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Fausse manњuvre

Postes et tйlйgraphes | Le Post-scriptum ou Une petite femme bien obйissante | Le langage des fleurs | Le Pauvre Bougre et le bon gйnie | Un point d’histoire | Inanitй de la logique | Le bahut Henri II | Un clichй d’arriиre-saison | Un fait-divers | IV Ce qu’йtait Mathias |


Un beau matin, on vit dйbarquer а Honfleur, arrivant par le steamer du Havre, un grand vieux matelot, sec comme un coup de trique, et si basanй que les petits enfants le prenaient pour un nиgre.

 

L’homme dйposa sur le parapet le sac en toile qu’il portait et tourna ses regards de tous cфtйs, en homme qui se reconnaоt.

 

– Зa n’a pas changй, murmurait-il, v’lа la lieutenance, v’lа l’hфtel du Cheval-Blanc, v’lа l’ancien dйbit а Dйliquaire, v’lа la mairerie. Tiens, ils ont rebвti Sainte-Catherine!

 

Mais c’йtaient les gens qu’il ne reconnaissait pas.

 

Dame! quand on a quittй le pays depuis trente ans!…

 

Un vieillard tout blanc passait, dйcorй, un gros cigare dans le coin de la bouche.

 

Notre matelot le reconnut, celui-lа.

 

– Veille а mon sac, dit-il а un gamin, et il s’avanзa, son bйret а la main, honnкtement. Bonjour, cap’taine Forestier, comment que зa va depuis le temps?… Comment! vous ne me remettez pas? Thйophile Vincent… la Belle Ida … Valparaiso…

 

– Comment! c’est toi, mon vieux Thйophile? Eh bien! il y a longtemps que je te croyais dйcapelй!

 

– Pas encore, cap’taine, ni parй а зa.

 

Pendant cette conversation, de vieux lamaneurs, des haleurs hors d’вge, s’йtaient approchйs, et а leur tour reconnaissaient Thйophile.

 

Vite, il eut retrouvй d’anciens amis.

 

Et ce fut des: «Et Untel? – Mort. Et Untel? – Perdu en mer. Et Untel? – Jamais eu de nouvelles.»

 

Quant а la propre famille de Thйophile, la majeure partie йtait dйcapelйe, comme disait йlйgamment cap’taine Forestier.

 

Deux niиces seules restaient, l’une mariйe а un huissier, l’autre а un cultivateur, tout prиs de la ville.

 

Thйophile, que trente ans de mers du Sud avaient peu disposй а la timiditй, ne se laissa pas influencer par les panonceaux de l’officier ministйriel.

 

Son sac sur le dos, il entra dans l’йtude.

 

Un seul petit clerc s’y trouvait, trиs occupй а transformer en йlйgante baleiniиre une rиgle banale.

 

Thйophile considйra l’ouvrage en amateur, donna а l’enfant quelques indications sur la construction des chaloupes en gйnйral et des baleiniиres en particulier, et demanda:

 

– Irma est-elle lа?

 

– Irma, fit le clerc, interloquй.

 

– Oui, Irma, ma niиce.

 

– Elle dйjeune lа.

 

Sans faзon, Thйophile pйnйtra. On se mettait а table.

 

– Bonjour, Irma; bonjour, monsieur. C’est pas pour dire, ma pauvre Irma, mais t’as bougrement changй depuis trente ans! Quand je t’ai quittйe, t’avais l’air d’une rose mousseuse, maintenant on dirait une vieille goyave!

 

Le mari d’Irma faisait une drфle de tкte. Un sale type le mari d’Irma, un de ces petits rouquins mauvais, rageurs, un de ces aimables officiers ministйriels dont le derriиre semble rйclamer impйrieusement le plomb des pauvres gens.

 

Irma non plus n’йtait pas contente.

 

Bref, Thйophile fut si mal accueilli qu’il rechargea son sac sur ses йpaules et revint sur le port.

 

Il dйjeuna dans une taverne а matelots, paya des tournйes sans nombre et se livra lui-mкme а quelques excиs de boisson.

 

Le soir йtait presque venu lorsqu’il songea а rendre visite а Constance, sa seconde niиce.

 

Une femme des champs, pensait-il, je vais кtre accueilli а bras ouverts.

 

Quand il arriva, tout le monde dйvorait la soupe.

 

– Bon appйtit, la compagnie!

 

Constance se leva, dure et sиche:

 

– Quй qu’vous voulez, vous, l’homme?

 

– Comment! tu ne me reconnais pas, ma petite Constance?

 

– Je n’connais pas d’homme comme vous.

 

– Ton oncle Thйophile!…

 

– Il est mort.

 

– Mais non, puisque c’est moi.

 

– Eh ben! c’est comme si qu’il йtait mort! Avez-vous compris?

 

Thйophile, en termes colorйs et vacarmeux, lui dйpeignit le peu d’estime qu’il йprouvait pour elle et sa garce de famille.

 

Et il s’en alla, un peu triste tout de mкme, dans la nuit de la campagne.

 

Il acheva sa soirйe dans l’orgie, en sociйtй de vieux mathurins, d’anciens camarades de bord.

 

Et quand la police, а onze heures, ferma le cabaret, tout le monde pleurait des larmes de geniиvre sur la dйchйance de la navigation а voiles.

 

On ne parlait de rien de moins que d’aller dйboulonner un grand vapeur norvйgien en fer qui se balanзait dans l’avant-port, attendant la pleine mer pour sortir.

 

En somme, on ne dйboulonna rien et chacun alla se coucher.

 

La premiиre visite de Thйophile, le lendemain matin, fut pour un notaire.

 

Car Thйophile йtait riche.

 

Il rapportait de lа-bas deux cent mille francs acquis d’une faзon un peu mкlйe, mais acquis.

 

Le bruit de cette opulence arriva vite aux oreilles des deux niиces.

 

– J’espиre bien, mon petit oncle… dit Irma.

 

– N’allez pas croire, mon cher oncle… proclama Constance.

 

D’une oreille sceptique, Thйophile йcoutait ces touchantes dйclarations.

 

А la fin, obsйdй par les deux parties, il dйcida cette combinaison:

 

Il vivrait six mois chez Constance, а la campagne, et six mois chez Irma, а la ville.

 

Le dimanche, les deux familles se rйuniraient dans un dоner oщ la cordialitй ne cesserait de rйgner.

 

Or, un dimanche soir, de son air le plus indiffйrent, Thйophile tint ce propos:

 

– On ne sait ni qui vit ni qui meurt…

 

Les oreilles se tendirent.

 

– … J’ai fait mon testament…

 

– Oh! mon oncle!… protesta la clameur commune.

 

– Comme зa m’ennuyait de partager ma fortune en deux, je ne l’ai pas partagйe.

 

Une mortelle angoisse dйteignit sur tous les visages.

 

– Non… je ne l’ai pas partagйe… je la laisserai tout entiиre а celle de mes deux niиces chez laquelle je ne mourrai pas. Ainsi, une comparaison: je claque chez Irma, c’est Constance qui a le magot, et vice versa.

 

Cette combinaison jeta les deux familles dans la plus cruelle perplexitй. Devait-on se rйjouir ou s’affliger?

 

Finalement, chacun se rйjouit, comptant sur sa bonne йtoile et sur les bons soins dont on entourerait l’oncle aux њufs d’or.

 

Comme c’йtait l’йtй, Thйophile logeait chez Constance, а la campagne.

 

Mкme а Capoue, les coqs en pвte se seraient crus en enfer, comparativement au bien-кtre excessif dont on entourait Thйophile.

 

Et Thйophile se laissait dorloter, s’amusant beaucoup sous cape.

 

Ce qui le dйlectait davantage, c’йtait de voir pousser son ventre.

 

Lui qui avait toujours blaguй les gros pleins de soupe se sentait chatouiller de plaisir а l’idйe d’avoir un bel abdomen et d’avance se promettait une grosse chaоne en or avec des breloques pour mettre dessus.

 

Le beau temps cessa vite cette annйe, et Thйophile prit ses quartiers d’hiver chez Irma.

 

Mais la ville, ce n’est pas comme la campagne. Les tentations! Les femmes!

 

Thйophile йtait en retard pour les repas. Quelquefois mкme il ne rentrait pas pour dоner.

 

Un jour, mкme, il dйcoucha.

 

Irma s’inquiйta et, conduite par cette admirable dйlicatesse dont Dieu semble avoir pourvu exclusivement les femmes, elle attacha а sa maison une bonne, une belle bonne, appйtissante et pas bйgueule.

 

L’idйe йtait ingйnieuse.

 

Et pourtant, elle ne rйussit pas.

 

Car, trois mois aprиs, Thйophile йpousait la belle bonne appйtissante et pas bйgueule.

 


Дата добавления: 2015-11-14; просмотров: 30 | Нарушение авторских прав


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VI Les larmes d’un nиgre| La bonne fille

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