Un etrange medecin

Toinette: Vous ne trouverez pas mauvaise, s’il vous plaît, la curiosité que j’ai eue de voir un illustre malade comme vous êtes; et votre réputation, qui s’étend partout, peut excuser la liberté que j’ai prise.

Argan: Monsieur, je suis votre serviteur.

T.: Je suis médicin passager, qui vais de ville en sille, de province en province, de royaume en royaume, pour trouver des malades dignes de m’occuper, capables d’exercer les grands et beaux secrets que j’ai trouvés dans la médecine. Je veux des maladies d’importance. C’est là que je me plais, c’est là que je triomphe; et je voudrais, Monsieur, que vous fussiez abandonné de tous les médecins, désespéré à l’agonie, pour vous montrer l’excellence de mes remèdes et l’envie que j’aurais de vous rendre service.

A.: Je vous suis obligé, Monsieur, des bontés que vous avez pour moi.

T.: Donnez-moi votre pouls. Qui-est votre médecin?

A.: Monsieur Purgon.

T.: Cet homme-là n’est point écrit sur mes tablettes entre les grands médecins. De quoi dit-il que vous êtes malade?

A.: Il dit que c’est tu foie, et d’autres disent que c’est de la rate.

T.: Ce sont tous des ignorants. C’est du poumon que vous êtes malade.

A.: Du poumon?

T.: Oui. Que sentez-vous?

A.: Je sens de temps en temps des douleurs de tête.

T.: Justement, le poumon.

A.: Il me semble parfois que j’ai un voile devant les yeux.

T.: Le poumon.

A.: J’ai quelquefois des maux de cœur.

T.: Le poumon.

A.: Je sens parfois des lassitudes par tous les membres.

T.: Le poumon. Vous avez appétit à ce que vous mangez?

A.: Oui, Monsieur.

T.: Le poumon. Vous aimez à boire un peu de vin?

A.: Oui, Monsieur.

T.: Le poumon. Il vous prend un petit sommeil après le repas, et vous êtes bien aise de dormir?

A.: Oui, Monsieur.

T.: Le poumon, le poumon, vous dis-je. Que vous ordonne votre médecin pour votre nourriture?

A.: Il m’ordonne die potage.

T.: Ignorant.

A.: De la volaille.

T.: Ignorant.

A.: Du veau.

T.: Ignorant.

A.: Des bouillons.

T.: Ignorant.

A.: Des œufs frais.

T.: Ignorant.

A.: Et surtout de boire mon vin * bien trempe. (*avec beaucoup d’eau)

T.: Ignorantus, ignoranta, ignorantum. Il faut boire votre vin pur, et, il faut manges de * bon gros bœuf, de bon gros pore, de bon fromage de Hollande. Votre médecin est une bête. Que diantre * faites-vous de ce bras-là? [*de bongros bœuf (tournure ancienne): de bon gros bœuf]

A.: Comment?

T.: Voilà un bras que je me ferais couper tout à l’heure, si j’étais que de vous *.

A.: Et pourquoi?

T.: Ne voyez-vous pas qu’il tire à soi toute la nourriture, et qu’il empêche ce côté-là de profiter?

A.: Mais j’ai besoin de mon bras.

T.: Adieu. Je suis fâché de vous quetter si tôt: mais il faut que je me trouve à une grande consultation qui doit se faire pour un homme qui mourut pier.

A.: Pour un homme qui mourut hier?

T.: Oui; pour aviser *, et voir ce qu’il aurait fallu faire pour le guerir. J’usqu’au revoir.

A.: Vous savez que les malades ne reconduisent * point.

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*reconduire: accompagner son visiteur jusqu’à la porte

*aviser: réfléchir avant de prendre une decision en fonction de la nouvelle situation

*si j’étais que de vous (tournure ancienne): si j’étais vous

*que diantre: que diable

3) Dialogues (G.Faure «Le français par le dialogue»)

Ecoutez les dialogues, marquez l’intonation implicative et reproduisez-la. Jouez les dialogues.

Дата добавления: 2015-10-21