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Vers la galaxie voisine

JACQUES. 18 ANS | JACQUES. 21 ANS | VENUS. 21 ANS | IGOR. 21 ANS ET DEUX MOIS | JACQUES. 22 ANS | VENUS. 22 ANS | JACQUES. 22 ANS ET DEMI | VENUS. 22 ANS ET DEMI | IGOR. 22 ANS ET DEMI | JACQUES. 22 ANS ET DEMI |


Si l'enjeu de tout notre œuvre d'ange est de lutter contre l'ignorance, je ne vois plus ce qui me retient de partir explorer une autre galaxie. Cela m'a pris d'un coup. Je savais que mes trois acolytes allaient bientôt entreprendre le voyage, je les ai rejoints au dernier moment.

Tant pis si je me fais mal voir d'Edmond Wells. Tant pis si je me plante avec ces clients qui sont censés être mon reflet. Je m'assume. Je suis moi aussi un transgresseur et je paierai le prix qu'il faudra pour ne pas terminer ignorant.

Formation en losange. Nous nous regroupons, Raoul, Freddy, Marilyn Monroe et moi. Inutile de nous lancer dans de nouvelles discussions, cette fois nous savons que nous partons pour la grande grande grande aventure. Une autre galaxie! Pour la première fois, des âmes humaines sortiront de leur galaxie natale!

Christophe Colomb, Magellan et Marco Polo n'ont qu'à bien se tenir. Leurs exploits ne sont que des promenades par rapport à notre odyssée. Je piaffe d'impatience. Je sais que mes clients ne pourront pas me contacter pendant mon périple, mais tant pis.

– Les enfants n'ont qu'à se débrouiller seuls, les parents partent en vacances, déclare Raoul. Allez… en avant pour de nouvelles aventures.

Nous quittons le Paradis et nous nous élançons dans le cosmos. Nous croisons des milliers d'étoiles avant de parvenir à la périphérie de notre Galaxie. Là, Freddy nous invite à nous retourner pour la contempler comme les premiers astronautes ont découvert la Terre. Avec un peu de distance.

Fantastique.

La Voie lactée forme une spirale à cinq bras qui tourne sur elle-même. Au centre, le bulbe renferme le noyau lui-même percé du nombril du Paradis. Autour, le disque et son cortège de poussières. Persée, le bras le plus extérieur, n'en finit pas de s'enrouler. Le bras le plus rapproché, le Cygne, effleure presque le noyau. 100 000 années-lumière de diamètre et 5 000 années-lumière d'épaisseur, c'est vraiment «grand».

Freddy nous indique une petite étoile proche du bras spirale majeur, ce petit point éloigné de la boursouflure centrale, c'est le soleil des Terriens. Songer que c'est sous cette infime lueur que mes clients sont en train de se débattre relativise bien des choses…

Nous mettons le cap sur la galaxie la plus proche, Andromède. Nous reformons notre losange et nous atteignons rapidement la vitesse de la lumière. Autour de nous les photons s'immobilisent. Puis, nous la dépassons. Au revoir les photons. Nous devons bien fuser à dix fois la vitesse de la lumière.

Le voyage n'est guère distrayant. Le vide, le vide et toujours le vide. Tous les grands explorateurs ont dû connaître cette impression en pleine mer: de l'eau, de l'eau, encore de l'eau et rien à l'horizon pendant des périodes infinies. Du vide, du vide, des années de vide sans doute à l'échelle terrienne. Mais l'enjeu que nous nous sommes fixé et les immenses distances de l'univers ne nous laissent pas le choix. Nous traversons million de kilomètres après million de kilomètres. J'en viens à me demander si nous serons capables de retrouver le chemin du retour. Quand on a commencé à faire une bêtise, il faut aller jusqu'au bout. Quant à mes clients… qu'ils se débrouillent!

IGOR. 23 ANS

J'entame une carrière de «malade professionnel» plutôt agréable. Le docteur Tatiana Mendeleiev et moi, nous nous lançons dans une tournée des hôpitaux en et hors de Russie. Tout le monde s'intéresse à mon nombril cancéreux. «Ça vous fait mal?» me demande-t-on. Au début, je répondais que non mais je sentais bien que cette absence de douleur décevait mes interlocuteurs. Comment peut-on s'intéresser à quelqu'un qui ne souffre pas? J'ai rectifié: «Oui, ça m'empêche de dormir», puis: «Oui, comme c'est situé au centre de mon corps, ça irradie partout», et enfin: «C'est au-delà de tout.»

Phénomène intéressant, depuis que je réponds «oui», j’ai effectivement mal. Même mon corps paraît décidé à m'aider à mieux jouer mon rôle. N'empêche, pour un type blessé aussi souvent que moi au combat, ce cancer, fût-il du nombril, n'est qu'un petit bobo ridicule.

Tatiana dit qu'elle veut refaire mon éducation. Elle m'apprend à aimer les gros livres. Elle m'en a offert récemment un qui m'a particulièrement intéressé. C'est une traduction d'un roman occidental intitulé Les Rats. C'est l'histoire d'un rat dans une horde de rats qui veut sortir des rapports dominants-dominés pour inventer une manière de vivre avec les autres basée sur la coopération-réciprocité-pardon. Simultanément, le rat héros mène une enquête pour découvrir qui a tué le roi des rats et s'aperçoit que tous les rats dominants se sont unis pour lui dévorer le cerveau, convaincus qu'ainsi ils s'imprégneraient de sa personnalité. Par moments, il y a même des passages de guerre entre rats qui me rappellent des épisodes de ma guerre avec les Tchétchènes.

Tatiana Mendeleiev fait irruption dans ma chambre. Elle me dit qu'on ne peut pas vivre seul, qu'il faut un peu d'amour dans la vie. Elle me saisit le menton et me vrille un baiser profond avant même que j'aie le temps de comprendre ce qu'il se passe. Ses lèvres ont un goût de cerise et sa peau est de soie. Je n'ai jamais connu encore tant de douceur.

Tatiana me dit qu'elle veut vivre avec moi, mais qu'elle a son mode d'emploi. Elle précise:

– Je suis comme les plantes vertes. Il faut beaucoup me parler.

Nous faisons l'amour.

La première fois, je suis tellement ému que je grelotte de plaisir. La deuxième fois, j'ai l'impression de renaître. La troisième, j'oublie tout ce qui m'est arrivé de mauvais depuis ma naissance.

Ensemble, nous allons au cinéma voir un film avec Venus Sheridan, Les Renards. Elle y joue quasiment le rôle de Stanislas, si ce n'est que lorsqu'elle utilise le lance-flammes je vois bien qu'elle oublie de remonter la sécurité. Je suis, du coup, le seul à rire aux éclats quand elle surgit. C'est donc ainsi que les Occidentaux s'imaginent que nous faisons la guerre? Ensuite, avec Tatiana, nous retenons une table dans un bon restaurant et nous ne lésinons pas sur la vodka, les blinis et le caviar. C'est le ministère de la Santé qui régale.

Nous faisons souvent l'amour. Ma doctoresse adore ça. Nous parlons beaucoup aussi. Elle me raconte qu'elle a rencontré une hypnotiseuse péruvienne, Nathalie Kim, qui lui a proposé une régression. Elle a ainsi découvert que, dans sa vie précédente, elle était une infirmière française du nom d'Amandine Ballus qui accompagnait des gens dans des expériences aux frontières de la mort. Je réponds que moi, je crois l'avoir déjà connue dans ma vie précédente et l'avoir déjà aimée.

Nous nous embrassons.

Lorsque je fais l'amour avec Tatiana, je voudrais me dissoudre en elle pour redevenir fœtus. Je ne l'ai pas seulement élue comme femme, mais aussi comme mère. Je veux m'enfoncer entièrement en elle et qu'elle me porte neuf mois, qu'elle me donne le sein, qu'elle me lange, qu'elle me nourrisse à la cuillère et m'apprenne à lire.

Quelle belle vie! Je ne joue plus au poker. Je n'ai plus envie de frayer avec le milieu malsain des casinos. Après tant de souffrances, j'ai droit à un peu de repos et de plaisir.

Vassili passe nous voir de temps en temps et nous mangeons en famille. Il me parle de son travail qui le passionne de plus en plus. Depuis qu'il a insufflé la peur de la mort à ses programmes informatiques, de crainte de disparaître, ils développent de nouveaux sens. Dès qu'ils sont branchés sur le réseau Web international, ils cherchent à se… reproduire.

– Ils sont en quête d'immortalité, plaisante-t-il.

Vassili est un génie. Quand il parle de ses ordinateurs, on dirait qu'il parle d'animaux vivants. Il m'a apporté la dernière version de son logiciel de poker. Non seulement celui-ci sait bluffer, mais il donne des signes de peur.

– Il redoute vraiment de perdre?

– Il est programmé de façon à croire que plus il perd, plus il se rapproche de la mort. Ce logiciel est le douzième d'une nouvelle génération qui s'autorepro-duit. Plusieurs jouent entre eux et testent leurs capacités, les plus forts se reproduisent, les plus faibles disparaissent. Je n'interviens même plus. Ils s'autosé-lectionnent, ils sont de plus en plus performants et de plus en plus angoissés.

– L'angoisse serait un élément d'évolution dans leur monde?

– Qui sait? Peut-être dans le nôtre aussi. Quand on est satisfait de son existence, on n'a aucune raison de vouloir en changer.

Je tente une nouvelle partie avec son logiciel de poker. Cette fois la machine me bat. Je recommence et elle me bat encore. Je m'entête mais, subitement, elle tombe en panne.

– Les pannes inexpliquées, c'est le problème numéro un, reconnaît mon ami. On dirait parfois que quelqu'un, quelque chose nous retient dans nos découvertes.

Il propose de remplacer sa machine et de jouer directement avec moi. Mais j’ai promis à Tatiana de ne plus jouer aux cartes avec des humains. Ma doctoresse survient et me prend dans ses bras. Elle me caresse le dos. Tatiana, c'est ma bonne surprise dans une vie qui ne m'avait jusqu'alors réservé que des désagréments.

Je fais un vœu: avoir encore une bonne surprise.

158. ENCYCLOPÉDIE

DE L'IMPORTANCE DU BIOGRAPHE: L'important n'est pas ce qui a été accompli mais ce qu'en rapporteront les biographes. Un exemple: la découverte de l'Amérique. Elle n'est pas le fait de Christophe Colomb (sinon elle se serait appelée la Colombie), mais d'Amerigo Vespucci.

De son vivant, Christophe Colomb était considéré comme un raté. Il a traversé un océan dans le but d'atteindre un continent qu'il n'a pas trouvé. Il a certes débarqué à Cuba, Saint-Domingue et dans plusieurs autres îles des Caraïbes, mais il n'a pas pensé à chercher plus au nord.

Chaque fois qu'il rentrait en Espagne avec ses perroquets, ses tomates, son maïs et son chocolat, la reine l'interrogeait: «Alors, vous avez trouvé les Indes?» et lui répondait: «Bientôt, bientôt.» Finalement, elle lui a coupé les crédits et il a abouti en prison après avoir été accusé de malversations.

Mais alors, pourquoi connaît-on tout de la vie de Colomb et rien de celle de Vespucci? Pourquoi n'en-seigne-t-on pas dans les écoles: «découverte de l'Amérique par Amerigo Vespucci»? Tout simplement parce que le second n'a pas de biographe tandis que le premier en a eu un. En effet, le fils de Christophe Colomb s'est dit: «C'est mon père qui a fait l'essentiel du boulot, il mérite d'être reconnu», et il s'est attelé à un livre sur la vie de son père.

Les générations futures se moquent des exploits réels, seul compte le talent du biographe qui les relate. Amerigo Vespucci n'a peut-être pas eu de fils ou alors celui-ci n'a pas jugé bon d'immortaliser les prouesses paternelles.

D'autres événements n'ont survécu que par la volonté d'un seul ou de quelques-uns de les rendre historiques. Qui connaîtrait Socrate sans Platon? Jésus sans les Apôtres? Et Jeanne d'Arc, réinventée par Michelet pour donner aux Français la volonté de bouter dehors le Prussien envahisseur? Henri IV? Médiatisé par Louis XIV pour se doter d'une légitimité.

Avis aux grands de ce monde: peu importe ce que vous accomplirez, la seule façon de vous inscrire dans l'Histoire, c'est de vous trouver un bon biographe.

 

Edmond Wells, Encyclopédie du Savoir Relatif et Absolu, tome IV.


Дата добавления: 2015-11-13; просмотров: 50 | Нарушение авторских прав


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