Студопедия
Случайная страница | ТОМ-1 | ТОМ-2 | ТОМ-3
АрхитектураБиологияГеографияДругоеИностранные языки
ИнформатикаИсторияКультураЛитератураМатематика
МедицинаМеханикаОбразованиеОхрана трудаПедагогика
ПолитикаПравоПрограммированиеПсихологияРелигия
СоциологияСпортСтроительствоФизикаФилософия
ФинансыХимияЭкологияЭкономикаЭлектроника

Chapitre XI. L’Empire d’une jeune fille!

Chapitre XXX. Un ambitieux | Chapitre premier Les Plaisirs de la campagne | Chapitre II. Entrйe dans le monde | Chapitre III. Les Premiers pas | Chapitre IV. L’Hфtel de La Mole | Chapitre V. La Sensibilitй et une grande Dame dйvote | Chapitre VI Maniиre de prononcer | Chapitre VII. Une attaque de goutte | Chapitre VIII. Quelle est la dйcoration qui distingue ? | Chapitre IX. Le Bal |


Читайте также:
  1. Chapitre I La ligne
  2. Chapitre II Les camarades
  3. Chapitre II. Entrйe dans le monde
  4. Chapitre II. Un maire
  5. Chapitre III L’Avion
  6. Chapitre III. Le Bien des pauvres
  7. Chapitre III. Les Premiers pas

 

J’admire sa beautй, mais je crains son esprit.

 

MЙRIMЙE.

 

Si Julien eыt employй а examiner ce qui se passait dans le salon le temps qu’il mettait а s’exagйrer la beautй de Mathilde, ou а se passionner contre la hauteur naturelle а sa famille, qu’elle oubliait pour lui, il eыt compris en quoi consistait son empire sur tout ce qui l’entourait. Dиs qu’on dйplaisait а Mlle de La Mole, elle savait punir par une plaisanterie si mesurйe, si bien choisie, si convenable en apparence, lancйe si а propos, que la blessure croissait а chaque instant, plus on y rйflйchissait. Peu а peu elle devenait atroce pour l’amour-propre offensй. Comme elle n’attachait aucun prix а bien des choses qui йtaient des objets de dйsirs sйrieux pour le reste de sa famille, elle paraissait toujours de sang-froid а leurs yeux. Les salons de l’aristocratie sont agrйables а citer quand on en sort, mais voilа tout; la politesse toute seule n’est quelque chose par elle-mкme que les premiers jours. Julien l’йprouvait; aprиs le premier enchantement, le premier йtonnement. La politesse, se disait-il, n’est que l’absence de la colиre que donneraient les mauvaises maniиres. Mathilde s’ennuyait souvent, peut-кtre se fыt-elle ennuyйe partout. Alors aiguiser une йpigramme йtait pour elle une distraction et un vrai plaisir.

 

C’йtait peut-кtre pour avoir des victimes un peu plus amusantes que ses grands parents, que l’acadйmicien et les cinq ou six autres subalternes qui leur faisaient la cour, qu’elle avait donnй des espйrances au marquis de Croisenois, au comte de Caylus et deux ou trois autres jeunes gens de la premiиre distinction. Ils n’йtaient pour elle que de nouveaux objets d’йpigramme.

 

Nous avouerons avec peine, car nous aimons Mathilde, qu’elle avait reзu des lettres de plusieurs d’entre eux, et leur avait quelquefois rйpondu. Nous nous hвtons d’ajouter que ce personnage fait exception aux mњurs du siиcle. Ce n’est pas en gйnйral le manque de prudence que l’on peut reprocher aux йlиves du noble couvent du Sacrй-Cњur.

 

Un jour le marquis de Croisenois rendit а Mathilde une lettre assez compromettante qu’elle lui avait йcrite la veille. Il croyait par cette marque de haute prudence avancer beaucoup ses affaires. Mais c’йtait l’imprudence que Mathilde aimait dans ses correspondances. Son plaisir йtait de jouer son sort. Elle ne lui adressa pas la parole de six semaines.

 

Elle s’amusait des lettres de ces jeunes gens; mais suivant elle, toutes se ressemblaient. C’йtait toujours la passion la plus profonde, la plus mйlancolique.

 

– Ils sont tous le mкme homme parfait, prкt а partir pour la Palestine, disait-elle а sa cousine. Connaissez-vous quelque chose de plus insipide? Voilа donc les lettres que je vais recevoir toute la vie! Ces lettres-lа ne doivent changer que tous les vingt ans, suivant le genre d’occupation qui est а la mode. Elles devaient кtre moins dйcolorйes du temps de l’Empire. Alors tous ces jeunes gens du grand monde avaient vu ou fait des actions qui rйellement avaient de la grandeur. Le duc de N***, mon oncle, a йtй а Wagram.

 

– Quel esprit faut-il pour donner un coup de sabre? Et quand cela leur est arrivй, ils en parlent si souvent! dit Mlle de Sainte-Hйrйditй, la cousine de Mathilde.

 

– Eh bien! ces rйcits me font plaisir. Кtre dans une vйritable bataille, une bataille de Napolйon, oщ l’on tuait dix mille soldats, cela prouve du courage. S’exposer au danger йlиve l’вme et la sauve de l’ennui oщ mes pauvres adorateurs semblent plongйs; et il est contagieux, cet ennui. Lequel d’entre eux a l’idйe de faire quelque chose d’extraordinaire? Ils cherchent а obtenir ma main, la belle affaire! Je suis riche, et mon pиre avancera son gendre. Ah! pыt-il en trouver un qui fыt un peu amusant!

 

La maniиre de voir vive, nette, pittoresque de Mathilde, gвtait son langage, comme on voit. Souvent un mot d’elle faisait tache aux yeux de ses amis si polis. Ils se seraient presque avouй, si elle eыt йtй moins а la mode, que son parler avait quelque chose d’un peu colorй pour la dйlicatesse fйminine.

 

Elle, de son cфtй, йtait bien injuste envers les jolis cavaliers qui peuplent le bois de Boulogne. Elle voyait l’avenir non pas avec terreur, c’eыt йtй un sentiment vif, mais avec un dйgoыt bien rare а son вge.

 

Que pouvait-elle dйsirer? La fortune, la haute naissance, l’esprit, la beautй а ce qu’on disait, et а ce qu’elle croyait, tout avait йtй accumulй sur elle par les mains du hasard.

 

Voilа quelles йtaient les pensйes de l’hйritiиre la plus enviйe du faubourg Saint-Germain, quand elle commenзa а trouver du plaisir а se promener avec Julien. Elle fut йtonnйe de son orgueil; elle admira l’adresse de ce petit bourgeois. Il saura se faire йvкque comme l’abbй Maury, se dit-elle.

 

Bientфt cette rйsistance sincиre et non jouйe, avec laquelle notre hйros accueillait plusieurs de ses idйes, l’occupa; elle y pensait; elle racontait а son amie les moindres dйtails des conversations, et trouvait que jamais elle ne parvenait а en bien rendre toute la physionomie.

 

Une idйe l’illumina tout а coup: J’ai le bonheur d’aimer, se dit-elle un jour, avec un transport de joie incroyable. J’aime, j’aime, c’est clair! А mon вge, une fille jeune, belle, spirituelle, oщ peut-elle trouver des sensations, si ce n’est dans l’amour? J’ai beau faire, je n’aurai jamais d’amour pour Croisenois, Caylus, et tutti quanti. Ils sont parfaits, trop parfaits peut-кtre; enfin, ils m’ennuient.

 

Elle repassa dans sa tкte toutes les descriptions de passion qu’elle avait lues dans Manon Lescaut, La Nouvelle Hйloпse, les Lettres d’une Religieuse portugaise, etc., etc., Il n’йtait question, bien entendu, que de la grande passion; l’amour lйger йtait indigne d’une fille de son вge et de sa naissance. Elle ne donnait le nom d’amour qu’а ce sentiment hйroпque que l’on rencontrait en France du temps de Henri III et de Bassompierre. Cet amour-lа ne cйdait point bassement aux obstacles, mais, bien loin de lа, faisait faire de grandes choses. Quel malheur pour moi qu’il n’y ait pas une cour vйritable comme celle de Catherine de Mйdicis ou de Louis XIII! Je me sens au niveau de tout ce qu’il y a de plus hardi et de plus grand. Que ne ferais-je pas d’un roi homme de cњur, comme Louis XIII, soupirant а mes pieds! Je le mиnerais en Vendйe, comme dit si souvent le baron de Tolly, et de lа il reconquerrait son royaume; alors plus de charte… et Julien me seconderait. Que lui manque-t-il? un nom et de la fortune. Il se ferait un nom il acquerrait de la fortune.

 

Rien ne manque а Croisenois, et il ne sera toute sa vie qu’un duc а demi-ultra, а demi-libйral, un кtre indйcis toujours йloignй des extrкmes, et par consйquent se trouvant le second partout.

 

Quelle est la grande action qui ne soit pas un extrкme au moment oщ on l’entreprend? C’est quand elle est accomplie qu’elle semble possible aux кtres du commun. Oui, c’est l’amour avec tous ses miracles qui va rйgner dans mon cњur; je le sens au feu qui m’anime. Le ciel me devait cette faveur. Il n’aura pas en vain accumulй sur un seul кtre tous les avantages. Mon bonheur sera digne de moi. Chacune de mes journйes ne ressemblera pas froidement а celle de la veille. Il y a dйjа de la grandeur et de l’audace а oser aimer un homme placй si loin de moi par sa position sociale. Voyons: continuera-t-il а me mйriter? А la premiиre faiblesse que je vois en lui, je l’abandonne. Une fille de ma naissance, et avec le caractиre chevaleresque que l’on veut bien m’accorder (c’йtait un mot de son pиre), ne doit pas se conduire comme une sotte.

 

N’est-ce pas lа le rфle que je jouerais si j’aimais le marquis de Croisenois? J’aurais une nouvelle йdition du bonheur de mes cousines, que je mйprise si complиtement. Je sais d’avance tout ce que me dirait le pauvre marquis, tout ce que j’aurais а lui rйpondre. Qu’est-ce qu’un amour qui fait bвiller? autant vaudrait кtre dйvote. J’aurais une signature de contrat, comme celle de la cadette de mes cousines, oщ les grands-parents s’attendriraient, si pourtant ils n’avaient pas d’humeur а cause d’une derniиre condition introduite la veille dans le contrat par le notaire de la partie adverse.


Дата добавления: 2015-11-14; просмотров: 40 | Нарушение авторских прав


<== предыдущая страница | следующая страница ==>
Chapitre X. La Reine Marguerite| Chapitre XII. Serait-ce un Danton ?

mybiblioteka.su - 2015-2024 год. (0.007 сек.)