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LXVIII LA PIPE

 

 

Je suis la pipe d'un auteur;

On voit, à contempler ma mine

D'Abyssinienne ou de Cafrine,

Que mon maître est un grand fumeur.

 

Quand il est comblé de douleur,

Je fume comme la chaumine

Où se prépare la cuisine

Pour le retour du laboureur.

 

J'enlace et je berce son âme

Dans le réseau mobile et bleu

Qui monte de ma bouche en feu,

 

Et je roule un puissant dictame

Qui charme son cœur et guérit

De ses fatigues son esprit.

 

русский

 

LXIX LA MUSIQUE

 

 

La musique souvent me prend comme une mer!

Vers ma pâle étoile,

Sous un plafond de brume ou dans un vaste éther,

Je mets à la voile;

 

La poitrine en avant et les poumons gonflés

Comme de la toile,

J'escalade le dos des flots amoncelés

Que la nuit me voile;

 

Je sens vibrer en moi toutes les passions

D'un vaisseau qui souffre;

Le bon vent, la tempête et ses convulsions

 

Sur l'immense gouffre

Me bercent. D'autres fois, calme plat, grand miroir

De mon désespoir!

 

русский

 

LXX SÉPULTURE

 

 

Si par une nuit lourde et sombre

Un bon chrétien, par charité,

Derrière quelque vieux décombre

Enterre votre corps vanté,

 

À l'heure où les chastes étoiles

Ferment leurs yeux appesantis,

L'araignée y fera ses toiles,

Et la vipère ses petits;

 

Vous entendrez toute l'année

Sur votre tête condamnée

Les cris lamentables des loups

 

Et des sorcières faméliques,

Les ébats des vieillards lubriques

Et les complots des noirs filous.

 

русский

 

LXXI UNE GRAVURE FANTASTIQUE

 

 

Ce spectre singulier n'a pour toute toilette,

Grotesquement campé sur son front de squelette,

Qu'un diadème affreux sentant le carnaval.

Sans éperons, sans fouet, il essouffle un cheval,

Fantôme comme lui, rosse apocalyptique,

Qui bave des naseaux comme un épileptique.

Au travers de l'espace ils s'enfoncent tous deux,

Et foulent l'infini d'un sabot hasardeux.

Le cavalier promène un sabre qui flamboie

Sur les foules sans nom que sa monture broie,

Et parcourt, comme un prince inspectant sa maison,

Le cimetière immense et froid, sans horizon,

Où gisent, aux lueurs d'un soleil blanc et terne,

Les peuples de l'histoire ancienne et moderne.

 

русский

 

LXXII LE MORT JOYEUX

 

 

Dans une terre grasse et pleine d'escargots

Je veux creuser moi-même une fosse profonde,

Où je puisse à loisir étaler mes vieux os

Et dormir dans l'oubli comme une requin dans l'onde.

 

Je hais les testaments et je hais les tombeaux;

Plutôt que d'implorer une larme du monde,

Vivant, j'aimerais mieux inviter les corbeaux

À saigner tous les bouts de ma carcasse immonde.

 

Ô vers! Noirs compagnons sans oreille et sans yeux,

Voyez venir à vous un mort libre et joyeux;

Philosophes viveurs, fils de la pourriture,

 

À travers ma ruine allez donc sans remords,

Et dites-moi s'il est encor quelque torture

Pour ce vieux corps sans âme et mort parmi les morts!

 

русский

 


Дата добавления: 2015-11-28; просмотров: 89 | Нарушение авторских прав



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