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Le drame d’hier

Un clichй d’arriиre-saison | Un fait-divers | IV Ce qu’йtait Mathias | VI Les larmes d’un nиgre | Fausse manњuvre | La bonne fille | Le mariage manquй | Le nommй Fabrice | L’inespйrй bonne fortune | Une mort bizarre |


Un horrible drame et des plus insolites s’est dйroulй hier au sein de la coquette localitй ordinairement si paisible de Paris (Seine).

 

Il pouvait кtre dans les trois ou quatre heures de l’aprиs-midi, et par une de ces tempйratures!…

 

Devant le bureau des omnibus du boulevard des Italiens, deux voitures de la Compagnie, l’une а destination de la Bastille, l’autre cinglant vers l’Odйon, se trouvaient pour le moment arrкtйes et, comme on dit en marine, bord а bord.

 

Rien de plus ridicule, en telle circonstance, que la situation respective des voyageurs de l’impйriale de chaque voiture, lesquels, sans jamais avoir йtй prйsentйs, se trouvent brusquement en direct face а face et n’ont d’autre ressource que de se dйvisager avec une certaine gкne qui, prolongйe, se transforme bientфt en pure chien de faпencerie.

 

C’est prйcisйment ce qui arriva hier.

 

Sur l’impйriale Madeleine-Bastille, une jeune femme (crйature d’aspect physique fort sйduisant, nous ne cherchons pas а le nier, mais de rudimentaire culture mondaine et de colloque trivial) йclata de rire а la vue du monsieur dйcorй qui lui faisait vis-а-vis sur Batignolles Clichy Odйon et, narquoise, lui posa cette question fort а la mode depuis quelque temps а Paris et que les gens se rйpиtent а tout propos et sans l’apparence de la plus faible nйcessitй:

 

«Qu’est-ce que tu prends, pour ton rhume?»

 

Le quinquagйnaire sanguin auquel s’adressait cette demande saugrenue n’йtait point, par malheur, homme d’esprit ni de tolйrance. Au lieu de tout simplement hausser les йpaules, il se rйpandit contre la jeune femme frivole en mille invectives, la traitant tout а la fois de grue, de veau et de morue, triple injure n’indiquant pas chez celui qui la profйrait un profond respect de la zoologie non plus qu’un vif souci de la logique.

 

«Va donc, hй, vieux dos! rйpliqua la jeune femme.»

 

(Le dos est un poisson montmartrois qui passe а tort ou а raison pour vivre du dйbordement de ses compagnes.)

 

Jusqu’а ce moment, les choses n’avaient revкtu aucun caractиre de gravitй exceptionnelle, quand le bonhomme eut la malencontreuse idйe de tirer а bout portant un coup de revolver sur la jeune femme, laquelle riposta par un vigoureux coup d’ombrelle.

 

*******

 

Si le courageux lecteur veut bien, en dйpit de l’excessive tempйrature dont nous jouissons, faire un lйger effort de mйmoire, il se rappellera que nous en йtions restйs а ce moment du drame oщ un monsieur, assis а l’impйriale de l’omnibus Batignolles Clichy Odйon, tirait un coup de revolver sur une jeune femme occupant un siиge а l’impйriale de Madeleine-Bastille, coup de revolver auquel la personne rйpondait par un йnergique coup d’ombrelle sur le crвne du bonhomme.

 

Ce fut, chez tous les voyageurs de la voiture Madeleine-Bastille, une spontanйe et violente clameur.

 

L’homme au revolver fut huй, invectivй, traitй de tous les noms possibles, et mкme impossibles.

 

Juste а ce moment, les opйrations du contrфle se trouvant terminйes, les deux lourdes voitures s’йbranlиrent et partirent ensemble dans la mкme direction, l’une cinglant vers la Bastille, l’autre vers la rue de Richelieu.

 

Malheureusement, durant le court trajet qui sйpare le bureau des Italiens de la rue de Richelieu, les choses s’envenimиrent gravement et le monsieur dйcorй crut devoir tirer un second coup de revolver sur un haut jeune homme qui se signalait par la rare virulence de ses brocards.

 

Les voyageurs d’omnibus ont bien des dйfauts, mais on ne saurait leur refuser un vif sentiment de solidaritй et un dйvouement aveugle pour leurs compagnons de voiture.

 

Aussi n’est-il point йtonnant que les voyageurs Madeleine-Bastille aient pris fait et cause pour la jeune femme а l’ombrelle cependant que ceux du Batignolles Clichy Odйon embrassaient le parti du quinquagйnaire а l’arme а feu.

 

Les cochers eux-mкmes des deux vйhicules se passionnaient chacun pour leur cargaison humaine, йchangeaient des propos haineux, et quand Batignolles Clichy Odйon s’enfourna dans la rue de Richelieu, Madeleine-Bastille n’hйsita pas. Au lieu de poursuivre sa route vers la Bastille, il suivit son ennemi dans la direction du Thйвtre Franзais.

 

Ce fut une lutte homйrique. On fit descendre а l’intйrieur les femmes et les enfants, les infirmes, les vieillards.

 

Pour кtre improvisйes, les armes n’en furent que plus terribles.

 

Un garзon de chez Lйon Laurent qui allait livrer un panier de champagne en ville offrit ses bouteilles qu’aprиs avoir vidйes on transforma en massues redoutables.

 

M.-B. allait succomber, quand un petit apprenti eut l’idйe de descendre vivement et de dйvaliser la boutique d’un marchand de sabres d’abordage qui se trouve а cфtй de la librairie Ollendorf.

 

Cette opйration fut exйcutйe en moins de temps qu’il n’en faut pour l’йcrire.

 

B.-C.-O., dиs lors, ne pouvait songer а continuer la lutte et tout ce qui restait de voyageurs valides а bord descendit au bureau du Thйвtre Franзais, la rage au cњur et ivre de reprйsailles.

 

Quant aux ecclйsiastiques, ils avaient йtй, comme toujours, admirables de dйvouement et d’abnйgation, relevant les blessйs, les pansant, exhortant au courage ceux qui allaient mourir.

 

Loup de mer

– Eh ben, cap’tain Dupeteau, aurons-nous de la pluie, aujourd’hui?

 

– J’vas vous dire… Si les vents tournent d’amont а la marйe, зa pourrait ben кtre de l’eau…

 

– Et si les vents ne tournent pas d’amont?

 

– Зa ne serait pas signe de sec.

 

N’insistez pas, autrement vous ne pourriez tirer aucun renseignement plus prйcis du bon Dupeteau qu’on honore du nom de capitaine, bien qu’il ait йtй, tout au plus, maоtre au cabotage.

 

Dupeteau est un mйtйorologue confus et mal dйterminй qui prйdit la pluie et le beau temps sans jamais se compromettre.

 

D’ailleurs, il a quittй la marine dont il йtait un piиtre ornement pour s’йtablir limonadier au Havre, sur le Grand Quai (Cafй de la Flotte). А l’heure de la marйe, les clients affluent chez lui, pressйs de prendre une derniиre consommation avant de s’embarquer pour Trouville, Honfleur ou Rouen.

 

Dupeteau, aimable et grave, la serviette sur le bras, contemple les libations de ces braves gens. Rien au monde, mкme au plus fort de la poussйe, ne le dйciderait а servir un vermouth sec. mais, quand la mer commence а baisser et que le dernier bateau parti, Dupeteau s’asseoit а sa terrasse, et, essuyant sur son front une sueur imaginaire, prononce avec accablement: «Encore une marйe de faite!».

 

Des gens qui ont naviguй avec lui m’affirment qu’il ne sera jamais aussi йtonnant limonadier qu’il fut йtrange marin.

 

Et, а ce sujet, les anecdotes pleuvent, innombrables. Car, sans qu’il sans doute, Dupeteau est entrй vivant dans la lйgende.

 

De Dieppe а Cherbourg, c’est а qui racontera la sienne.

 

Un jour, Dupeteau sortait du port de Honfleur avec son sloop, le «Bon Sauveur», а destination de Caen. Au bout de quelques minutes, le vent vint а tomber complиtement, comme le courant йtait contraire, Dupeteau commanda: «Mouille!». Et l’on jeta l’ancre.

 

Sur le soir, la brise fraоchit. Notre ami fit hisser les voiles et, en bon garзon qu’il est, permit а ses deux matelots d’aller se coucher.

 

«J’ai pas sommeil, dit-il j’vas rester а la barre, s’il y a du nouveau, j’vous appellerai».

 

Le lendemain, au petit jour, un des hommes monta sur le pont et poussa un hurlement d’йtonnement: «Mais, n… de D…, cap’taine, nous n’avons pas bougй depuis hier soir!»

 

«Comment, pas bougй?» rйpliqua tranquillement Dupeteau. «S’il n’йtait pas de si bonne heure, j’te dirais qu’tes saoul, mon pauv’ Garзon». «Mais ben sыr que non, cap’taine, que nous n’avons pas bougй… Nous v’lа encore sous la cфte de Vasouy». «Crй guenon, c’est vrai!… nous sommes p’tкtes ben йchouйs?»

 

On sonda. Au moins dix brasses d’eau!

 

Dupeteau n’y comprenait rien et croyait а une sorcellerie quand il se rappela subitement qu’il n’avait oubliй qu’une chose la veille, c’йtait de faire lever l’ancre!

 

Un autre jour, Dupeteau descendait la riviиre de Bordeaux avec la goйlette «Marie Йmilie», chargйe de vin pour Vannes.

 

Presque bord а bord naviguait un grand trois mвts.

 

La conversation s’engage entre les deux capitaines: «Et ou qu’vous allez comme зa?» fit Dupeteau.

 

Un grincement de poulie empкcha ce dernier, un peu dur d’oreille, d’entendre la rйponse. Il demanda а son mousse: «Oщ qu’il a dit qu’il allait?».»A Vannes».»Ah ben, зa tombe rudement bien. Nous allons le suivre. C’est le tonnerre de Dieu pour y aller. Une fois je me suis trompй, je suis entrй а Lorient, croyant кtre а Vannes».

 

Et il se mit en mesure de suivre les trois-mвts, а une distance de quelques encablures.

 

C’йtait а la fin dйcembre.

 

Au bout de quelques jours de navigation, la chaleur devint excessive. Dupeteau enleva son tricot, puis sa chemise de flanelle.

 

«Crй guenon! jamais j’nai vu un temps comme зa а Noлl!».

 

Pourtant le voyage lui paraissait un peu long. On avait cependant un bon vent arriиre.

 

La chaleur йtait devenue insupportable et Dupeteau trouvait dйcidйment que c’йtait un drфle de mois de janvier. L’eau douce manquant, l’йquipage buvait le Bordeaux du chargement.

 

Enfin on signala la terre.

 

Des pirogues chargйes de nиgres accostиrent la «Marie Йmilie».

 

Dupeteau commenзait а кtre inquiet. Зa ne ressemblait pas du tout au Morbihan cette cфte lа. Il croyait кtre а Vannes… il йtait а La Havane.

 

Si cette aventure vous paraоt un peu invraisemblable, c’est que vous ne connaissez pas Dupeteau: avec ce loup de mer, rien n’est impossible.


Дата добавления: 2015-11-14; просмотров: 48 | Нарушение авторских прав


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