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(1431-1465?)
Les premiers grands accents lyriques que la détresse humaine ait inspirée
à un poète français, c'est chez FRANÇOIS VILLON qu'il faut les chercher. Ecolier
turbulent, puis truand mêlé à de si redoutables affaires qu'il frôla maintes fois
le gibet, ce «mauvais garçon» est le type même des poètes qui tirent, des heur^
et malheurs de leur propre existence, l'essentiel de leur inspiration. D'où
l'authenticité d'une œuvre comme la Ballade des Pendus: elle est puisée dans
l'expérience même d'un homme, dont le corps faillit bien se balancer, lui aussi,
au bout d'une corde, pour y subir le double outrage des intempéries et des
oiseaux de proie...
BALLADE DES PENDUS1
Epitaphe en forme de ballade que fit Villon pour lui et ses compagnons, s' alle.ndant
à être pendu avec eux. "
Frères humains, qui après nous vivez,
N'ayez les cœurs contre nous endurcis,
Car, si pitié de nous pauvres avez,
Bieu en aura de vous plus tôt mercis2.
Vous nous voyez ci attachés cinq, six:
Quant de la chair, que trop avons nourrie,
Elle est piéça dévorée et pourrie,
Et nous, les os, devenons cendre et poudre6.
De notre mal personne ne s'en rie7,
Mais priez Dieu que tous nous veuille8 absoudre!
Si vous clamons9 frères, pas n'en devez
Avoir dédain, quoique fûmes occis10
Par justice. Toutefois vous savez
Que tous hommes n'ont pas bon sens rassis";
Excusez-nous — puisque sommes transis12 —
Envers le Fils13 dé la Vierge Marie;
Que sa grâce ne soit pour nous tarie,
Nous préservant de l'infernale foudre,
Nous sommes morts, âme ne nous harie14.
Mais priez Dieu que tous nous veuille absoudre!
La pluie nous a débués15 et lavés,
Et le soleil desséchés et noircis;
Pies, corbeaux, nous ont les yeux caves16,
Et arraché la barbe et les sourcils.
Jamais nul temps17 nous ne sommes assis;
Puis ça, puis là18, comme le vent varie,
A son plaisir sans cesser nous charrie19,
Plus becquetés d'oiseaux que dés à coudre.
Ne soyez donc de notre confrérie,
Mais priez Dieu que tous nous veuille absoudre!
Prince Jésus, qui sur tous as maistrie20,
Garde qu'Enfer n'ait de nous seigneurie:
A lui n'ayons que faire ni que soudre21.
Hommes, ici n'a22 point de moquerie,
Mais priez Dieu que tous nous veuille absoudre*!
Ballades (1489).
Примечания:
1. Орфография этого стихотворения и двух последующих осовременена.
2. Сострадание, жалость. 3. Ici. 4. Quant à. 5. Давно. 6. Пыль, прах. 7. Subjonctif de se
rire (de). 8. Qu'il nous veuille tous 9. Призываем, обращаемся к... 10. Приговорены к
смерти. Quoique exige aujourd'hui le subjonctif. 11. Основательны умом, здравым
смыслом. 12. Усопшие. 13. Перед судом Сына... 14. Пусть никто нас не терзает.
15. Омыты. 16. Выклевали. 17. Никогда. 18. Deçà, delà. 19. Он (ветер) без конца нас
раскачивает. 20. Ты властен над всем. 21. Нечего платить (нечем оплачивагь). 22. Il n'y
a point.
Вопросы:
* Étudiez le réalisme et le pathétique de cette poésie. Donnez les règles de la ballade
d'après cette pue».
Дата добавления: 2015-08-02; просмотров: 42 | Нарушение авторских прав
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