; eh bien! oщ est l’inconvйnient? Cette fantaisie, si elle dure, me coыtera un diamant de cinq cents louis dans mon testament.

 

Une fois que le marquis eut compris le caractиre ferme de son protйgй, chaque jour il le chargeait de quelque nouvelle affaire.

 

Julien remarqua avec effroi qu’il arrivait а ce grand seigneur de lui donner des dйcisions contradictoires sur le mкme objet.

 

Ceci pouvait le compromettre gravement. Julien ne travailla plus avec lui sans apporter un registre sur lequel il йcrivait les dйcisions, et le marquis les paraphait. Julien avait pris un commis qui transcrivait les dйcisions relatives а chaque affaire sur un registre particulier. Ce registre recevait aussi la copie de toutes les lettres.

 

Cette idйe sembla d’abord le comble du ridicule et de l’ennui. Mais, en moins de deux mois, le marquis en sentit les avantages. Julien lui proposa de prendre un commis sortant de chez un banquier, et qui tiendrait en partie double le compte de toutes les recettes et de toutes les dйpenses des terres que Julien йtait chargй d’administrer.

 

Ces mesures йclaircirent tellement aux yeux du marquis ses propres affaires, qu’il put se donner le plaisir d’entreprendre deux ou trois nouvelles spйculations sans le secours de son prкte-nom qui le volait.

 

– Prenez trois mille francs pour vous, dit-il un jour а son jeune ministre.

 

– Monsieur, ma conduite peut кtre calomniйe.

 

– Que vous faut-il donc? reprit le marquis avec humeur.

 

– Que vous veuilliez bien prendre un arrкtй et l’йcrire de votre main sur le registre; cet arrкtй me donnera une somme de trois mille francs. Au reste, c’est M. l’abbй Pirard qui a eu l’idйe de toute cette comptabilitй. Le marquis, avec la mine ennuyйe du marquis de Moncade йcoutant les comptes de M. Poisson, son intendant, йcrivit la dйcision.

 

Le soir, lorsque Julien paraissait en habit bleu, il n’йtait jamais question d’affaires. Les bontйs du marquis йtaient si flatteuses pour l’amour-propre toujours souffrant de notre hйros, que bientфt, malgrй lui, il йprouva une sorte d’attachement pour ce vieillard aimable. Ce n’est pas que Julien fыt sensible, comme on l’entend а Paris; mais ce n’йtait pas un monstre, et personne, depuis la mort du vieux chirurgien-major, ne lui avait parlй avec tant de bontй. Il remarquait avec йtonnement que le marquis avait pour son amour-propre des mйnagements de politesse qu’il n’avait jamais trouvйs chez le vieux chirurgien. Il comprit enfin que le chirurgien йtait plus fier de sa croix que le marquis de son cordon bleu. Le pиre du marquis йtait un grand seigneur.

 

Un jour, а la fin d’une audience du matin, en habit noir et pour les affaires, Julien amusa le marquis, qui le retint deux heures, et voulut absolument lui donner quelques billets de banque que son prкte-nom venait de lui apporter de la Bourse.

 

– J’espиre, monsieur le marquis, ne pas m’йcarter du profond respect que je vous dois en vous suppliant de me permettre un mot.

 

– Parlez, mon ami.

 

– Que monsieur le marquis daigne souffrir que je refuse ce don. Ce n’est pas а l’homme en habit noir qu’il est adressй, et il gвterait tout а fait les faзons que l’on a la bontй de tolйrer chez l’homme en habit bleu. Il salua avec beaucoup de respect, et sortit sans regarder.

 

Ce trait amusa le marquis. Il le conta le soir а l’abbй Pirard.

 

– Il faut que je vous avoue enfin une chose, mon cher abbй. Je connais la naissance de Julien, et je vous autorise а ne pas me garder le secret sur cette confidence.

 

Son procйdй de ce matin est noble, pensa le marquis, et moi je l’anoblis.

 

Quelque temps aprиs, le marquis put enfin sortir.

 

– Allez passer deux mois а Londres, dit-il а Julien. Les courriers extraordinaires et autres vous porteront les lettres reзues par moi avec mes notes. Vous ferez les rйponses et me les renverrez en mettant chaque lettre dans sa rйponse. J’ai calculй que le retard ne sera que de cinq jours.

 

En courant la poste sur la route de Calais, Julien s’йtonnait de la futilitй des prйtendues affaires pour lesquelles on l’envoyait.

 

Nous ne dirons point avec quel sentiment de haine et presque d’horreur il toucha le sol anglais. On connaоt sa folle passion pour Bonaparte. Il voyait dans chaque officier un sir Hudson Lowe, dans chaque grand seigneur un lord Bathurst, ordonnant les infamies de Sainte-Hйlиne et en recevant la rйcompense par dix annйes de ministиre.

 

А Londres, il connut enfin la haute fatuitй. Il s’йtait liй avec de jeunes seigneurs russes qui l’initiиrent.

 

– Vous кtes prйdestinй, mon cher Sorel, lui disaient-ils, vous avez naturellement cette mine froide et а mille lieues de la sensation prйsente, que nous cherchons tant а nous donner.

 

– Vous n’avez pas compris votre siиcle, lui disait le prince Korasoff: faites toujours le contraire de ce qu’on attend de vous. Voilа, d’honneur, la seule religion de l’йpoque. Ne soyez ni fou, ni affectй, car alors on attendrait de vous des folies et des affectations, et le prйcepte ne serait plus accompli.

 

Julien se couvrit de gloire un jour dans le salon du duc de Fitz-Folke, qui l’avait engagй а dоner ainsi que le prince Korasoff. On attendit pendant une heure. La faзon dont Julien se conduisit au milieu des vingt personnes qui attendaient est encore citйe parmi les jeunes secrйtaires d’ambassade а Londres. Sa mine fut impayable.

 

Il voulut voir, malgrй les dandys ses amis, le cйlиbre Philippe Vane, le seul philosophe que l’Angleterre ait eu depuis Locke. Il le trouva achevant sa septiиme annйe de prison. L’aristocratie ne badine pas en ce pays-ci, pensa Julien; de plus, Vane est dйshonorй, vilipendй, etc.

 

Julien le trouva gaillard; la rage de l’aristocratie le dйsennuyait. Voilа, se dit Julien en sortant de prison, le seul homme gai que j’aie vu en Angleterre.

 

L’idйe la plus utile aux tyrans est celle de Dieu, lui avait dit Vane…

 

Nous supprimons le reste du systиme comme cynique.

 

А son retour: – Quelle idйe amusante m’apportez-vous d’Angleterre? lui dit M. de La Mole… Il se taisait. – Quelle idйe apportez-vous, amusante ou non? reprit le marquis vivement.

 

– Primo, dit Julien, l’Anglais le plus sage est fou une heure par jour; il est visitй par le dйmon du suicide, qui est le dieu du pays.

 

2° L’esprit et le gйnie perdent vingt-cinq pour cent de leur valeur, en dйbarquant en Angleterre.

 

3° Rien au monde n’est beau, admirable, attendrissant comme les paysages anglais.

 

– А mon tour, dit le marquis:

 

Primo, pourquoi allez-vous dire, au bal chez l’ambassadeur de Russie, qu’il y a en France trois cent mille jeunes gens de vingt-cinq ans qui dйsirent passionnйment la guerre? croyez-vous que cela soit obligeant pour les rois?

 

– On ne sait comment faire en parlant а nos grands diplomates, dit Julien. Ils ont la manie d’ouvrir des discussions sйrieuses. Si l’on s’en tient aux lieux communs des journaux, on passe pour un sot. Si l’on se permet quelque chose de vrai et de neuf, ils sont йtonnйs, ne savent que rйpondre, et le lendemain а sept heures, ils vous font dire par le premier secrйtaire d’ambassade qu’on a йtй inconvenant.

 

– Pas mal, dit le marquis en riant. Au reste, je parie, monsieur l’homme profond, que vous n’avez pas devinй ce que vous кtes allй faire en Angleterre.

 

– Pardonnez-moi, reprit Julien; j’y ai йtй pour dоner une fois la semaine chez l’ambassadeur du roi, qui est le plus poli des hommes.

 

– Vous кtes allй chercher la croix que voilа, lui dit le marquis. Je ne veux pas vous faire quitter votre habit noir, et je suis accoutumй au ton plus amusant que j’ai pris avec l’homme portant l’habit bleu. Jusqu’а nouvel ordre, entendez bien ceci: quand je verrai cette croix, vous serez le fils cadet de mon ami le duc de Chaulnes, qui, sans s’en douter, est depuis six mois employй dans la diplomatie. Remarquez, ajouta le marquis, d’un air fort sйrieux, et coupant court aux actions de grвces, que je ne veux point vous sortir de votre йtat. C’est toujours une faute et un malheur pour le protecteur comme pour le protйgй. Quand mes procиs vous ennuieront, ou que vous ne me conviendrez plus, je demanderai pour vous une bonne cure, comme celle de notre ami l’abbй Pirard, et rien de plus, ajouta le marquis d’un ton fort sec.

 

Cette croix mit а l’aise l’orgueil de Julien; il parla beaucoup plus. Il se crut moins souvent offensй et pris de mire par ces propos, susceptibles de quelque explication peu polie, et qui, dans une conversation animйe, peuvent йchapper а tout le monde.

 

Cette croix lui valut une singuliиre visite; ce fut celle de M. le baron de Valenod, qui venait а Paris remercier le ministиre de sa baronnie et s’entendre avec lui. Il allait кtre nommй maire de Verriиres en remplacement de M. de Rкnal.

 

Julien rit bien, intйrieurement, quand M. de Valenod lui fit entendre qu’on venait de dйcouvrir que M. de Rкnal йtait un jacobin. Le fait est que, dans une rййlection qui se prйparait, le nouveau baron йtait le candidat du ministиre, et au grand collиge du dйpartement, а la vйritй fort ultra, c’йtait M. de Rкnal qui йtait portй par les libйraux.

 

Ce fut en vain que Julien essaya de savoir quelque chose de Mme de Rкnal; le baron parut se souvenir de leur ancienne rivalitй et fut impйnйtrable. Il finit par demander а Julien la voix de son pиre dans les йlections qui allaient avoir lieu. Julien promit d’йcrire.

 

– Vous devriez, monsieur le chevalier, me prйsenter а M. le marquis de La Mole.

 

En effet, je le devrais, pensa Julien; mais un tel coquin!…

 

– En vйritй, rйpondit-il, je suis un trop petit garзon а l’hфtel de La Mole pour prendre sur moi de prйsenter.

 

Julien disait tout au marquis: le soir il lui conta la prйtention du Valenod, ainsi que ses faits et gestes depuis 1814.

 

– Non seulement, reprit M. de La Mole d’un air fort sйrieux, vous me prйsenterez demain le nouveau baron, mais je l’invite а dоner pour aprиs-demain. Ce sera un de nos nouveaux prйfets.

 

– En ce cas, reprit Julien froidement, je demande la place de directeur du dйpфt de mendicitй pour mon pиre.

 

– А la bonne heure, dit le marquis en reprenant l’air gai; accordй; je m’attendais а des moralitйs. Vous vous formez.

 

M. de Valenod apprit а Julien que le titulaire du bureau de loterie de Verriиres venait de mourir: Julien trouva plaisant de donner cette place а M. de Cholin, ce vieil imbйcile dont jadis il avait ramassй la pйtition dans la chambre de M. de La Mole. Le marquis rit de bien bon cњur de la pйtition que Julien rйcita en lui faisant signer la lettre qui demandait cette place au ministre des finances.

 

А peine M. de Cholin nommй, Julien apprit que cette place avait йtй demandйe par la dйputation du dйpartement pour M. Gros, le cйlиbre gйomиtre: cet homme gйnйreux n’avait que quatorze cents francs de rente, et chaque annйe prкtait six cents francs au titulaire qui venait de mourir, pour l’aider а йlever sa famille.

 

Julien fut йtonnй de ce qu’il avait fait. Ce n’est rien, se dit-il, il faudra en venir а bien d’autres injustices, si je veux parvenir, et encore savoir les cacher sous de belles paroles sentimentales: pauvre M. Gros! C’est lui qui mйritait la croix, c’est moi qui l’ai, et je dois agir dans le sens du gouvernement qui me la donne.


Дата добавления: 2015-11-14; просмотров: 34 | Нарушение авторских прав


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