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Chapitre XIII. Un complot

Chapitre II. Entrйe dans le monde | Chapitre III. Les Premiers pas | Chapitre IV. L’Hфtel de La Mole | Chapitre V. La Sensibilitй et une grande Dame dйvote | Chapitre VI Maniиre de prononcer | Chapitre VII. Une attaque de goutte | Chapitre VIII. Quelle est la dйcoration qui distingue ? | Chapitre IX. Le Bal | Chapitre X. La Reine Marguerite | Chapitre XI. L’Empire d’une jeune fille! |


Читайте также:
  1. CAPITOLUL XIII.
  2. Chapitre I La ligne
  3. Chapitre II Les camarades
  4. Chapitre II. Entrйe dans le monde
  5. Chapitre II. Un maire
  6. Chapitre III L’Avion
  7. Chapitre III. Le Bien des pauvres

 

Des propos dйcousus, des rencontres par effet du hasard, se transforment en preuves de la derniиre йvidence aux yeux de l’homme а imagination s’il a quelque feu dans le cњur.

 

SCHILLER.

 

Le lendemain, il surprit encore Norbert et sa sњur, qui parlaient de lui. А son arrivйe, un silence de mort s’йtablit, comme la veille. Ses soupзons n’eurent plus de bornes. Ces aimables jeunes gens auraient-ils entrepris de se moquer de moi? Il faut avouer que cela est beaucoup plus probable, beaucoup plus naturel qu’une prйtendue passion de Mlle de La Mole pour un pauvre diable de secrйtaire. D’abord ces gens-lа ont-ils des passions? Mystifier est leur fort. Ils sont jaloux de ma pauvre petite supйrioritй de paroles. Кtre jaloux est encore un de leurs faibles. Tout s’explique dans ce systиme. Mlle de La Mole veut me persuader qu’elle me distingue, tout simplement pour me donner en spectacle а son prйtendu.

 

Ce cruel soupзon changea toute la position morale de Julien. Cette idйe trouva dans son cњur un commencement d’amour qu’elle n’eut pas de peine а dйtruire. Cet amour n’йtait fondй que sur la rare beautй de Mathilde, ou plutфt sur ses faзons de reine et sa toilette admirable. En cela Julien йtait encore un parvenu. Une jolie femme du grand monde est, а ce qu’on assure, ce qui йtonne le plus un paysan homme d’esprit, quand il arrive aux premiиres classes de la sociйtй. Ce n’йtait point le caractиre de Mathilde qui faisait rкver Julien les jours prйcйdents. Il avait assez de sens pour comprendre qu’il ne connaissait point ce caractиre. Tout ce qu’il en voyait pouvait n’кtre qu’une apparence.

 

Par exemple, pour tout le monde, Mathilde n’aurait pas manquй la messe un dimanche; presque tous les jours elle y accompagnait sa mиre. Si, dans le salon de l’hфtel de La Mole, quelque imprudent oubliait le lieu oщ il йtait, et se permettait l’allusion la plus йloignйe а une plaisanterie contre les intйrкts vrais ou supposйs du trфne ou de l’autel, Mathilde devenait а l’instant d’un sйrieux de glace. Son regard, qui йtait si piquant, reprenait toute la hauteur impassible d’un vieux portrait de famille.

 

Mais Julien s’йtait assurй qu’elle avait toujours dans sa chambre un ou deux des volumes les plus philosophiques de Voltaire. Lui-mкme volait souvent quelques tomes de la belle йdition si magnifiquement reliйe. En йcartant un peu chaque volume de son voisin, il cachait l’absence de celui qu’il emportait, mais bientфt il s’aperзut qu’une autre personne lisait Voltaire. Il eut recours а une finesse de sйminaire, il plaзa quelques petits morceaux de crin sur les volumes qu’il supposait pouvoir intйresser Mlle de La Mole. Ils disparaissaient pendant des semaines entiиres.

 

M. de La Mole, impatientй contre son libraire, qui lui envoyait tous les faux Mйmoires, chargea Julien d’acheter toutes les nouveautйs un peu piquantes. Mais, pour que le venin ne se rйpandоt pas dans la maison, le secrйtaire avait l’ordre de dйposer ces livres dans une petite bibliothиque placйe dans la chambre mкme du marquis. Il eut bientфt la certitude que pour peu que ces livres nouveaux fussent hostiles aux intйrкts du trфne et de l’autel, ils ne tardaient pas а disparaоtre. Certes ce n’йtait pas Norbert qui lisait.

 

Julien, s’exagйrant cette expйrience, croyait а Mlle de La Mole la duplicitй de Machiavel. Cette scйlйratesse prйtendue йtait un charme а ses yeux, presque l’unique charme moral qu’elle eыt. L’ennui de l’hypocrisie et des propos de vertu le jetait dans cet excиs.

 

Il excitait son imagination plus qu’il n’йtait entraоnй par son amour.

 

C’йtait aprиs s’кtre perdu en rкveries sur l’йlйgance de la taille de Mlle de La Mole, sur l’excellent goыt de sa toilette, sur la blancheur de sa main, sur la beautй de son bras, sur la disinvoltura de tous ses mouvements, qu’il se trouvait amoureux. Alors, pour achever le charme, il la croyait une Catherine de Mйdicis. Rien n’йtait trop profond ou trop scйlйrat pour le caractиre qu’il lui prкtait. C’йtait l’idйal des Maslon, des Frilair et des Castanиde par lui admirйs dans sa jeunesse. C’йtait en un mot pour lui l’idйal de Paris.

 

Y eut-il jamais rien de plus plaisant que de croire de la profondeur ou de la scйlйratesse au caractиre parisien?

 

Il est possible que ce trio se moque de moi, pensait Julien. On connaоt bien peu son caractиre, si l’on ne voit pas dйjа l’expression sombre et froide que prirent ses regards en rйpondant а ceux de Mathilde. Une ironie amиre repoussa les assurances d’amitiй que Mlle de La Mole йtonnйe osa hasarder deux ou trois fois.

 

Piquй par cette bizarrerie soudaine, le cњur de cette jeune fille naturellement froid, ennuyй, sensible а l’esprit, devint aussi passionnй qu’il йtait dans sa nature de l’кtre. Mais il y avait aussi beaucoup d’orgueil dans le caractиre de Mathilde, et la naissance d’un sentiment qui faisait dйpendre d’un autre tout son bonheur fut accompagnйe d’une sombre tristesse.

 

Julien avait dйjа assez profitй depuis son arrivйe а Paris pour distinguer que ce n’йtait pas lа la tristesse sиche de l’ennui. Au lieu d’кtre avide, comme autrefois, de soirйes, de spectacles et de distractions de tous genres, elle les fuyait.

 

La musique chantйe par des Franзais ennuyait Mathilde а la mort, et cependant Julien, qui se faisait un devoir d’assister а la sortie de l’Opйra, remarqua qu’elle s’y faisait mener le plus souvent qu’elle pouvait. Il crut distinguer qu’elle avait perdu un peu de la mesure parfaite qui brillait dans toutes ses actions. Elle rйpondait quelquefois а ses amis par des plaisanteries outrageantes а force de piquante йnergie. Il lui sembla qu’elle prenait en guignon le marquis de Croisenois. Il faut que ce jeune homme aime furieusement l’argent, pour ne pas planter lа cette fille, si riche qu’elle soit! pensait Julien. Et pour lui, indignй des outrages faits а la dignitй masculine, il redoublait de froideur envers elle. Souvent il alla jusqu’aux rйponses peu polies.

 

Quelque rйsolu qu’il fыt а ne pas кtre dupe des marques d’intйrкt de Mathilde, elles йtaient si йvidentes de certains jours, et Julien, dont les yeux commenзaient а se dessiller, la trouvait si jolie, qu’il en йtait quelquefois embarrassй.

 

L’adresse et la longanimitй de ces jeunes gens du grand monde finiraient par triompher de mon peu d’expйrience, se dit-il; il faut partir et mettre un terme а tout ceci. Le marquis venait de lui confier l’administration d’une quantitй de petites terres et de maisons qu’il possйdait dans le bas Languedoc. Un voyage йtait nйcessaire: M. de La Mole y consentit avec peine. Exceptй pour les matiиres de haute ambition, Julien йtait devenu un autre lui-mкme.

 

Au bout du compte, ils ne m’ont point attrapй, se disait Julien en prйparant son dйpart. Que les plaisanteries que Mlle de La Mole fait а ces messieurs soient rйelles ou seulement destinйes а m’inspirer de la confiance, je m’en suis amusй.

 

S’il n’y a pas conspiration contre le fils du charpentier, Mlle de La Mole est inexplicable, mais elle l’est pour le marquis de Croisenois du moins autant que pour moi. Hier, par exemple, son humeur йtait bien rйelle, et j’ai eu le plaisir de faire bouquer par ma faveur un jeune homme aussi noble et aussi riche que je suis gueux et plйbйien. Voilа le plus beau de mes triomphes; il m’йgaiera dans ma chaise de poste, en courant les plaines du Languedoc.

 

Il avait fait de son dйpart un secret, mais Mathilde savait mieux que lui qu’il allait quitter Paris le lendemain, et pour longtemps. Elle eut recours а un mal de tкte fou, qu’augmentait l’air йtouffй du salon. Elle se promena beaucoup dans le jardin, et poursuivit tellement de ses plaisanteries mordantes Norbert, le marquis de Croisenois, Caylus, de Luz et quelques autres jeunes gens qui avaient dоnй а l’hфtel de La Mole, qu’elle les forзa de partir. Elle regardait Julien d’une faзon йtrange.

 

Ce regard est peut-кtre une comйdie, pensa Julien; mais cette respiration pressйe, mais tout ce trouble! Bah! se dit-il, qui suis-je pour juger de toutes ces choses? Il s’agit ici de ce qu’il y a de plus sublime et de plus fin parmi les femmes de Paris. Cette respiration pressйe qui a йtй sur le point de me toucher, elle l’aura йtudiйe chez Lйontine Fay qu’elle aime tant.

 

Ils йtaient restйs seuls; la conversation languissait йvidemment. Non! Julien ne sent rien pour moi, se disait Mathilde vraiment malheureuse.

 

Comme il prenait congй d’elle, elle lui serra le bras avec force:

 

– Vous recevrez ce soir une lettre de moi, lui dit-elle d’une voix tellement altйrйe, que le son n’en йtait pas reconnaissable.

 

Cette circonstance toucha sur-le-champ Julien.

 

– Mon pиre, continua-t-elle, a une juste estime pour les services que vous lui rendez. Il faut ne pas partir demain; trouvez un prйtexte. Et elle s’йloigna en courant.

 

Sa taille йtait charmante. Il йtait impossible d’avoir un plus joli pied, elle courait avec une grвce qui ravit Julien; mais devinerait-on а quoi fut sa seconde pensйe aprиs qu’elle eut tout а fait disparu? Il fut offensй du ton impйratif avec lequel elle avait dit ce mot il faut. Louis XV aussi, au moment de mourir, fut vivement piquй du mot il faut, maladroitement employй par son premier mйdecin, et Louis XV pourtant n’йtait pas un parvenu.

 

Une heure aprиs, un laquais remit une lettre а Julien; c’йtait tout simplement une dйclaration d’amour.

 

Il n’y a pas trop d’affectation dans le style, se dit Julien, cherchant par ses remarques littйraires а contenir la joie qui contractait ses joues et le forзait а rire malgrй lui.

 

Enfin moi, s’йcria-t-il tout а coup, la passion йtant trop forte pour кtre contenue, moi, pauvre paysan, j’ai donc une dйclaration d’amour d’une grande dame!

 

Quant а moi, ce n’est pas mal, ajouta-t-il en comprimant sa joie le plus possible. J’ai su conserver la dignitй de mon caractиre. Je n’ai point dit que j’aimais. Il se mit а йtudier la forme des caractиres; Mlle de La Mole avait une jolie petite йcriture anglaise. Il avait besoin d’une occupation physique pour se distraire d’une joie qui allait jusqu’au dйlire.

 

«Votre dйpart m’oblige а parler… Il serait au-dessus de mes forces de ne plus vous voir.»

 

Une pensйe vint frapper Julien comme une dйcouverte, interrompre l’examen qu’il faisait de la lettre de Mathilde, et redoubler sa joie. Je l’emporte sur le marquis de Croisenois, s’йcria-t-il, moi, qui ne dis que des choses sйrieuses! Et lui est si joli! il a des moustaches, un charmant uniforme; il trouve toujours а dire, juste au moment convenable, un mot spirituel et fin.

 

Julien eut un instant dйlicieux; il errait а l’aventure dans le jardin, fou de bonheur.

 

Plus tard, il monta а son bureau et se fit annoncer chez le marquis de La Mole, qui heureusement n’йtait pas sorti. Il lui prouva facilement, en lui montrant quelques papiers marquйs arrivйs de Normandie, que le soin des procиs normands l’obligeait а diffйrer son dйpart pour le Languedoc.

 

– Je suis bien aise que vous ne partiez pas, lui dit le marquis, quand ils eurent fini de parler d’affaires, j’aime а vous voir. Julien sortit; ce mot le gкnait.

 

Et moi, je vais sйduire sa fille! rendre impossible peut-кtre ce mariage avec le marquis de Croisenois, qui fait le charme de son avenir: s’il n’est pas duc, du moins sa fille aura un tabouret. Julien eut l’idйe de partir pour le Languedoc malgrй la lettre de Mathilde, malgrй l’explication donnйe au marquis. Cet йclair de vertu disparut bien vite.

 

Que je suis bon, se dit-il; moi, plйbйien, avoir pitiй d’une famille de ce rang! Moi, que le duc de Chaulnes appelle un domestique! Comment le marquis augmente-t-il son immense fortune? En vendant de la rente, quand il apprend au chвteau qu’il y aura le lendemain apparence de coup d’Йtat. Et moi, jetй au dernier rang par une Providence marвtre, moi а qui elle a donnй un cњur noble et pas mille francs de rente, c’est-а-dire pas de pain, exactement parlant pas de pain; moi, refuser un plaisir qui s’offre! Une source limpide qui vient йtancher ma soif dans le dйsert brыlant de la mйdiocritй que je traverse si pйniblement! Ma foi, pas si bкte; chacun pour soi dans ce dйsert d’йgoпsme qu’on appelle la vie.

 

Et il se rappela quelques regards remplis de dйdain, а lui adressйs par Mme de La Mole, et surtout par les dames ses amies.

 

Le plaisir de triompher du marquis de Croisenois vint achever la dйroute de ce souvenir de vertu.

 

Que je voudrais qu’il se fвchвt! dit Julien; avec quelle assurance je lui donnerais maintenant un coup d’йpйe. Et il faisait le geste du coup de seconde. Avant ceci, j’йtais un cuistre, abusant bassement d’un peu de courage. Aprиs cette lettre, je suis son йgal.

 

Oui, se disait-il avec une voluptй infinie et en parlant lentement, nos mйrites, au marquis et а moi, ont йtй pesйs, et le pauvre charpentier du Jura l’emporte.

 

Bon! s’йcria-t-il, voilа la signature de ma rйponse trouvйe. N’allez pas vous figurer, Mlle de La Mole, que j’oublie mon йtat. Je vous ferai comprendre et bien sentir que c’est pour le fils d’un charpentier que vous trahissez un descendant du fameux Guy de Croisenois, qui suivit saint Louis а la croisade.

 

Julien ne pouvait contenir sa joie. Il fut obligй de descendre au jardin. Sa chambre, oщ il s’йtait enfermй а clef, lui semblait trop йtroite pour y respirer.

 

Moi, pauvre paysan du Jura, se rйpйtait-il sans cesse, moi, condamnй а porter toujours ce triste habit noir! Hйlas! vingt ans plus tфt, j’aurais portй l’uniforme comme eux! Alors un homme comme moi йtait tuй, ou gйnйral а trente-six ans. Cette lettre, qu’il tenait serrйe dans sa main, lui donnait la taille et l’attitude d’un hйros. Maintenant, il est vrai, avec cet habit noir, а quarante ans, on a cent mille francs d’appointements et le cordon bleu, comme M. l’йvкque de Beauvais.

 

Eh bien! se dit-il en riant comme Mйphistophйlиs, j’ai plus d’esprit qu’eux; je sais choisir l’uniforme de mon siиcle. Et il sentit redoubler son ambition et son attachement а l’habit ecclйsiastique. Que de cardinaux nйs plus bas que moi et qui ont gouvernй! mon compatriote Granvelle, par exemple.

 

Peu а peu l’agitation de Julien se calma; la prudence surnagea. Il se dit, comme son maоtre Tartufe, dont il savait le rфle par cњur:

 

Je puis croire ces mots un artifice honnкte…

 

 

Je ne me fierai point а des propos si doux,

 

Qu’un peu de ses faveurs, aprиs quoi je soupire,

 

Ne vienne m’assurer tout ce qu’ils m’ont pu dire.

 

Tartufe, acte IV, scиne V.

 

Tartufe aussi fut perdu par une femme, et il en valait bien un autre… Ma rйponse peut кtre montrйe… а quoi nous trouvons ce remиde, ajouta-t-il en prononзant lentement, et avec l’accent de la fйrocitй qui se contient, nous la commenзons par les phrases les plus vives de la lettre de la sublime Mathilde.

 

Oui, mais quatre laquais de M. de Croisenois se prйcipitent sur moi et m’arrachent l’original.

 

Non, car je suis bien armй, et j’ai l’habitude, comme on sait, de faire feu sur les laquais.

 

Eh bien! l’un d’eux a du courage; il se prйcipite sur moi. On lui a promis cent napolйons. Je le tue ou je le blesse, а la bonne heure, c’est ce qu’on demande. On me jette en prison fort lйgalement; je parais en police correctionnelle, et l’on m’envoie, avec toute justice et йquitй de la part des juges, tenir compagnie dans Poissy а MM. Fontan et Magallon. Lа, je couche avec quatre cents gueux pкle-mкle… Et j’aurais quelque pitiй de ces gens-lа, s’йcria-t-il en se levant impйtueusement! En ont-ils pour les gens du tiers йtat, quand ils les tiennent? Ce mot fut le dernier soupir de sa reconnaissance pour M. de La Mole qui, malgrй lui, le tourmentait jusque-lа.

 

Doucement, messieurs les gentilshommes, je comprends ce petit trait de machiavйlisme; l’abbй Maslon ou M. Castanиde du sйminaire n’auraient pas mieux fait. Vous m’enlиverez la lettre provocatrice, et je serai le second tome du colonel Caron а Colmar.

 

Un instant, messieurs, je vais envoyer la lettre fatale en dйpфt dans un paquet bien cachetй а M. l’abbй Pirard. Celui-lа est honnкte homme, jansйniste, et en cette qualitй а l’abri des sйductions du budget. Oui, mais il ouvre les lettres… c’est а Fouquй que j’enverrai celle-ci.

 

Il faut en convenir, le regard de Julien йtait atroce, sa physionomie hideuse; elle respirait le crime sans alliage. C’йtait l’homme malheureux en guerre avec toute la sociйtй.

 

Aux armes! s’йcria Julien. Et il franchit d’un saut les marches du perron de l’hфtel. Il entra dans l’йchoppe de l’йcrivain du coin de la rue, il lui fit peur. Copiez, lui dit-il en lui donnant la lettre de Mlle de La Mole.

 

Pendant que l’йcrivain travaillait, il йcrivit lui-mкme а Fouquй; il le priait de lui conserver un dйpфt prйcieux. Mais, se dit-il en s’interrompant, le cabinet noir а la poste ouvrira ma lettre et vous rendra celle que vous cherchez…; non, messieurs. Il alla acheter une йnorme Bible chez un libraire protestant, cacha fort adroitement la lettre de Mathilde dans la couverture, fit emballer le tout, et son paquet partit par la diligence, adressй а un des ouvriers de Fouquй, dont personne а Paris ne savait le nom.

 

Cela fait, il rentra joyeux et leste а l’hфtel de La Mole. А nous! maintenant, s’йcria-t-il, en s’enfermant а clef dans sa chambre, et jetant son habit:

 

«Quoi! mademoiselle, йcrivait-il а Mathilde, c’est Mlle de La Mole qui, par les mains d’Arsиne, laquais de son pиre, fait remettre une lettre trop sйduisante а un pauvre charpentier du Jura, sans doute pour se jouer de sa simplicitй…» Et il transcrivait les phrases les plus claires de la lettre qu’il venait de recevoir.

 

La sienne eыt fait honneur а la prudence diplomatique de M. le chevalier de Beauvoisis. Il n’йtait encore que dix heures; Julien, ivre de bonheur et du sentiment de sa puissance, si nouveau pour un pauvre diable, entra а l’Opйra italien. Il entendit chanter son ami Geronimo. Jamais la musique ne l’avait exaltй а ce point. Il йtait un dieu.


Дата добавления: 2015-11-14; просмотров: 69 | Нарушение авторских прав


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