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Anatole France (1844-1924) est né quai Malaquais, à quelques -pas de
l'Institut de France et du Pont-Neuf, sur la rive qui fait face au palais du
Louvre et à l'église Saint-Germain-l'Auxerrois. C'est un vrai Parisien, fils de
Parisiens établis libraires.
Dans la boutique de son père, il a, dès l'enfance, respiré l'odeur des vieux
livres dont les bouquinistes offraient tant d'autres exemplaires au flâneur
érudit. Mais surtout, il a eu sous les yeux le spectacle, unique au monde, des
quais de la Seine. Il y a senti frémir l'âme même de Paris.
Si j'ai jamais goûté l'éclatante douceur d'être né dans la ville des
pensées généreuses, c'est en me promenant sur ces quais où, du Palais-
Bourbon à Notre-Dame, on entend les pierres conter une des plus belles
aventures humaines, l'histoire de la France ancienne et de la France
moderne. On y voit le Louvre, ciselé comme un joyau; le Pont-Neuf, qui
porta sur son robuste dos trois siècles, et plus, de Parisiens musant aux
bateleurs' en revenant de leur travail, criant: «Vive le roi!» au passage des
carrosses dorés, poussant des canons en acclamant la liberté aux jours
révolutionnaires, ou s'engageant en volontaires, à servir, sans souliers,
sous le drapeau tricolore, la patrie en danger. Toute l'âme de la France a
passé sur ces arches vénérables, où des mascarons3, les uns souriants, les
autres grimaçants, semblent exprimer les misères et les gloires, les terreurs
et les espérances, les haines et les amours dont ils ont été témoins durant
des siècles. On y voit la place Dauphine avec ses maisons de brique (...).
On y voit le vieux Palais de justice, la flèche rétablie de la Sainte-Chapelle,
l'Hôtel-de-Ville et les tours de Notre-Dame. C'est là qu'on sent, mieux
qu'ailleurs, les travaux des générations, le progrès des âges, la continuité
d'un peuple, la sainteté du travail accompli par les aïeux à qui nous devons
la liberté et les studieux loisirs. C'est là que je sens pour mon pays le plus
tendre et plus ingénieux amour. C'est là qu'il m'apparaît clairement que la
mission de Paris est d'enseigner le monde. De ces pavés de Paris, qui se
sont tant de fois soulevés4 pour la justice et la liberté*, ont jailli les vérités
qui consolent et délivrent. Et je retrouve ici, parmi ces pierres éloquentes,
le sentiment que Paris ne manquera j amais à sa vocation5.
ANATOLE FRANCE. Pierre Nozière (1899).
Примечания:
1. Праздно проводящих время перед ярмарочными комедиантами. 2. Много-
численные пункты вербовки добровольцев в армию в 1792 г. находились на площади
Дофины рядом с Новым мостом. 3. Маскарон — декоративная маска на стенах, окнах,
фонтанах и т.п. 4. Аллюзия на баррикады, которые строили из камней мостовых.
5. То есть всегда останется верным своему призванию — учить свободе.
Вопросы:
* Cherchez, par des exemples précis, à quels soulèvements populaires l'écrivain fait ici
allusion.
SAINT-GERMAIN-DES-PRÉS,
Дата добавления: 2015-08-02; просмотров: 51 | Нарушение авторских прав
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