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(52 avant J.- С.)
Inutile de nier ou de regretter ce que la Gaule doit à la conquête romaine.
Pourtant, comment ne pas admirer sa résistance acharnée et ce chef mal-
heureux, qui, dans des conditions impossibles, a tenté de réaliser l'unité de la
nation?
Si donc, aux yeux des doctes. César est le fondateur involontaire de l'Unité
française, Vercingétorix est cher aux enfants de France, comme notre premier
patriote, notre premier résistant.
Devant le camp, à l'intérieur des lignes de défense, avait été dressée
l'estrade du proconsul1, isolée et précédée de marches, semblable à un
sanctuaire. Au-devant, sur le siège impérial. César se tenait assis, revêtu du
manteau de pourpre. Autour de lui, les aigles des légions2 et les enseignes
soldat gaulois mourant, des cohortes, signes visibles des divinités protec-
trices de 1 armée romaine. En face de lui, la montagne que couronnaient les
remparts d'Alésia3 avec ses flancs couverts de cadavres (...). Comme
spectateurs, quarante mille légionnaires debout sur les terrasses et les tours,
entourant César d'une couronne armée. A l'horizon enfin, l'immense
encadrement des collines, derrière lesquelles les Gaulois fuyaient au loin.
Dans Alésia, les chefs et les convois d'armes se préparaient: César allait
recevoir, aux yeux de tous, la preuve palpable de la défaite et de la
soumission de la Gaule.
Vercingétorix sortit le premier des portes de la ville, seul et à cheval.
Aucun héraut ne précéda et n'annonça sa venue. Il descendit les sentiers de
la montagne, et il apparut à l'improviste devant César.
Il montait un cheval de bataille, harnaché comme pour une fête. Il
portait ses plus belles armes; les phalères4 d'or brillaient sur sa poitrine. Il
redressait sa haute taille, et il s'approchait avec la fière attitude d'un
vainqueur qui va vers le triomphe.
Les Romains qui entouraient César eurent un moment de stupeur et
presque de crainte, quand ils virent chevaucher vers eux l'homme qui les
avait si souvent forcés à trembler pour leur vie. L'air farouche, la stature
superbe, le corps étin-celant d'or, d'argent et d'émail, il dut paraître plus
grand qu'un être humain, auguste comme un héros: tel se montra Décius,
lorsque, se dévouant aux dieux pour sauver ses légions, il s'était précipité
à cheval au travers des rangs ennemis.
C'était bien, en effet, un acte de dévotion religieuse, de dévouement
sacré, qu'accomplissait Vercirigétorix. Il s'offrit à César et aux dieux
suivant le rite mystérieux des expiations volontaires.
Il arrivait, paré comme une hostie. Il fit à cheval le tour du tribunal,
traçant rapidement autour de César un cercle continu, ainsi qu'une victime
qu'on promène et présente le long d'une enceinte sacrée. Puis il s'arrêta
levant le proconsul, sauta à bas de son cheval, arracha ses armes et ses
phalères, les jeta aux pieds du vainqueur: venu dans l'appareil du soldat, il
se dépouillait d'un geste symbolique, pour se transformer en vaincu et se
montrer en captif. Enfin il s'avança, s'agenouilla, et, sans prononcer une
parole, tendit les deux mains en avant vers César, dans le mouvement de
l'homme qui supplie une divinité.
Les spectateurs de cette étrange scène demeuraient silencieux. L'éton-
nement faisait place à la pitié. Le roi de la Gaule s'était désarmé lui-même,
avouant et déclarant sa défaite aux hommes et aux dieux. Les Romains se
sentirent émus, et le dernier instant que Vercingétorix demeura libre sous
le ciel de son pays lui valut une victoire morale d'une rare grandeur.
Elle s'accrut encore par l'attitude de César: le proconsul montra trop
qu'il était le maître, et qu'il l'était par la force. Il ne put toujours, dans sa
vie, supporter la bonne fortune avec la même fermeté que la mauvaise.
Vercingétorix se taisait: son rival eut le tort de parler, et de le faire, non
pas avec la dignité d'un vainqueur, mais avec la colère d'un ennemi. Il
reprocha à l'adversaire désarmé et immobile d'avoir trahi l'ancien pacte
d alliance, et il se laissa aller à la faiblesse des rancunes banales.
Puis il agréa sa victime, et donna ordre aux soldats de l'enfermer, en
attendant l'heure du sacrifice*.
camille jullian. Vercingétorix (1901).
Примечания:
1. То есть Цезаря. 2. Войсковая единица в римской армии. 3. Крепость недалеко от
Дижона, в которой засел с галльским войском Верцингеторикс и которую осаждал
Цезарь. 4. Металлические украшения в форме пластинок или блях, служившие знака-
ми воинского отличия в римской армии.
Вопросы: '
* On étudiera, dans ce récit, les éléments gui en constituent le pittoresque et le
pathétique.
SAINT LOUIS (1215-1270) REND
LA JUSTICE AU BOIS DE VINCENNES
Saint Louis est le seul roi de France qui ait été canonisé. C'est assez dire les
services éclatants qu'il rendit à la Chrétienté, tant par sa participation aux
deux dernières croisades que par son amour de la justice et de la paix. N'est-
ce pas lui qui soutenait, contre son entourage: «Je veux céder ce territoire au
roi d'Angleterre, pour mettre amour entre mes enfants et les siens»?
Peu d'hommes ont su mieux évoquer cette noble figure que le sire de JO1N-
VILLE, qui fut longtemps le compagnon du souverain et, en 1305, écrivit
l'histoire du saint roi.
Souvent* en été il allait s'asseoir au bois de Vincennes après la messe,
s'adossait à un chêne et nous faisait asseoir autour de lui. Tous ceux qui
avaient une affaire venaient lui parler sans être empêchés par un huissier ni
personne d'autre. Et alors il demandait de sa propre bouche: «Y a-t-il
quelqu'un ici qui ait un litige1?» Ceux qui avaient un litige se levaient; et il
disait: «Taisez-vous tous, et l'on vous jugera les uns après les autres.» Et
alors il appelait monseigneur Pierre de Fontaine et monseigneur Geoffroy
de Villete et disait à l'un d'eux: «Jugez-moi ce litige.»
Et quand il voyait quelque chose à amender dans les paroles de ceux qui
parlaient pour lui ou dans les paroles de ceux qui parlaient pour autrui, il
l'amendait lui-même de sa propre bouche. Je l'ai vu quelquefois, en été,
venir pour juger son monde, au Jardin de Paris2, vêtu d'une cotte de
camelot3 avec une tunique en tiretaine sans manches, une écharpe de
cendal4 noir autour du cou, très bien peigné et sans coiffe5 et un chapeau de
plumes de paon blanc sur la tête. Il faisait étendre un tapis pour nous
asseoir autour de lui; et tous les gens qui avaient affaire à lui étaient debout
autour de lui; et alors il les faisait juger comme je vous ai dit à propos du
bois de Vincennes*. (Texte mis en français moderne).
joinville. Histoire de Saint Louis.
Примечания:
1. Имеются в виду жалобы на королевских чиновников, что подтверждается и нача-
лом следующего абзаца. 2. На острове Сите. 3. La cotte — род кафтана, иногда без рука-
вов. Le camelot — шерстяная ткань, камлот. Le tiretain — грубое сукно. 4. Шелковая
ткань. 5. Род камилавки, круглой шапочки без полей, надевавшейся иногда под шляпу.
Вопросы:
*Quc'ls détails font; ressortir la simplicité du roi?
JEANNE D'ARC, OU LE REFUS
D'ABDIQUER (1412-1431)
Défoules les figures de l'histoire de France, il n'en faut pas chercher de pi их
touchante ni de plus populaire que celle de Jeanne d'Arc. Et son épopée,
depuis les voix entendues par la petite bergère de Domremy, jusqu 'au supplice
final, est inscrite dans tous les esprits et dans tous les cœurs, et bien au-delà
des frontières de France.
Entre tant d'épisodes émouvants, il en est un qui, à très juste titre, a retenu
.l'attention et inspiré le beau talent de THIERRY MAULNIER: celui où la jeune
fille, après avoir abjuré de force devant le tribunal, reprend peu.à peu
conscience d'elle -même et retourne à cette irrésistible vocation où l'appelle
«l'autre Jeanne», la Jeanne qui n'a 'point trahi, la Jeanne qui refuse
d'abdiquer....
Dans le cachot, Jeanne, ayant abjuré, entend la voix de sa conscience qui parle et
qui la rappelle à son devoir. D'au ces personnages: Jeanne et l'Autre Jeanne.
L'AUTRE JEANNE. — Regarde-moi. Je suis celle qui a trouvé la France
sur sa croix et qui l'a déclouée, et par qui est venu pour elle le jour de la
Résurrection. Je suis celle que tu es.
JEANNE. — Celle-là, je l'ai reniée par désarroi, par fatigue et par peur du
feu. Tout est fini.
L'AUTRE JEANNE. — Je suis celle que tu es dans des millions d'yeux qui
te contemplent. Je t'appelle à moi et je te soutiendrai dans tout ce qui te
reste à faire. Ta vérité, c'est la légende*. Ta légende te réclame pour te
garder jusqu'à la fin des temps. Le moment est venu de ressembler à celle
que tu es dans le cœur des hommes. Le moment est venu de me ressembler.
Debout!
JEANNE. — Mes Français m'accueillaient à genoux dans les villes et
m'acclamaient après les batailles, et remerciaient Dieu de ce que je leur
avais été envoyée. Maintenant, ils m'injurient dans les rues de Rouen,
quand j'y passe avec ceux qui me gardent, et disent que si j'ai fait
soumission, c'est que je ne venais pas de la part de Dieu.
L'AUTRE JEANNE. — Dans les bourgs et dans les campagnes on croit qu'une
fausse Jeanne a été prise à Compiègne et jugée à Rouen, car tu ne peux ni faillir
ni faiblir, car tu es invincible1 étant.guidée par les Anges: et l'on prie pour toi et
l'on t'attend. Que dira la France quand elle saura que tu t'es reniée?
JEANNE. — Je croyais que mon roi viendrait jusqu'à Rouen avec son
armée pour me délivrer par force, ou qu'il offrirait rançon pour moi. De
mon roi aussi je suis abandonnée.
L'AUTRE JEANNE. — Ton roi n'est roi que parce que tu l'as mené au
sacre. Ton roi n'est roi que si tes voix ont dit vrai. Que dira ton roi quand il
saura que tu t'es reniée?
JEANNE. — Les voix qui me venaient de Dieu ont fait silence et m'ont
délaissée. Ah! Si l'univers m'abandonne, j'ai du moins besoin de Dieu.
l'autre jeanne. — Dieu a besoin de toi.
JEANNE. — Besoin de moi?
L'AUTRE jeanne. — Quand cesseras-tu de gémir et de chercher partout
une aide? Personne ne viendra à ton secours: tu n'as rien à attendre. C'est
toi que l'on attend. Considère non ce qui te soutient, mais ce qui repose sur
toi. Considère tout ce qui tombe si tu tombes. C'est par la charge qu'il porte
que l'homme se tient debout.
JEANNE. — Tant de malheur est sur moi....
L'AUTRE JEANNE. — Fais-t'en plus forte2.
JEANNE. — Tant de fatigue.
L'AUTRE JEANNE. — Fais-t'en plus forte.
JEANNE. — TAnt de honte.
L'AUTRE JEANNE. — Fais-t'en plus forte. (Elle va à die pour la mettre:
debout. Jeanne tente une faible résistance.) Prétendrais-tu me résister?
Telle que je te vois, meurtrie, défaite, les yeux battus, les joues salées de
larmes, pauvre chose humaine livrée à la fatigue, au sommeil, à la peur.
Va, tu ne lutteras pas avec moi comme Jacob avec l'Ange, car tu sais bien
maintenant que tu serais terrassée.
JEANNE. — Que prétends-tu de moi?
L'AUTRE JEANNE. — Tu es allée droit à ton roi qui ne savait plus qu'il
était roi, et tu l'as reconnu pour qu'il se reconnût lui-même. Je suis venue
vers toi qui ne savais plus que tu étais Jeanne et déjà tu t'es reconnue.
JEANNE. — Je te dis donc ce que m'a dit mon roi: «Que faut-il que je
fasse?»
L'AUTRE JEANNE. —Tu as conduit ton roi à Reims pour qu'il y fût sacré
C'est à ton sacre que je te conduis. Comme il le reçoit à Reims, tu le
recevras à Rouen.
JEANNE. — Quel sacre peut-il y avoir pour la pauvre fille que je suis?
L'AUTRE JEANNE. — Un sacre plus brillant que le plus beau sacre royal.
Quelles hautes flammes l'éclairent! Tu seras reine, Jeanne, auprès des
Saintes Martyres. Reine pour tous ceux qui, comme toi, comparaîtront
devant des juges dé politique et de vengeance, dans la solitude et le
désarroi, et sauront que tu es près d'eux. Reine de tous ceux que l'on tue
injustement aux quatre coins du monde. Reine des peuples qu'on opprime,
reine des vaincus qu'on bâillonne, reine des prisons et des supplices, reine
de la foule des libertés qui n'en finissent pas d'être tuées et de renaître,
reine de l'espoir intraitable. Reine4 voici le j our du sacre. Voici la foule
rassemblée. Voici sur toi les yeux du monde. Voici le prêtre avec son livre.
Voici l'ampoule5 et la couronne.
JEANNE. — Voici la mort. Je n'ai que dix-neuf ans.
L'AUTRE JEANNE. — Jeanne, je t'appelle à ton dernier combat. Reprends
l'habit qui convient au combat. Reprends l'habit d'homme.
JEANNE. — Je leur6 ai fait serment....
L'AUTRE JEANNE. — Nul serment ne vaut s'il est fait par contrainte.
Reprends ton courage, reprends ta vérité, reprends la bataille. Reprends ton
habit d'homme! Es-tu prête?
JEANNE. — Je suis prête**.
THIERRY MAULNIER. Jeanne et les Juges (1949).
Примечания:
1. Ты непобедима, потому что тебя ведут (направляют) ангелы. 2. Стань сильней его.
3. Имеется в виду эпизод из Библии (Бытие, 32) о борьбе Иакова с ангелом, послан-
ным испытать его после прихода в землю Ханаанскую. В этой борьбе Иаков вышел
победителем. 4. Здесь: обращение. 5. Аллюзия на la Sainte Ampoule, сосуд с миром
(маслом), используемый при коронации французских королей. 6. Моим тюремщикам.
Вопросы:
* Quel est le passage de cette scène qui vous para t le plus éloquent et le plus
émouvant?
Дата добавления: 2015-08-02; просмотров: 39 | Нарушение авторских прав
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