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Après avoir vainement cherché un éditeur, à trente-deux ans, écœuré et las, Toole choisit de se suicider. Sa mère découvre le corps de son fils, son manuscrit à ses pieds. Elle le lit, et estime injuste que son fils ne soit pas reconnu.
Elle se rend chez un éditeur et assiège son bureau. Elle en bloque l'entrée de son corps obèse, mangeant sandwich sur sandwich et obligeant l'éditeur à l'enjamber péniblement chaque fois qu'il gagne ou quitte son lieu de travail. Il est convaincu que ce manège ne durera pas longtemps mais Mme Toole tient bon. Face à tant d'opiniâtreté, l'éditeur cède et consent à lire le manuscrit tout en avertissant que, s'il le juge mauvais, il ne le publiera pas.
Il lit. Trouve le texte excellent. Le publie. Et La Conjuration des imbéciles remporte le prix Pulitzer.
L'histoire ne s'arrête pas là. Un an plus tard, l'éditeur publie un nouveau roman signé John Kennedy Toole, La Bible de néon, d'où sera d'ailleurs tiré un film. Un troisième roman paraît encore l'année suivante.
Je me suis demandé comment un homme mort de contrariété parce qu'il ne parvenait pas à faire publier son unique roman pouvait continuer à produire par-delà la tombe. En fait, l'éditeur se reprochait tellement de ne pas avoir découvert John Kennedy Toole de son vivant qu'il avait fait main basse sur les tiroirs de son bureau et publiait tout ce qu'il y trouvait, nouvelles et même rédactions scolaires.
Edmond Wells, Encyclopédie du Savoir Relatif et Absolu, tome IV.
UN INSTANT
Il était temps de rentrer au Paradis.
Jacques, mon Jacques, vient de rencontrer Nathalie Kim, la Nathalie Kim de Raoul! Pure coïncidence. Il n'y a pas que des hasards issus de volontés supérieures, il y a aussi de véritables hasards dus aux aléas de la vie.
Nos œufs en main, Raoul et moi nous empressons de nous installer face à face pour observer la suite des événements. Nos écrans sphériques s'éclairent.
– Ah, ces humains! dit Raoul. Ce qui me navre le plus, c'est leur prétention à faire des couples. Les hommes et les femmes sont pressés de se mettre en couple alors qu'ils ne savent même pas qui ils sont. C'est souvent la peur de la solitude qui les y pousse. Les jeunes qui se marient à vingt ans sont comme des chantiers au premier étage d'un immeuble qui décideraient de s'élever ensemble, convaincus d'être toujours au diapason et que, lorsqu'ils parviendront au toit, des ponts se seront constamment établis entre eux. Or, les chances de réussite sont rarissimes. Voilà pourquoi les divorces se multiplient. À chaque passage, à chaque évolution de conscience, chacun estime avoir besoin d'un partenaire différent. En fait, pour bâtir un couple, il faut être quatre: un homme plus sa part de féminité, une femme plus sa part de virilité. Deux êtres complets ne recherchent plus chez l'autre ce qui leur manque. Ils peuvent s'associer sans fantasmer sur une femme idéale ou un homme idéal puisqu'ils les ont déjà trouvés en eux, déclame mon compagnon de célestitude.
– Tu te prends pour Edmond Wells? plaisanté-je. On commence par déclamer et on finit par écrire des encyclopédies, je te préviens.
– Il se rengorge et fait semblant de ne pas avoir entendu ma remarque.
– Il se passe quoi, chez toi?
– Ils parlent, ils discutent entre eux.
– Il est comment, ton Jacques?
– Pas très frais. Il a un bandage autour de la tête.
Дата добавления: 2015-11-13; просмотров: 35 | Нарушение авторских прав
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