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VI Les larmes d’un nиgre

Faits divers et d’йtй | Postes et tйlйgraphes | Le Post-scriptum ou Une petite femme bien obйissante | Le langage des fleurs | Le Pauvre Bougre et le bon gйnie | Un point d’histoire | Inanitй de la logique | Le bahut Henri II | Un clichй d’arriиre-saison | Un fait-divers |


Sitфt rentrй dans sa case, Mathias s’affaissa sur sa couchette et, pour la premiиre fois de sa vie, cet homme d’йbиne pleura.

 

Il pleura longuement, copieusement, des larmes de rage et de dйsespoir. Puis une lassitude physique s’empara de lui, il dйsira se coucher.

 

Un regard jetй sur son miroir lui arracha un cri.

 

Ses larmes sur ses joues lui avaient laissй comme une large traоnйe blanche.

 

Que s’йtait-il donc passй?

 

Oh! rien que de bien simple et de bien explicable.

 

Les larmes de Mathias, rendues fortement caustiques par l’excиs sodo-magnйsien du dйsespoir, dйtruisaient le pigment noir de la peau, et du rose apparaissait[5].

 

Trait de lumiиre!

 

VII Mathias continue de pleurer

Mathias cacha soigneusement sa dйcouverte а tous les quiconque de son entourage, mais chaque fois qu’il avait une minute, il courait s’enfermer chez lui, rйpandait par torrents de larmes de rage et s’en barbouillait, avec une petite brosse, toutes les parties du corps.

 

Puis, pour йcarter les soupзons, il se recouvrait de cirage bien noir, et le monde n’y voyait que du bleu.

 

VIII Apothйose

Au bout de quelques mois, Mathias йtait devenu aussi blanc que M. Edmond Blanc lui-mкme!

 

Un an s’est йcoulй.

 

C’est encore Noлl et le rйveillon. Tout le personnel se trouve rangй autour de la table prйsidйe par S. Cargo et sa dйlicieuse fille Maria-Anna.

 

On n’attend plus que Mathias.

 

Tout а coup, un йlйgant gentleman, col droit irrйprochable, escarpins vernis, ruban violet а la boutonniиre, entre dans la salle.

 

Personne dans l’assistance ne le reconnaоt, sauf Maria-Anna qui ne s’y trompe pas une minute, а ce regard-lа!

 

– Mathias, s’йcrie-t-elle. Mathias! Je l’aime!

 

Et elle s’йcroule sous l’йmotion.

 

El seсor S. Cargo n’avait plus aucune objection а йlever contre le mariage des deux jeunes gens.

 

L’hymen eut bientфt lieu.

 

Et ils eurent tant d’enfants, tant d’enfants, qu’on renonзa bientфt а les compter!

 

Suggestion

А ce moment le captain Cap crut devoir prendre un air mystйrieux. Et comme, en nos yeux, s’allumait la luisance de l’anxiйtй:

 

– Ne m’en blвmez pas, dit le captain, je ne dirai rien de plus. Mon *ORDRE* me le dйfend!

 

Le captain Cap appartient а un Ordre bien extraordinaire et d’une commoditй а nulle autre seconde.

 

А toute proposition qui lui rйpugne le moins du monde, le captain Cap objecte froidement:

 

– Je regrette beaucoup, mon cher ami, mais mon ORDRE me le dйfend!

 

Et il ajoute avec un sourire de lui seul acquis:

 

– Ne m’en blвmez pas.

 

Cependant et tout de mкme, Cap grillait de parler.

 

On affecta de s’occuper d’autre chose et, bientфt, le captain dit:

 

– Un sujet йpatant!

 

А seule fin de connaоtre la suite de l’histoire, nul de nous ne sourcilla.

 

– Imaginez-vous… s’obstina Cap.

 

Ennuyйs semblвmes-nous de cette insistance.

 

Alors Cap lвcha ses йcluses.

 

Il s’agissait d’une petite bonne femme йpatante. On l’endormait comme зa, lа, v’lan! Et зa y йtait! Un sujet йpatant, je vous dis!

 

Une fois endormie, elle n’йtait plus qu’un outil de cire molle entre les doigts de votre volition.

 

Si on voulait, on irait ce soir.

 

On y alla.

 

Cap prit dans ses rudes mains d’homme de mer les maigres menottes de la petite bergиre montmartroise.

 

Un, deux, trois… Elle dort.

 

Alors Cap sortit de sa poche une pomme de terre crue et une goyave.

 

Ayant pelй l’une et l’autre, et prйsentant au sujet un morceau de pomme de terre crue, il dit d’une voix forte oщ trйpidait la suggestion:

 

– Mangez cela, c’est de la goyave!

 

L’enfant n’eut pas plus tфt mastiquй une parcelle du tubercule qu’elle en manifesta un grand dйgoыt. Et mкme elle le cracha, grimaceuse en diable.

 

Un sourire sur les lиvres, Cap changea d’expйrience.

 

Ce fut la goyave qu’il prйsenta а la jeune personne, en lui disant d’une voix non moins forte:

 

– Mangez cela, c’est de la pomme de terre crue.

 

L’enfant n’eut pas plus tфt mastiquй une parcelle de ce fruit qu’elle en redemanda.

 

Y passa la totale goyave.

 

Et sortant de la maison, le captain Cap nous disait, sur le ton d’un vif intйrкt scientifique:

 

– Est-ce curieux, hein, le cas de dйpravation de cette petite, qui adore la pomme de terre crue et ne peut sentir la goyave!

 

Йtourderie

Je l’avais connue au restaurant.

 

Depuis quelque temps elle y venait rйguliиrement tous les soirs а six heures. Mon dйsespoir, c’est qu’elle n’apportait а ma personne aucune attention.

 

J’avais beau m’installer а une table voisine, me donner des airs aimables, lui rendre de ces menus services qu’on se rend entre clients; rien n’y faisait.

 

Pourtant, un jour qu’elle s’impatientait а frapper sur la table sans obtenir l’arrivйe du garзon, je pris ma voix la plus indignйe et je tonnai:

 

– Vous кtes donc sourd, garзon? Voilа deux heures que madame vous appelle!

 

Elle se tourna vers moi et me remercia d’un sourire.

 

Alors immйdiatement je l’aimai.

 

De son cфtй la glace йtait rompue.

 

А partir de ce moment, elle ne manqua pas de me dire bonsoir tous les jours en entrant, un joli petit bonsoir gracieux et pimpant comme elle.

 

Et puis nous devоnmes bons camarades.

 

Elle s’appelait Lucienne.

 

Sans кtre une honnкte femme, ce n’йtait pas non plus une cocotte. Elle appartenait а cette catйgorie de petites dames que les bourgeois stigmatisent du nom de femmes entretenues.

 

Son monsieur, un gros homme d’une dignitй extraordinaire, ne venait que rarement chez elle. Inspecteur dans une Compagnie d’assurances contre les champignons vйnйneux, il voyageait souvent en province et laissait а Lucienne de frйquents loisirs.

 

Le seul inconvйnient de cette liaison, c’est que le monsieur digne йtait terriblement jaloux et qu’il arrivait toujours а l’improviste chez sa dame, au moment oщ elle l’attendait le moins.

 

Sans йprouver pour moi une passion foudroyante, Lucienne m’aimait bien.

 

А cette йpoque-lа, j’йtais jeune encore et titulaire d’une joyeuse humeur que les tourmentes de la vie ont balayйe comme un fйtu de paille.

 

Lucienne aussi йtait trиs gaie.

 

Moi, j’en йtais devenu follement amoureux, et depuis quelques jours je ne lui cachais plus ma flamme.

 

Elle riait beaucoup de mes dйclarations, et me rйpйtait: «Un de ces jours… un de ces jours!» Mais un de ces jours n’arrivait pas assez vite а mon grй.

 

Un soir, je lui offris timidement de l’emmener au thйвtre. Mon ami Paul Lordon, alors secrйtaire de la Porte Saint-Martin, m’avait donnй deux fauteuils pour je ne sais plus quel drame.

 

Elle accepta.

 

Aprиs la reprйsentation, dans la voiture qui nous ramenait, elle se laissa enfin toucher par mes supplications, et elle dйcida ceci: elle monterait d’abord chez elle pour vйrifier si l’homme digne n’y йtait pas prйalablement installй, auquel cas je n’aurais qu’а me retirer. Si la place йtait libre, elle m’en donnerait le signal en mettant а la fenкtre de sa chambre une lampe garnie d’un abat-jour йcarlate.

 

Il pleuvait а verse.

 

Tout pantelant de dйsir, j’attendais sur le trottoir en face du lumineux signal.

 

Des minutes se passиrent, plus des quarts d’heure. Pas la moindre lueur rouge. Le dйsespoir au cњur, et trempй jusqu’aux moelles, je me dйcidai а rentrer chez moi.

 

Ah! dans ce moment si j’avais tenu monsieur, je lui aurais fait passer sa dignitй!

 

Le lendemain, je fus accueilli plus que froidement par Lucienne.

 

– Vous кtes encore un joli garзon, vous! me dit-elle d’un ton sec comme un silex.

 

Et comme je prenais ma mine la plus effarйe, elle continua:

 

– Je vous ai attendu toute la nuit!…

 

– Mais la lampe…

 

– La lampe? Je l’ai mise tout de suite а la fenкtre, aussitфt arrivйe!

 

– Je vous jure que je suis restй au moins une heure sur le trottoir en face et que je n’ai rien vu.

 

– Vous avez donc de la mйlasse sur les yeux?

 

– Je vous le jure…

 

– Fichez-moi la paix!

 

Et elle s’installa, courroucйe, devant son tapioca.

 

Je devais avoir l’air trиs bкte.

 

Et puis, tout а coup, la voilа qui lвche sa cuiller et se renverse sur sa chaise, en proie а un йclat de rire tumultueux et prolongй, interrompu par des: «Ah! mon Dieu, que c’est drфle!»

 

Peu а peu, son joyeux spasme diminua d’intensitй, mais pas assez pour la laisser s’expliquer.

 

Elle me regardait avec un bon regard mouillй des larmes du rire et tout rйconciliй:

 

– Ah! mon pauvre ami! Imaginez-vous que je n’avais pas pensй…

 

Et le rire recommenзait.

 

– А quoi? fis-je. А allumer votre lampe, peut-кtre?

 

– Non, c’est pas зa…

 

Elle fit un effort et put enfin parler:

 

– Je n’avais pas pensй que la fenкtre de ma chambre donne sur la cour!

 


Дата добавления: 2015-11-14; просмотров: 44 | Нарушение авторских прав


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IV Ce qu’йtait Mathias| Fausse manњuvre

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