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JACQUES. 17 ANS ET DEMI

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Oral du bac option «philosophie». Question: «La liberté de pensée existe-t-elle?»

Après m'avoir écouté, l'examinateur me dit:

– Vous vous référez au zen, au bouddhisme, au taoïsme… Nous n'avons pas besoin d'aller chercher des références en Asie. Relisez Montaigne, Spinoza, Nietzsche, Platon, vous constaterez qu'ils ont tout compris.

Je me crispe:

– Ce qui m'intéresse dans la pensée orientale, c'est qu'elle se fonde sur une expérience de spiritualité vécue. Lorsqu'un moine zen reste immobile une heure pour faire le vide dans sa tête, lorsqu'un yogi ralentit son souffle et son cœur, lorsqu'un taoïste rit jusqu'à la pâmoison, ce ne sont pas simplement des phrases, ce sont des expériences vécues.

L'examinateur hausse les épaules.

– Allez, je ne vous en veux pas.

Ce disant, il passe les mains sur sa veste chic, comme pour effacer un pli imaginaire.

Je sens monter en moi une vague qui bientôt me submerge. Une colère ancienne tout d'un coup libérée. Cet homme représente tout ce qui, depuis l'enfance, m'exaspère. Tous ces gens qui croient tout savoir, qui sont remplis de certitudes et qui ne veulent surtout rien entendre de nouveau susceptible de remettre en question leur petit train-train. Cet examinateur avec son air satisfait d'homme doté d'un minuscule pouvoir, et comptant bien l'utiliser pour donner un sens à son existence, me navre.

J'explose:

– Vous me donnez pour thème: «La liberté de pensée existe-t-elle?» et, en fait, vous êtes précisément là pour l'interdire! L'originalité de mes idées, vous vous en moquez. Tout ce qui vous intéresse, c'est de vérifier si ma pensée ressemble à la vôtre ou, en tout cas, si je suis capable de la singer.

– Spinoza a une excellente phrase pour expliquer votre erreur. Il a dit que…

– Votre pensée à vous n'est qu'une pâle copie de celle des grands penseurs que vous invoquez. Vous vous êtes déjà demandé quelles étaient vos propres réflexions en dehors de celles de ces grands monuments institutionnalisés? Avez-vous seulement eu une fois dans votre vie une pensée personnelle? Non. Vous n'êtes qu'un… qu'un… (je cherche la pire insulte)… qu'un… photocopieur.

Je pars en claquant la porte. C'est la première fois de ma vie que je me livre à un acte de rébellion ouverte. Ça me laisse une impression de dégoût de moi-même. Comment cet examinateur sans intérêt a-t-il pu me contraindre à sortir de mes gonds?

J'ai raté mon bac. Il va me falloir réussir sans.

Je me sens de plus en plus «rat autonome». Je préfère sortir du Système.

Mes parents m'admonestent. Ils en ont assez de ma paresse et de mes lubies. Trois choix s'offrent à moi: combattre, refouler ou fuir.

J'opte pour la fuite.

Le lendemain, je casse ma tirelire, compte l'argent gagné grâce à la vente de mes nouvelles et prends le train pour Paris avec pour seuls compagnons Mona Lisa, le chat, et mon ordinateur. En un après-midi, je déniche un studio au sixième étage sans ascenseur du côté de la gare de l'Est. Le lit occupe quatre-vingt-dix pour cent de la pièce.

Mona Lisa est furibarde car je n'ai pas la télévision. Elle saute comme une hystérique. Elle pointe des pattes les prises électriques et les prises d'antenne, au cas où je ne les aurais pas encore remarquées.

Quelques jours à tourner en rond sans télévision et Mona Lisa plonge dans la prostration. Elle ne mange pas, refuse mes caresses, ne ronronne plus et crache dès que je l'approche.

Hier, j'ai trouvé Mona Lisa morte sur la table où j'aurais pu poser un téléviseur… Je l'enterre derrière un fourré, dans un jardin public. En guise de pierre tombale, je plante au-dessus de la petite fosse une télécommande récupérée dans une poubelle. Je me rends ensuite à la SPA et j'adopte Mona Lisa Il, laquelle est exactement semblable à Mona Lisa I dans sa jeunesse: même fourrure, même regard, même attitude.

Cette fois, je ne commets pas la même erreur. J'économise sur mon budget nourriture le premier versement nécessaire à l'achat d'un petit téléviseur d'occasion. Je le laisse allumé du matin au soir et Mona Lisa Il reste plantée devant, à battre langoureusement des paupières.

C'est peut-être la conséquence d'une évolution globale de l'espèce. Il n'y a plus rien dans mes chattes du félin sauvage qui sommeillait en elles. Il ne reste que des animaux obèses et adaptés non plus à la jungle mais à la télévision, aux salons au plancher recouvert de moquette et refusant la viande crue pour n'engloutir que des croquettes.

Je remarque quand même une petite différence entre mes deux Mona Lisa: alors que la première aimait les jeux quiz, la seconde frétille de plaisir en regardant les actualités. Je ne sais pas pourquoi ce chat apprécie autant les guerres, les crises économiques et les tremblements de terre. Un animal pervers, sans doute.

Mais il me faut payer mon loyer et les traites de la télé. La vente de mes nouvelles ne suffit pas. J'alterne les petits boulots. Distributeur de publicités dans les boîtes aux lettres. Livreur de pizzas.

Serveur dans une brasserie.

Je sers de treize heures à minuit. La vie d'un commis de restaurant n'est pas vraiment drôle. Les gens des cuisines sont irascibles, et les dîneurs capricieux et impatients. Le patron ajoute à la pression. Un collègue compatissant m'explique que pour ne pas sans cesse subir, au risque de s'en rendre malade, il faut se venger. Il me montre comment s'y prendre. Un de ses clients est désagréable? Il crache aussitôt dans son assiette.

– C'est pas grand-chose, mais ça m'évite d'avoir un ulcère.

À force de courir de la salle aux cuisines et des cuisines à la salle, j'attrape des cors. Les pourboires sont maigres. Le soir, je rentre fourbu et je regarde les actualités.

Guerre en Tchétchénie.

Panique en Europe à cause de la crise du porc fou. (En consommer provoque une dégénérescence des cellules du cerveau et des symptômes semblables à ceux de la maladie de Parkinson.) Les éleveurs manifestent contre l'injonction de la commission de Bruxelles d'abattre leur cheptel contaminé.

Assassinat d'une célèbre actrice par le maniaque qui s'en prend avec prédilection aux plus jolies actrices de Hollywood. Il les étrangle avec un lacet.

Montée des cours de la Bourse. Encore une réforme du système fiscal avec pour résultat une hausse des impôts. Grève des transports publics. Élection de Miss Univers. Élection d'un nouveau pape au Vatican…

Le pape… Je songe un moment à reprendre ma nouvelle, «Le sous-pape», pour en faire un roman mais, à la vitesse où le monde évolue, ce récit de science-fiction risque de se retrouver dépassé par la réalité. Ils sont vraiment capables de choisir un ordinateur pour pape. Je reprends donc mon roman sur les rats.

Je m'invente des règles de travail. Je décide d'écrire tous les jours de huit heures du matin à midi et demi, quoi qu'il arrive, où que je sois, avec qui que je sois. J'achète à crédit un autre ordinateur, portable et à écran plat celui-là, et je m'inscris à un cours de dactylographie pour apprendre à taper de plus en plus vite.


Дата добавления: 2015-11-13; просмотров: 38 | Нарушение авторских прав


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