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Chapitre XIV. Les Ciseaux anglais

Chapitre III. Le Bien des pauvres | Chapitre IV. Un pиre et un fils | Chapitre V. Une nйgociation | Chapitre VI. L’Ennui | Chapitre VII. Les Affinitйs йlectives | Chapitre VIII. Petits йvйnements | Chapitre IX. Une soirйe а la campagne | Chapitre X. Un grand cњur et une petite fortune | Chapitre XI. Une soirйe | Chapitre XII. Un voyage |


Читайте также:
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  2. Chapitre II Les camarades
  3. Chapitre II. Entrйe dans le monde
  4. Chapitre II. Un maire
  5. Chapitre III L’Avion
  6. Chapitre III. Le Bien des pauvres
  7. Chapitre III. Les Premiers pas

 

Une jeune fille de seize ans avait un teint de rose, et elle mettait du rouge.

 

POLIDORI.

 

Pour Julien, l’offre de Fouquй lui avait en effet enlevй tout bonheur: il ne pouvait s’arrкter а aucun parti. Hйlas! peut-кtre manquй-je de caractиre, j’eusse йtй un mauvais soldat de Napolйon. Du moins, ajouta-t-il, ma petite intrigue avec la maоtresse du logis va me distraire un moment.

 

Heureusement pour lui, mкme dans ce petit incident subalterne, l’intйrieur de son вme rйpondait mal а son langage cavalier. Il avait peur de Mme de Rкnal а cause de sa robe si jolie. Cette robe йtait а ses yeux l’avant-garde de Paris. Son orgueil ne voulut rien laisser au hasard et а l’inspiration du moment. D’aprиs les confidences de Fouquй et le peu qu’il avait lu sur l’amour dans sa Bible, il se fit un plan de campagne fort dйtaillй. Comme, sans se l’avouer, il йtait fort troublй, il йcrivit ce plan.

 

Le lendemain matin au salon, Mme de Rкnal fut un instant seule avec lui:

 

– N’avez-vous point d’autre nom que Julien? lui dit-elle.

 

А cette demande si flatteuse, notre hйros ne sut que rйpondre. Cette circonstance n’йtait pas prйvue dans son plan. Sans cette sottise de faire un plan, l’esprit vif Julien l’eыt bien servi, la surprise n’eыt fait qu’ajouter а la vivacitй de ses aperзus.

 

Il fut gauche et s’exagйra sa gaucherie. Mme de Rкnal la lui pardonna bien vite. Elle y vit l’effet d’une candeur charmante. Et ce qui manquait prйcisйment а ses yeux а cet homme, auquel on trouvait tant de gйnie, c’йtait l’air de la candeur.

 

– Ton petit prйcepteur m’inspire beau de mйfiance, lui disait quelquefois Mme Derville. Je lui trouve l’air de penser toujours et de n’agir qu’avec politique. C’est un sournois.

 

Julien resta profondйment humiliй du malheur de n’avoir su que rйpondre а Mme de Rкnal.

 

Un homme comme moi se doit de rйparer cet йchec, et saisissant le moment oщ l’on passait d’une piиce а l’autre, il crut de son devoir de donner un baiser а Mme de Rкnal.

 

Rien de moins amenй, rien de moins agrйable et pour lui et pour elle, rien de plus imprudent. Ils furent sur le point d’кtre aperзus. Mme de Rкnal le crut fou. Elle fut effrayйe et surtout choquйe. Cette sottise lui rappela M. Valenod.

 

Que m’arriverait-il, se dit-elle, si j’йtais seule avec lui? Toute sa vertu revint, parce que l’amour s’йclipsait.

 

Elle s’arrangea de faзon а ce qu’un de ses enfants restвt toujours auprиs d’elle.

 

La journйe fut ennuyeuse pour Julien, il la passa tout entiиre а exйcuter avec gaucherie son plan de sйduction. Il ne regarda pas une seule fois Mme de Rкnal, sans que ce regard n’eыt un pourquoi; cependant, il n’йtait pas assez sot pour ne pas voir qu’il ne rйussissait point а кtre aimable, et encore moins sйduisant.

 

Mme de Rкnal ne revenait point de son йtonnement de le trouver si gauche et en mкme temps si hardi. C’est la timiditй de l’amour dans un homme d’esprit! se dit-elle enfin, avec une joie inexprimable. Serait-il possible qu’il n’eыt jamais йtй aimй de ma rivale!

 

Aprиs le dйjeuner, Mme de Rкnal rentra dans le salon pour recevoir la visite de M. Charcot de Maugiron, le sous-prйfet de Bray. Elle travaillait а un petit mйtier de tapisserie fort йlevй. Mme Derville йtait а ses cфtйs. Ce fut dans une telle position, et par le plus grand jour, que notre hйros trouva convenable d’avancer sa botte et de presser le joli pied de Mme de Rкnal, dont le bas а jour et le joli soulier de Paris attiraient йvidemment les regards du galant sous-prйfet.

 

Mme de Rкnal eut une peur extrкme; elle laissa tomber ses ciseaux, son peloton de laine, ses aiguilles, et le mouvement de Julien put passer pour une tentative gauche destinйe а empкcher la chute des ciseaux, qu’il avait vu glisser. Heureusement ces petits ciseaux d’acier anglais se brisиrent, et Mme de Rкnal ne tarit pas en regrets de ce que Julien ne s’йtait pas trouvй plus prиs d’elle.

 

– Vous avez aperзu la chute avant moi, vous l’eussiez empкchйe; au lieu de cela votre zиle n’a rйussi qu’а me donner un fort grand coup de pied.

 

Tout cela trompa le sous-prйfet, mais non Mme Derville. Ce joli garзon a de bien sottes maniиres! pensa-t-elle; le savoir-vivre d’une capitale de province ne pardonne point ces sortes de fautes. Mme de Rкnal trouva le moment de dire а Julien:

 

– Soyez prudent, je vous l’ordonne.

 

Julien voyait sa gaucherie, il avait de l’humeur. Il dйlibйra longtemps avec lui-mкme pour savoir s’il devait se fвcher de ce mot: Je vous l’ordonne. Il fut assez sot pour penser: elle pourrait me dire je l’ordonne, s’il s’agissait de quelque chose de relatif а l’йducation des enfants, mais en rйpondant а mon amour, elle suppose l’йgalitй. On ne peut aimer sans йgalitй…; et tout son esprit se perdit а faire des lieux communs sur l’йgalitй. Il se rйpйtait avec colиre ce vers de Corneille, que Mme Derville lui avait appris quelques jours auparavant:

 

… L’amour

 

Fait les йgalitйs et ne les cherche pas.

 

Julien s’obstinant а jouer le rфle d’un Don Juan, lui qui de la vie n’avait eu de maоtresse, il fut sot а mourir toute la journйe. Il n’eut qu’une idйe juste; ennuyй de lui et de Mme de Rкnal, il voyait avec effroi s’avancer la soirйe oщ il serait assis au jardin, а cфtй d’elle et dans l’obscuritй. Il dit а M. de Rкnal qu’il allait а Verriиres voir le curй; il partit aprиs dоner, et ne rentra que dans la nuit.

 

А Verriиres, Julien trouva M. Chйlan occupй а dйmйnager; il venait enfin d’кtre destituй, le vicaire Maslon le remplaзait. Julien aida le bon curй, et il eut l’idйe d’йcrire а Fouquй que la vocation irrйsistible qu’il se sentait pour le saint ministиre l’avait empкchй d’accepter d’abord ses offres obligeantes, mais qu’il venait de voir un tel exemple d’injustice, que peut-кtre il serait plus avantageux а son salut de ne pas entrer dans les ordres sacrйs.

 

Julien s’applaudit de sa finesse а tirer parti de la destitution du curй de Verriиres pour se laisser une porte ouverte et revenir au commerce, si dans son esprit la triste prudence l’emportait sur l’hйroпsme.


Дата добавления: 2015-11-14; просмотров: 47 | Нарушение авторских прав


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