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Chapitre XVII. Le Premier Adjoint

Chapitre VI. L’Ennui | Chapitre VII. Les Affinitйs йlectives | Chapitre VIII. Petits йvйnements | Chapitre IX. Une soirйe а la campagne | Chapitre X. Un grand cњur et une petite fortune | Chapitre XI. Une soirйe | Chapitre XII. Un voyage | Chapitre XIII. Les Bas а jour | Chapitre XIV. Les Ciseaux anglais | Chapitre XV. Le Chant du coq |


Читайте также:
  1. Chapitre I La ligne
  2. Chapitre II Les camarades
  3. Chapitre II. Entrйe dans le monde
  4. Chapitre II. Un maire
  5. Chapitre III L’Avion
  6. Chapitre III. Le Bien des pauvres
  7. Chapitre III. Les Premiers pas

 

O, how this spring of love resembleth

The uncertain glory of an April day,

Which now shows all the beauty of the sun

And by and by a cloud takes all away!

 

TWO GENTLEMEN OF VERONA.

 

Un soir au coucher du soleil, assis auprиs de son amie, au fond du verger, loin des importuns, il rкvait profondйment. Des moments si doux, pensait-il, dureront-ils toujours? Son вme йtait tout occupйe de la difficultй de prendre un йtat, il dйplorait ce grand accиs de malheur qui termine l’enfance et gвte les premiиres annйes de la jeunesse peu riche.

 

– Ah! s’йcria-t-il, que Napolйon йtait bien l’homme envoyй de Dieu pour les jeunes Franзais! qui le remplacera? que feront sans lui les malheureux, mкme plus riches que moi, qui ont juste les quelques йcus qu’il faut pour se procurer une bonne йducation, et pas assez d’argent pour acheter un homme а vingt ans et se pousser dans une carriиre! Quoi qu’on fasse, ajouta-t-il avec un profond soupir, ce souvenir fatal nous empкchera а jamais d’кtre heureux!

 

Il vit tout а coup Mme de Rкnal froncer le sourcil, elle prit un air froid et dйdaigneux; cette faзon de penser lui semblait convenir а un domestique. Йlevйe dans l’idйe qu’elle йtait fort riche, il lui semblait chose convenue que Julien l’йtait aussi. Elle l’aimait mille fois plus que la vie et ne faisait aucun cas de l’argent.

 

Julien йtait loin de deviner ces idйes. Ce froncement de sourcil le rappela sur la terre. Il eut assez de prйsence d’esprit pour arranger sa phrase et faire entendre а la noble dame, assise si prиs de lui sur le banc de verdure, que les mots qu’il venait de rйpйter, il les avait entendus pendant son voyage chez son ami le marchand de bois. C’йtait le raisonnement des impies.

 

– Eh bien! ne vous mкlez plus а ces gens-lа, dit Mme de Rкnal, gardant encore un peu de cet air glacial qui, tout а coup, avait succйdй а l’expression de la plus vive tendresse.

 

Ce froncement de sourcil, ou plutфt le remords de son imprudence, fut le premier йchec portй а l’illusion qui entraоnait Julien. Il se dit: Elle est bonne et douce, son goыt pour moi est vif, mais elle a йtй йlevйe dans le camp ennemi. Ils doivent surtout avoir peur de cette classe d’hommes de cњur qui, aprиs une bonne йducation, n’a pas assez d’argent pour entrer dans une carriиre. Que deviendraient-ils, ces nobles, s’il nous йtait donnй de les combattre а armes йgales! Moi, par exemple, maire de Verriиres, bien intentionnй, honnкte comme l’est au fond M. de Rкnal! comme j’enlиverais le vicaire, M. Valenod et toutes leurs friponneries! comme la justice triompherait dans Verriиres! Ce ne sont pas leurs talents qui me feraient obstacle. Ils tвtonnent sans cesse.

 

Le bonheur de Julien fut, ce jour-lа, sur le point de devenir durable. Il manqua а notre hйros d’oser кtre sincиre. Il fallait avoir le courage de livrer bataille, mais sur-le-champ; Mme de Rкnal avait йtй йtonnйe du mot de Julien, parce que les hommes de sa sociйtй rйpйtaient que le retour de Robespierre йtait surtout possible а cause de ces jeunes gens des basses classes, trop bien йlevйs. L’air froid de Mme de Rкnal dura assez longtemps, et sembla marquй а Julien. C’est que la crainte de lui avoir dit indirectement une chose dйsagrйable succйda а sa rйpugnance pour le mauvais propos. Ce malheur se rйflйchit vivement dans ses traits si purs et si naпfs quand elle йtait heureuse et loin des ennuyeux.

 

Julien n’osa plus rкver avec abandon. Plus calme et moins amoureux, il trouva qu’il йtait imprudent d’aller voir Mme de Rкnal dans sa chambre. Il valait mieux qu’elle vоnt chez lui; si un domestique l’apercevait courant dans la maison, vingt prйtextes diffйrents pouvaient expliquer cette dйmarche.

 

Mais cet arrangement avait aussi ses inconvйnients. Julien avait reзu de Fouquй des livres que lui, йlиve en thйologie, n’eыt jamais pu demander а un libraire. Il n’osait les ouvrir que de nuit. Souvent il eыt йtй bien aise de n’кtre pas interrompu par une visite dont l’attente, la veille encore de la petite scиne du verger, l’eыt mis hors d’йtat de lire.

 

Il devait а Mme de Rкnal de comprendre les livres d’une faзon toute nouvelle. Il avait osй lui faire des questions sur une foule de petites choses, dont l’ignorance arrкte tout court l’intelligence d’un jeune homme nй hors de la sociйtй, quelque gйnie naturel qu’on veuille lui supposer.

 

Cette йducation de l’amour, donnйe par une femme extrкmement ignorante, fut un bonheur. Julien arriva directement а voir la sociйtй telle qu’elle est aujourd’hui. Son esprit ne fut point offusquй par le rйcit de ce qu’elle a йtй autrefois, il y a deux mille ans, ou seulement il y a soixante ans, du temps de Voltaire et de Louis XV. А son inexprimable joie, un voile tomba de devant ses yeux, il comprit enfin les choses qui se passaient а Verriиres.

 

Sur le premier plan parurent des intrigues trиs compliquйes ourdies, depuis deux ans, auprиs du prйfet de Besanзon. Elles йtaient appuyйes par des lettres venues de Paris, et йcrites par ce qu’il y a de plus illustre. Il s’agissait de faire de M. de Moirod, c’йtait l’homme le plus dйvot du pays, le premier, et non pas le second adjoint du maire de Verriиres.

 

Il avait pour concurrent un fabricant fort riche, qu’il fallait absolument refouler а la place de second adjoint.

 

Julien comprit enfin les demi-mots qu’il avait surpris, quand la haute sociйtй du pays venait dоner chez M. de Rкnal. Cette sociйtй privilйgiйe йtait profondйment occupйe de ce choix du premier adjoint, dont le reste de la ville et surtout les libйraux ne soupзonnaient pas mкme la possibilitй. Ce qui en faisait l’importance, c’est qu’ainsi que chacun sait, le cфtй oriental de la grande rue de Verriиres doit reculer de plus de neuf pieds, car cette rue est devenue route royale.

 

Or, si M. de Moirod, qui avait trois maisons dans le cas de reculer, parvenait а кtre premier adjoint, et par la suite maire dans le cas oщ M. de Rкnal serait nommй dйputй, il fermerait les yeux, et l’on pourrait faire, aux maisons qui avancent sur la voie publique, de petites rйparations imperceptibles, au moyen desquelles elles dureraient cent ans. Malgrй la haute piйtй et la probitй reconnues de M. de Moirod, on йtait sыr qu’il serait coulant, car il avait beaucoup d’enfants. Parmi les maisons qui devaient reculer, neuf appartenaient а tout ce qu’il y a de mieux dans Verriиres.

 

Aux yeux de Julien, cette intrigue йtait bien plus importante que l’histoire de la bataille de Fontenoy, dont il voyait le nom pour la premiиre fois dans un des livres que Fouquй lui avait envoyйs. Il y avait des choses qui йtonnaient Julien depuis cinq ans qu’il avait commencй а aller les soirs chez le curй. Mais la discrйtion et l’humilitй d’esprit йtant les premiиres qualitйs d’un йlиve en thйologie, il lui avait toujours йtй impossible de faire des questions.

 

Un jour, Mme de Rкnal donnait un ordre au valet de chambre de son mari, l’ennemi de Julien.

 

– Mais, Madame, c’est aujourd’hui le dernier vendredi du mois, rйpondit cet homme d’un air singulier.

 

– Allez, dit Mme de Rкnal.

 

– Eh bien! dit Julien, il va se rendre dans ce magasin а foin, йglise autrefois, et rйcemment rendu au culte; mais pour quoi faire? voilа un de ces mystиres que je n’ai jamais pu pйnйtrer.

 

– C’est une institution fort salutaire, mais bien singuliиre, rйpondit Mme de Rкnal; les femmes n’y sont point admises: tout ce que j’en sais, c’est que tout le monde s’y tutoie. Par exemple, ce domestique va y trouver M. Valenod, et cet homme si fier et si sot ne sera point fвchй de s’entendre tutoyer par Saint-Jean, et lui rйpondra sur le mкme ton. Si vous tenez а savoir ce qu’on y fait, je demanderai des dйtails а M. de Maugiron et а M. Valenod. Nous payons vingt francs par domestique afin qu’un jour ils ne nous йgorgent pas.

 

Le temps volait. Le souvenir des charmes de sa maоtresse distrayait Julien de sa noire ambition. La nйcessitй de ne pas lui parler de choses tristes et raisonnables, puisqu’ils йtaient de partis contraires, ajoutait, sans qu’il s’en doutвt, au bonheur qu’il lui devait et а l’empire qu’elle acquйrait sur lui.

 

Dans les moments oщ la prйsence d’enfants trop intelligents les rйduisait а ne parler que le langage de la froide raison, c’йtait avec une docilitй parfaite que Julien, la regardant avec des yeux йtincelants d’amour, йcoutait ses explications du monde comme il va. Souvent, au milieu du rйcit de quelque friponnerie savante, а l’occasion d’un chemin ou d’une fourniture, l’esprit de Mme de Rкnal s’йgarait tout а coup jusqu’au dйlire, Julien avait besoin de la gronder, elle se permettait avec lui les mкmes gestes intimes qu’avec ses enfants. C’est qu’il y avait des jours oщ elle avait l’illusion de l’aimer comme son enfant. Sans cesse n’avait-elle pas а rйpondre а ses questions naпves sur mille choses simples qu’un enfant bien nй n’ignore pas а quinze ans? Un instant aprиs, elle l’admirait comme son maоtre. Son gйnie allait jusqu’а l’effrayer; elle croyait apercevoir plus nettement chaque jour le grand homme futur dans ce jeune abbй. Elle le voyait pape, elle le voyait premier ministre comme Richelieu.

 

– Vivrai-je assez pour te voir dans ta gloire? disait-elle а Julien, la place est faite pour un grand homme; la monarchie, la religion en ont besoin.


Дата добавления: 2015-11-14; просмотров: 48 | Нарушение авторских прав


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