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La France -possède une trop belle ceinture de côtes pour n 'avoir pas produit
une longue série de marins intrépides. Le plus glorieux de tous est sûrement
Jacques Cartier, qui, parti de Saint-Malo en 1534, découvrit Terre-Neuve,
puis, remontant un des bras du Saint-Laurent, fut le premier explorateur du
Canada. Au cours de son second voyage, qui le conduisit jusqu'à l'empla-
cement actuel de Montréal, il prit même possession du pays au -nom du roi. Et
l'on sait que, si les Français furent, au XV1IJ e siècle, chassés de cet immense
territoire, ils y laissèrent assez de colons pour que le Canada soit aujourd'hui,
pour plus d'un quart, peuplé de. leurs descendants qui continuent à parler la
langue de leur vieille patrie.
Le 19 septembre, Cartier se lança de nouveau vers l'ouest.
Un bon vent et le flot de la marée emportèrent / 'Emerillon et les deux
barques vers l'amont du Saint-Laurent. Cartier admirait ce magnifique
fleuve qui, à deux cents lieues de son embouchure, était assez profond pour
qu'un navire de quarante tonneaux2 pût y tracer sa route et assez large pour
que l'eau douée fût vivifiée par les lames de l'océan.
Son goût et son odeur étaient encore le goût et l'odeur de la mer. Les
poissons de ses eaux possédaient encore la saveur des poissons marins.
Une paix singulière emplissait l'âme de Cartier.
N'avait-il pas lutté pendant des années pour parvenir là où il se trouvait?
Avec quelle constance et quelle patience!
Deux ans plus tôt, Terre-Neuve et le Canada étaient encore inconnus.
Avec exactitude, sans hâte, il en avait reconnu les côtes. Il avait remonté le
Saint-Laurent jusqu'à Sainte-Croix. Il avait scellé un pacte d'amitié avec les
hommes du pays. Aujourd'hui il pénétrait au cœur du Canada. Aujourd'hui
l'étrave de / 'Emerillon dont il tenait la barre, comme le soc d'une charrue,
se frayait un chemin dans cette belle terre vierge chargée de chanvre, de
millet, de raisin.
Quel calme en Jacques Cartier!
L'hiver déjà commençait, les vents du nord étaient chargés de froid, la
brume souvent rôdait sur l'eau en nuages épais, les manœuvres étaient
pénibles. Mais Cartier atteignait le but.
En France, il avait déposé des copies de ses cartes et de ses
observations. En arrière, deux de ses navires se trouvaient en sûreté,
protégés contre l'eau, contre les troncs d'arbres emportés par l'eau, contre la
glace qui viendrait.
Même s'il périssait au cours de cette dernière expédition, son œuvre
aurait un sens et une suite. Mais jusqu'où l'eau le conduirait-elle?
Parviendrait-il à la capitale de la Chine source inépuisable de richesses
que deux siècles plus tôt Marco Polo4 avait atteinte par l'est?
Il interrogeait les hommes que le galion5 et les barques rencontraient.
Tous l'attendaient et le reconnaissaient. De rivière à rivière, de mont
à mont, des signaux discrets avaient fait connaître le passage prochain du
chef blanc, de ses compagnons et de son vaisseau, de l'homme qui avait
conduit Taiognagny et Domagaya6 en une contrée lointaine et mystérieuse.
Les récits mêmes des deux indigènes revenus de France étaient passés
des uns aux autres. Cartier était précédé de sa renommée de grand chef,
d'homme savant et juste qui distribuait des richesses.
Et les chasseurs descendus des montagnes, les pêcheurs habitant les
rives du fleuve se pressaient autour des barques. Ils offraient du gibier, des
poissons, des fruits... Ils avertissaient des dangers que cachait l'eau.
Là, des rochers immergés éventreraient7 les coques. Plus loin, la
mâchoire rocheuse se resserrait, l'eau avait creusé son lit en profondeur et
des tourbillons puissants se saisissaient des pirogues.
Cartier remerciait en distribuant des haches, des vêtements, des
verroteries, puis reprenait en main la barre de l'Emerillon et lançait ses
bâtiments à l'assaut des tourbillons, vers l'ouest.
Le 28 septembre, le courant s'apaisa, les rives s'écartèrent et une vaste
nappe d'eau se développa devant les étraves.
C'était un froid matin, la brume cachait les montagnes lointaines et une
brise aigre mordait la chair des hommes.
Cartier fit pousser en avant. A douze lieues de là il se heurta à la terre la
longea à droite et revint à l'entrée du lac. Il suivit l'autre rivage et, une
heure plus tard, se retrouva au même point.
Il avait tâté de l'étrave les limites de cette eau calme. Comme un frelon
dans une bouteille, était-il prisonnier?
Pourtant, tout au long de la route, les pêcheurs et les chasseurs avaient
affirmé que l'eau le conduirait jusqu'à Hochelaga8.
Ils hélèrent9 cinq indigènes aperçus sur un îlot. L'un d'eux vint, entra
sans crainte dans l'eau, saisit Cartier dans ses bras et le porta à terre. Eux
aussi, qui étaient des chasseurs de rats, avaient entendu parler du
navigateur.
Oui, l'eau, dirent-ils, les conduirait à Hochelaga, qui se trouvait à trois
jours de pirogue du lac. Ici, il fallait abandonner le galion, car la rivière qui
conduisait à Hochelaga avait construit en débouchant dans le lac un seuil
de sable et de galets que l 'Emerillon ne pouvait franchir.
Et, avant d'atteindre le lac, elle se divisait en cinq bras qui se «lissaient
dans l'eau calme, dissimulés par les îlots d'alluvions qu'ils avaient formés.
Cartier rechercha un abri pour son vaisseau de quarante tonnes, laissa à
bord quelques compagnons, franchit un seuil avec les barques et alla de
l'avant.
A l'aube du 19 octobre, plus de mille hommes, femmes et enfants,
entouraient les deux barques.
Hochelaga était atteinte*.
EDOUARD PEISSON. Jacques Cartier, navigateur (1941)
Примечания:
1. Название корабля Ж Каргье. 2. On dirait plutôt aujourd'hui: de quarante tonnes.
3. Подобно Христофору Колумбу, который, открыв Америку. бы;[ убежден, что при-
плыл в Индию, Жак Картье, достигнув Канады, считал, чю находится в Китае
4. Марко Поло (ок. 1254 - 1324) — венецианец, совершивший путешествие чере» всю
Азию в Китай, где прожил 17 лет, после чего морем вернулся в Италию. 5 Галион -
парусный корабль XVI - XVII веков с пушечным вооружением. 6. Двое шпейцев,
которых Картье привез во Францию после своего первого путешествия в Канаду
7. Futur de passé. 8. Город, расположенный на реке св.Лаврентия чуть ниже озера
Онтарио. 9. Окликнули, позвали.
Вопросы:
* Suivez sur une carte l'itinéraire de J. Cartier. — Énumérez toutes les difficultés
rencontrées par le navigateur.
Дата добавления: 2015-08-02; просмотров: 61 | Нарушение авторских прав
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