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S'il estunefrovince éminemment française, c'est assurément l'Ile-de-France,
puisque c'est autour d'elle que s'est constituée l'unité du pays. EMILE HEN-KIOT
évoque ici dans la limpidité d'une nuit exquise, les êtres familiers, fleurs,
arbres, oiseaux, qui sont comme les témoins de sa jeunesse, de toute sa vie.
La nuit, le printemps. J'arrive: je n'y' pensais plus dans le feu des
phares", mais cette clarté sur les murs des maisons blanches, de la vieille
ferme d'ocré délavé; ce dur triangle d'ombre noire sur le côté de la tour
dans le contre-jour; et sur la prairie, cette autre ombre, molle, d'arbre
profilé, c'est la pleine lune. Magnifique ciel tout d'argent, bleuté. Le disque
blafard, éclatant, dans sa rondeur parfaite. J'éteins les phares, j'arrête le
moteur. Le merveilleux silence, tout à coup. О mon cher pays! La lune tout
entière sur toi, pour te baigner et t'éclairer, pour te faire cette nuit
lumineuse, pleine d'insensibles couleurs. La tuile rousse des toits reste
rousse; rosé la cheminée de brique; bleu sombre l'ombre au pied des arbres.
Les rosés presque noires sentent bon, et la lune met sur chacune de leurs
feuilles vernies sa goutte de lueur, diamant. Les vitres brillent, à la fenêtre
du pigeonnier. Toute la lune est dans mon jardin, la nuit est de la fête.
Comme cela sent bon: l'eau, la feuille, la brame, la mousse, l'herbe, la terre
mouillée. Je croyais percevoir délicieusement le silence. Il n'est fait que
d'un long chuintement4 dans la disparition des bruits du jour. Un très léger
vent fait un friselis5 à travers les feuilles. Je n'ose pas espérer le rossignol,
ce serait trop beau; mais ce n'en est pas la saison. Ce grand appel pourtant,
si triste: la hulotte6. Voilà cinquante ans que je la connais; elle ou les siens
qui l'ont précédée dans ce trou élevé du sycomore. Hulotte de toujours,
éternelle; qui est toujours là. Symbole de durée, illusion de ce qui ne
change pas.... Mais, hélas! ce soir je suis seul, avec mes fantômes, dans la
maison vide. Je n'ai pas fermé les volets, la lune amicale7 entre dans la
chambre.
A quelle époque vient-il donc? Voici la fin avril8, le début mai8. Il
devrait être là. C'est lui au petit jour qui me réveille: le coucou, entendu au
loin, dans le fond des bois. Le coucou.
Jules Renard9 dirait qu'il dit: «Coucou!» Moi, ce n'est pas ce chant, très
limité, qui m'intéresse. C'est ce flot en moi qu'il déclenche, aussi loin dans
mes souvenirs que dans l'éloignement, la hauteur, la voix du menu chanteur
invisible, au corps plus petit que le son puissant qu'il émet. Le coucou
chante, et c'est mon enfance étonnée, les promenades dans le petit bois, la
croisée10 au matin ouverte; et dans l'ennui de la vie si lente et comme
suspendue, où tout est encore à attendre, il y a ce chant bête et narquois",
ce bruit de la nature; et l'oiseau que je ne verrai jamais*.
EMILE henriot. Ile-de-France (1956).
Примечания:
\. Expliqué plus loin par la pleine lune. 2. De l'auto. 3. Цвета вылинявшей охры.
4. Легкий шелест, пришепетывание. 5. Трепетание, легкая дрожь. 6. Серая сова,
неясыть. У нее есть еще одно название: chat-huant. 7. Укороченная цитата из
Вергилия: amica silentia lunae. 8. Expressions courantes (sans de) dans la langue
quotidienne. 9. Жюль Ренар (1864 - 1910) — французский писатель, для стиля
которого характерна лаконичность и точность деталей. 10. Окно. 11. Иронический,
насмешливый, лукавый.
Вопросы:
* De quoi est faite la poésie de ce passage? — Essayez, en particulier, dt-montrer la
musicalité, la fluide harmonie du premier paragraphe.
LA TOURAINE,
«JARDIN DE LA FRANCE»
Elle est le cœur du pays comme Paris en est la tête. Et même, 'par le calme et
la pureté de ses paysages, par la. lenteur sinueuse des fleuves qui la traversent,
par la richesse de ses jardins et la variété de ses vignobles, par la douceur de
l'air qu'on y respire et la grâce des châteaux qui font l'honneur des bords de la
Loire, du Cher et de l'Indre, par la qualité du langage qui s'y parle, elle donne
peut-être de la France une image plus exacte, on voudrait dire plus
authentique.
Quelques-uns de ses fils, d'ailleurs, comptent parmi les plus grands écrivains
qu'ait produits la France: Rabelais, Descartes, Vigny, Balzac.
Connaissez-vous cette contrée que l'on a surnommée le jardin de la
France, ce pays où l'on respire un air si pur dans les plaines verdoyantes
arrosées par un grand fleuve? Si vous avez traversé, dans les mois d'été, la
belle Touraine,.vous aurez longtemps suivi1 la Loire paisible avec
enchantement, vous aurez regretté de ne pouvoir déterminer, entre les deux
rives, celle où vous choisirez votre demeure, pour y oublier les hommes
auprès d'un être aimé. Lorsqu'on accompagne le flot jaune et lent du beau
fleuve, on ne cesse de perdre ses regards dans les riants détails de la rive
droite. Des vallons peuplés de jolies maisons blanches qu'entourent des
bosquets, des coteaux jaunis par les vignes ou blanchis par les fleurs du
cerisier, de vieux murs couverts de chèvrefeuilles naissants, des jardins de
rosés2 d'où sort tout à coup une rosé élancée, tout rappelle la fécondité de
la terre ou l'ancienneté de ses monuments, et tout intéresse dans les œuvres
de ses habitants industrieux. Rien ne leur a été inutile: il semble que dans
leur amour d'une aussi belle patrie, seule province de France que n'occupa
jamais l'étranger3 ils n'aient pas voulu perdre le moindre espace de son
terrain, le plus léger grain de son sable. Vous croyez que cette vieille tour
démolie n'est habitée que' par des oiseaux hideux de la nuit? Non. Au bruit
de vos chevaux, la tête riante d'une jeune fille sort du lierre poudreux,
blanchi sous la poussière de la grande route; si vous gravissez un coteau
hérissé de raisins, une petite fumée vous avertit tout à coup qu'une
cheminée est à vos pieds; c'est que le rocher même est habité, et que des
familles de vignerons respirent dans ses profonds souterrains, abritées dans
la nuit par la terre nourricière qu'elles cultivent laborieusement pendant le
jour. Les Tourangeaux sont simples comme leur vie, doux comme l'air
qu'ils respirent et forts comme le sol puissant qu'ils fertilisent. On ne voit
sur leurs traits bruns ni la froide immobilité du Nord ni la vivacité
grimacière du Midi; leur visage a, comme leur caractère, quelque chose de
la candeur du vrai peuple de saint Louis (...); leur langage est le plus pur
français, sans lenteur, saris vitesse, sans accent;' le berceau de la langue est
là, près du berceau de la monarchie*.
ALFRED DE VIGNY. Cinq-Mars (1826).
Примечания:
1. Le futur antérieur, moins affirmatif que le passé composé, s'accorde ici avec l'hypo-
thèse (si...) = sans doute avez-vous suivi.. 2. Турень славится своими розами.
3. Это произведение написано в первой трети XIX в. После войны 1870 г. и во Вторую
мировую войну Турень была оккупирована немецкими войсками.
Вопросы:
*Essayes de montrer que l'a.isa.ace du style, le rythme et la douceur des phrases, leur
ampleur harmonieuse s'accordent bien avec la sérénité et la sagesse que Vigny reconnaît
aux habitants de la Touraine.
Дата добавления: 2015-08-02; просмотров: 53 | Нарушение авторских прав
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