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Le nommй Fabrice

Le Pauvre Bougre et le bon gйnie | Un point d’histoire | Inanitй de la logique | Le bahut Henri II | Un clichй d’arriиre-saison | Un fait-divers | IV Ce qu’йtait Mathias | VI Les larmes d’un nиgre | Fausse manњuvre | La bonne fille |


– Hй! lа-bas, le vieux rigolo! qu’est-ce que vous demandez?

 

Le vieux rigolo ainsi interpellй ne rйpondit pas, mais comme en proie а une indicible stupeur, il regardait les bвtiments neufs а peine terminйs, une petite maisonnette en brique, les hangars, les йcuries, une immense bascule destinйe а peser les voitures de betteraves.

 

– Tout de mкme, fit -il, faut кtre bougrement effrontй!

 

– De quoi donc, mon brave?

 

– Faut avei un rude toupet!

 

Fatiguй sans doute de cette conversation, le contremaоtre demanda brusquement au paysan:

 

– Enfin, qui кtes-vous? Que voulez-vous?

 

– Qui que je sis? Vous me demandez qui que je sis? Je sis le nommй Fabrice, et je sis cheu mei, et vous n’кtes pas cheu vous!

 

– Comment, vous кtes chez vous?

 

– Je sis cheu mei, et vous allez me faire le plaisir de f… le camp, avec vos gens et toutes vos saloperies de bвtisses, et pis je vous demanderai trois mille francs de dommages et intйrкts!

 

Sur ces entrefaites, l’architecte arrivait au chantier. La derniиre phrase du vieux campagnard le fit lйgиrement pвlir.

 

Si c’йtait vrai, pourtant, qu’on eыt bвti sur son champ!

 

Le plus comique, c’est que la chose йtait parfaitement exacte.

 

Le pauvre architecte s’йtait trompй de terrain et il avait construit sur le champ du nommй Fabrice pour cinquante mille francs de bвtiments au compte d’une grande sucrerie voisine.

 

On allait en faire, une tкte, а l’administration, quand on apprendrait зa!

 

L’architecte esquissa le geste habituel des architectes qui n’en mиnent pas large: il se gratta la tкte et le nez alternativement.

 

L’indignation du campagnard allait croissant:

 

– Je sis le nommй Fabrice, et personne n’a le droit de construire sur mon bien, personne!

 

– Effectivement, balbutiait l’architecte, il y a erreur, mais elle est facilement rйparable… Nous allons vous donner l’autre champ, le nфtre. Il est d’йgale surface, et…

 

– J’ n’en veux point de votre champ. C’est le mien qu’il me faut. Vous n’avez pas le droit de bвtir sur mon bien, ni vous ni personne. J’vous donne huit jours pour dйmolir tout зa et remettre mon champ en йtat, et pis je demande trois mille francs de dommages et intйrкts!

 

La discussion continua sur ce ton.

 

Le pauvre architecte, qui en menait de moins en moins large, s’efforзait de convaincre le nommй Fabrice. Le vieux paysan ne voulait rien savoir. Il lui fallait son champ dйbarrassй des saloperies de bвtisses, et, en plus, trois mille francs d’indemnitй.

 

Le propriйtaire de la sucrerie, informй de cet йtrange malentendu, arriva vite et voulut transiger. Le nommй Fabrice йtait butй.

 

On marchanda: cinq mille francs d’indemnitй!

 

– Non, ma terre!

 

– Dix mille!

 

– Non, ma terre!

 

– Vingt mille!

 

– Non, ma terre!

 

– Ah zut! nous plaiderons, alors!

 

Malgrй la bonne volontй des juges, on ne put dйcouvrir dans le Code le plus mince article de loi autorisant un sucrier а bвtir sur le champ d’autrui, mкme en l’indemnisant aprиs.

 

Le sucrier fut condamnй а remettre le bien du nommй Fabrice dans l’йtat oщ il l’avait pris.

 

Les considйrants du jugement blвmaient la lйgиretй de l’architecte, et surtout la mauvaise foi йvidente et la rapacitй du nommй Fabrice.

 

Le nommй Fabrice riait sous cape. Il alla trouver le sucrier.

 

– Йcoutez, fit -il, je ne sis pas un mйchant homme. Donnez-moi votre champ et quarante mille francs… et j’vous fous la paix.

 

Plus tard, le caissier raconta que le nommй Fabrice, en signant son reзu de quarante mille francs, avait murmurй:

 

– C’est йgal, faut avei un rude toupet tout de mкme!

 

On ne sut jamais si c’йtait de lui qu’il voulait parler ou d’un autre.

 


Дата добавления: 2015-11-14; просмотров: 57 | Нарушение авторских прав


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Le mariage manquй| L’inespйrй bonne fortune

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