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(1861-1929)
BOURDELLE n'a pas été seulement un des -plus grands sculpteurs de notre
temps. Comme un Léonard de Vinci ou un Michel-Ange, c'était aussi un
créateur capable de s'exprimer de multiples façons: en peinture, en poésie, en
musique, par exemple.
CLAUDE AVELINE, qui, tout jeune, eut la chance de se compter parmi les intimes
de l'artiste approchant de la fin de sa vie, n'a pas manqué d'être frappé par la
prodigieuse vitalité qu'il manifestait toujours et qui lui faisait regretter de
n'avoir pas «trois cents années» devant lui pour donner forme à toutes les
puissances de son génie.
C'était à Saint-Cloud, il y a quelques années, dans la belle maison du
docteur Couchoud. M. France1 était son hôte et vivait là tranquille, loin des
importuns, au milieu de vieux livres et de pierres anciennes. Il me permit
de le venir voir, un matin.
Je fus reçu dans la grande salle claire qui surplombe la ville et la
campagne. On devinait à l'horizon Paris, couvert de fumées et de brumes
mêlées. Dehors, les premiers froids d'automne. Ici, une chaleur apaisante et
légère. Sur un socle, un buste de terre, par Bourdelle: M. France, la tête un
peu penchée, les épaules nues, songeur. Il dominait la pièce et paraissait
l'emplir. 11 attirait le regard, le fixait, l'enchantait.
Or, un bruit de savates me fit tourner les yeux. Je vis M. France lui-
même, souriant. Je regardai de nouveau le buste, grave. Mes yeux allèrent
plusieurs fois de cette gravité à ce sourire. Et M. France me dit: «Vous
vous demandez lequel est le vrai?» Aujourd'hui, c'est le France de
Bourdelle qui est le vrai. Le visage de notre maître ne vit plus que par cette
effigie.
* * *
M. France disait (et l'on a reproduit ce jugement): «Bourdelle est le plus
grand artiste de notre temps, le plus grand, le plus haut, le plus fort. Y a-t-il
eu, dans l'histoire des arts, un génie créateur plus fécond et plus puissant?
Je ne lui connais qu'un défaut, qui est de concevoir quelquefois au-delà du
possible. C'est un noble défaut*.»
* * *
«Hélas, m'a dit Bourdelle, pourquoi vieillir si vite? Quand on
commence à apprendre son métier, il faut disparaître. Si quelque magicien
venait me proposer de prolonger ma vie, s'il m'était donné d'exister trois
cents ans, j'accepterais aussitôt. Les souffrances, les tristesses, les
angoisses ne sont rien devant le travail, la joie du travail.' Ce ne serait pas
trop de ces trois cents années pour réaliser toutes les maquettes2 qui
m'entourent. L'homme n'existe seulement que lorsqu'il va s'éteindre.
* * *
Dans ses vêtements de maître-ouvrier, voici Bourdelle, petit, trapu,
immense front dénudé, barbe drue de marin aux reflets bleus, nez puissant,
lèvres charnues, regard aimable, rieur, et tout à coup dur et perçant lorsqu'il
veut observer. Au cours d'un récit, une ride creuse parfois ses traits et leur
donne un aspect tragique. Mais de sa main un peu grasse, aux doigts qui
vont s'effilant, il calmait son visage et lui rendait son harmonie.
Antoine Bourdelle se lève à quatre heures du matin. Il peint, dessine,
écrit, jusqu'à l'heure où les hommes s'éveillent. Il gagne alors ses ateliers,
devient sculpteur jusqu'à la tombée du jour. Il se repose d'un labeur dans un
autre labeur, guide ses élèves et, tout en travaillant, leur prodigue les
trésors tumultueux de sa pensée. Le soir, il reprend sous la lampe les
papiers qu'il avait abandonnés le matin. Les tiroirs sont pleins de
compositions de toutes sortes, de manuscrits, de projets. Non, sans doute,
ce ne serait pas trop de ces trois cents années...
Visages! visages synthétiques des dieux, visages multiples des hommes.
Visage hautain et méprisant d'Ingres, triste du docteur Koeberlé'1, calme
d'Anatole France, massif de Rodin, soucieux de Beethoven, réfléchi de
Rembrandt, pensif de Frazer4 digne et juvénile* d'Edouard5 et Tristan
Cortiière6. Douceur et beauté des visages de femmes.
* * *
«Ce n'est pas du dehors, a déclaré Antoine Bourdelle, qu'il faut modeler
un buste. C'est du dedans. L'architecture osseuse, habitacle de la pensée,
d'abord. Ensuite, le vêtement de chair, éclairé par l'esprit et animé par le
conflit des passions et de la volonté. Encore n'est-ce pas suffisant. Il faut,
en sus, la communion intellectuelle et sensible de l'artiste et de son modèle.
Cela, c'est le mystère de l'art, qui ne souffre pas l'arbitraire.»
CLAUDE AVELINE. Les Muses mêlées (1926).
Примечания:
l. Анатоль Франс, автор "Красной лилии", "Острова пингвинов". "Восстания ан-
гелов" и др. 2. Эскизы скульптур. 3. Знаменитый французский хирург (1828 - 1915).
4. Шотландский фольклорист (1854 - 1941). 5. Эдуард Корбьер (1793 - 1875). просла-
вился как моряк и романист. 6. Тристан Корбьер (1845 - 1875), сын Эдуарда Корбьера,
поэт, принадлежавший к группе т.н. "проклятых поэтов", автор стихотворного сбор-
ника "Желтые любови".
Вопросы:
* On cherchera, dans l'œuvre de Bourdelle, des exemples illustrant ce «noble défaut».
** On examinera la précision de chacune de ces épithètes.
WATTEAU (1684-1721)
IL est le Mozart de la peinture française, et peut-être de la peinture tout court.
Comme l'auteur des Noces de Figaro, il eut une vie maladive et une destinée
trop brève; comme lui, il sut pourtant cacher son mal sous un sourire d'une
grâce presque irréelle; comme lui, il peupla notre univers de créatures
impondérables et l'orna de sa fantaisie ailée; comme lui, il fit de la «fête
galante» le divertissement suprême de l'âme; avec lui, et avec Marivaux peut-
être, il fut l'incarnation la plus pure du plus raffiné de tous les siècles.
%
Watteau, peintre idéal de la Fête jolie,
Ton art léger fut tendre et doux comme un soupir,
Et tu donnas une âme inconnue au Désir
En l'asseyant aux pieds de la Mélancolie1
Tes bergers fins avaient la canne d'or au doigt;
Tes bergères, non sans quelques façons hautaines,
Promenaient, sous l'ombrage où chantaient les fontaines,
Leurs robes qu'effilait2 derrière un grand pli droit...
Dans l'air bleuâtre et tiède agonisaient les rosés;
Les cœurs s'ouvraient dans l'ombre au jardin apaisé"
Et les lèvres, prenant aux lèvres le baiser,
Fiançaient l'amour triste4 à la douceur des choses.
Les Pèlerins s'en vont au Pays idéal5...
La galère dorée abandonne la rive;
Et l'amante, à la proue, écoute au loin, pensive,
Une flûte mourir, dans le soir de cristal...
Oh! partir avec eux par un soir de mystère,
О maître6, vivre un soir dans ton rêve enchanté!
La mer est rosé... Il souffle une brise d'été,
Et, quand la nef7 aborde au rivage argenté,
La lune doucement se lève sur Cythère*.
ALBERT samain. Le Chariot d'Or (1901)..
Примечания:
1. Уже Верлен отметил в "Галантных праздненствах" (особенно в "Лунном Све-
те") тесную связь наслаждения и печали, которую он считал одной из характерных
особенностей французского XVIII в. 2. Автор несомненно хочет сказать, что большая
прямая складка сзади на платье создает ощущение тонкой талии и придает фигуре
изящество. 3. В саду, успокоившемся в тишине ночи. 4. См.прим. 1. 5. На сей раз на-
мек на знаменитую картину Ватто "Отплытие на остров Киферу", которая называется
также "Отплытие на остров любви" 6. Поэт обращается к Ватто. 7. Корабль (поэт.).
Вопросы:
* On montrera que cette pièce vaut, en particulier, par l'harmonie des vers.
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Дата добавления: 2015-08-02; просмотров: 56 | Нарушение авторских прав
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