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Chapitre XXXV. Un orage

Chapitre XXIV. Strasbourg | Chapitre XXV. Le Ministиre de la vertu | Chapitre XXVI. L’Amour moral | Chapitre XXVII. Les plus belles Places de l’Йglise | Chapitre XXVIII. Manon Lescaut | Chapitre XXIX. L’Ennui | Chapitre XXX. Une loge aux Bouffes | Chapitre XXXI. Lui faire peur | Chapitre XXXII. Le Tigre | Chapitre XXXIII. L’Enfer de la faiblesse |


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Mon Dieu, donnez-moi la mйdiocritй!

 

MIRABEAU.

 

Son вme йtait absorbйe; il ne rйpondait qu’а demi а la vive tendresse qu’elle lui tйmoignait. Il restait silencieux et sombre. Jamais il n’avait paru si grand, si adorable aux yeux de Mathilde. Elle redoutait quelque subtilitй de son orgueil qui viendrait dйranger toute la position.

 

Presque tous les matins, elle voyait l’abbй Pirard arriver а l’hфtel. Par lui Julien ne pouvait-il pas avoir pйnйtrй quelque chose des intentions de son pиre? Le marquis lui-mкme, dans un moment de caprice, ne pouvait-il pas lui avoir йcrit? Aprиs un aussi grand bonheur, comment expliquer l’air sйvиre de Julien? Elle n’osa l’interroger.

 

Elle n’osa! elle, Mathilde! Il y eut dиs ce moment, dans son sentiment pour Julien, du vague, de l’imprйvu, presque de la terreur. Cette вme sиche sentit de la passion tout ce qui en est possible dans un кtre йlevй au milieu de cet excиs de civilisation que Paris admire.

 

Le lendemain de grand matin, Julien йtait au presbytиre de l’abbй Pirard. Des chevaux de poste arrivaient dans la cour avec une chaise dйlabrйe, louйe а la poste voisine.

 

– Un tel йquipage n’est plus de saison, lui dit le sйvиre abbй, d’un air rechignй. Voici vingt mille francs dont M. de La Mole vous fait cadeau; il vous engage а les dйpenser dans l’annйe, mais en tвchant de vous donner le moins de ridicules possibles. (Dans une somme aussi forte, jetйe а un jeune homme, le prкtre ne voyait qu’une occasion de pйcher.)

 

Le marquis ajoute: M. Julien de La Vernaye aura reзu cet argent de son pиre, qu’il est inutile de dйsigner autrement. M. de La Vernaye jugera peut-кtre convenable de faire un cadeau а M. Sorel, charpentier а Verriиres, qui soigna son enfance… Je pourrai me charger de cette partie de la commission, ajouta l’abbй; j’ai enfin dйterminй M. de La Mole а transiger avec cet abbй de Frilair, si jйsuite. Son crйdit est dйcidйment trop fort pour le nфtre. La reconnaissance implicite de votre haute naissance par cet homme qui gouverne Besanзon sera une des conditions tacites de l’arrangement.

 

Julien ne fut plus maоtre de son transport, il embrassa l’abbй, il se voyait reconnu.

 

– Fi donc! dit M. Pirard en le repoussant; que veut dire cette vanitй mondaine?… Quant а Sorel et а ses fils, je leur offrirai, en mon nom, une pension annuelle de cinq cents francs, qui leur sera payйe а chacun, tant que je serai content d’eux.

 

Julien йtait dйjа froid et hautain. Il remercia, mais en termes trиs vagues et n’engageant а rien. Serait-il bien possible, se disait-il, que je fusse le fils naturel de quelque grand seigneur exilй dans nos montagnes par le terrible Napolйon? А chaque instant cette idйe lui semblait moins improbable… Ma haine pour mon pиre serait une preuve… Je ne serais plus un monstre!

 

Peu de jours aprиs ce monologue, le quinziиme rйgiment de hussards, l’un des plus brillants de l’armйe, йtait en bataille sur la place d’armes de Strasbourg. M. le chevalier de La Vernaye montait le plus beau cheval de l’Alsace, qui lui avait coыtй six mille francs. Il йtait reзu lieutenant, sans avoir jamais йtй sous-lieutenant que sur les contrфles d’un rйgiment dont jamais il n’avait ouп parler.

 

Son air impassible, ses yeux sйvиres et presque mйchants, sa pвleur, son inaltйrable sang-froid commencиrent sa rйputation dиs le premier jour. Peu aprиs, sa politesse parfaite et pleine de mesure, son adresse au pistolet et aux armes, qu’il fit connaоtre sans trop d’affectation, йloignиrent l’idйe de plaisanter а haute voix sur son compte. Aprиs cinq ou six jours d’hйsitation, l’opinion publique du rйgiment se dйclara en sa faveur. Il y a tout dans ce jeune homme, disaient les vieux officiers goguenards, exceptй de la jeunesse.

 

De Strasbourg, Julien йcrivit а M. Chйlan, l’ancien curй de Verriиres, qui touchait maintenant aux bornes de l’extrкme vieillesse:

 

«Vous aurez appris avec une joie dont je ne doute pas les йvйnements qui ont portй ma famille а m’enrichir. Voici cinq cents francs que je vous prie de distribuer sans bruit, ni mention aucune de mon nom, aux malheureux pauvres maintenant comme je le fus autrefois, et que sans doute vous secourez comme autrefois vous m’avez secouru.»

 

Julien йtait ivre d’ambition et non pas de vanitй; toutefois il donnait une grande part de son attention а l’apparence extйrieure. Ses chevaux, ses uniformes, les livrйes de ses gens йtaient tenus avec une correction qui aurait fait honneur а la ponctualitй d’un grand seigneur anglais. А peine lieutenant, par faveur et depuis deux jours, il calculait dйjа que, pour commander en chef а trente ans, au plus tard, comme tous les grands gйnйraux, il fallait а vingt-trois кtre plus que lieutenant. Il ne pensait qu’а la gloire et а son fils.

 

Ce fut au milieu des transports de l’ambition la plus effrйnйe qu’il fut surpris par un jeune valet de pied de l’hфtel de La Mole, qui arrivait en courrier.

 

«Tout est perdu, lui йcrivait Mathilde; accourez le plus vite possible, sacrifiez tout, dйsertez s’il le faut. А peine arrivй, attendez-moi dans un fiacre, prиs la petite porte du jardin, au n°… de la rue… J’irai vous parler; peut-кtre pourrai-je vous introduire dans le jardin. Tout est perdu, et je le crains, sans ressource; comptez sur moi, vous me trouverez dйvouйe et ferme dans l’adversitй. Je vous aime.»

 

En quelques minutes, Julien obtint une permission du colonel et partit de Strasbourg а franc йtrier; mais l’affreuse inquiйtude qui le dйvorait ne lui permit pas de continuer cette faзon de voyager au delа de Metz. Il se jeta dans une chaise de poste; et ce fut avec une rapiditй presque incroyable qu’il arriva au lieu indiquй, prиs de la petite porte du jardin de l’hфtel de La Mole. Cette porte s’ouvrit, et а l’instant Mathilde, oubliant tout respect humain, se prйcipitй dans ses bras. Heureusement, il n’йtait que cinq heures du matin et la rue йtait encore dйserte.

 

– Tout est perdu; mon pиre, craignant mes larmes, est parti dans la nuit de jeudi. Pour oщ? Personne ne le sait. Voici sa lettre; lisez. Et elle monta dans le fiacre avec Julien.

 

«Je pouvais tout pardonner, exceptй le projet de vous sйduire parce que vous кtes riche. Voilа, malheureuse fille, l’affreuse vйritй. Je vous donne ma parole d’honneur que je ne consentirai jamais а un mariage avec cet homme. Je lui assure dix mille livres de rente s’il veut vivre au loin, hors des frontiиres de France, ou mieux encore en Amйrique. Lisez la lettre que je reзois en rйponse aux renseignements que j’avais demandйs. L’impudent m’avait engagй lui-mкme а йcrire а Mme de Rкnal. Jamais je ne lirai une ligne de vous relative а cet homme. Je prends en horreur Paris et vous. Je vous engage а recouvrir du plus grand secret ce qui doit arriver. Renoncez franchement а un homme vil, et vous retrouverez un pиre.»

 

– Oщ est la lettre de Mme de Rкnal? dit froidement Julien.

 

– La voici. Je n’ai voulu te la montrer qu’aprиs que tu aurais йtй prйparй.

 

LETTRE

 

«Ce que je dois а la cause sacrйe de la religion et de la morale m’oblige, monsieur, а la dйmarche pйnible que je viens accomplir auprиs de vous; une rиgle, qui ne peut faillir, m’ordonne de nuire en ce moment а mon prochain, mais afin d’йviter un plus grand scandale. La douleur que j’йprouve doit кtre surmontйe par le sentiment du devoir. Il n’est que trop vrai, monsieur, la conduite de la personne au sujet de laquelle vous me demandez toute la vйritй a pu sembler inexplicable ou mкme honnкte. On a pu croire convenable de cacher ou de dйguiser une partie de la rйalitй, la prudence le voulait aussi bien que la religion. Mais cette conduite, que vous dйsirez connaоtre, a йtй dans le fait extrкmement condamnable, et plus que je ne puis le dire. Pauvre et avide, c’est а l’aide de l’hypocrisie la plus consommй, et par la sйduction d’une femme faible et malheureuse, que cet homme a cherchй а se faire un йtat et а devenir quelque chose. C’est une partie de mon pйnible devoir d’ajouter que je suis obligйe de croire que M. J… n’a aucun principe de religion. En conscience, je suis contrainte de penser qu’un de ses moyens pour rйussir dans une maison, est de chercher а sйduire la femme qui a le principal crйdit. Couvert par une apparence de dйsintйressement et par des phrases de roman, son grand et unique objet est de parvenir а disposer du maоtre de la maison et de sa fortune. Il laisse aprиs lui le malheur et des regrets йternels», etc., etc., etc.

 

Cette lettre extrкmement longue et а demi effacйe par des larmes йtait bien de la main de Mme de Rкnal; elle йtait mкme йcrite avec plus de soin qu’а l’ordinaire.

 

– Je ne puis blвmer M. de La Mole, dit Julien, aprиs l’avoir finie; il est juste et prudent. Quel pиre voudrait donner sa fille chйrie а un tel homme! Adieu!

 

Julien sauta а bas du fiacre et courut а sa chaise de poste arrкtйe au bout de la rue. Mathilde, qu’il semblait avoir oubliйe, fit quelques pas pour le suivre; mais les regards des marchands qui s’avanзaient sur la porte de leurs boutiques, et desquels elle йtait connue, la forcиrent а rentrer prйcipitamment au jardin.

 

Julien йtait parti pour Verriиres. Dans cette route rapide, il ne put йcrire а Mathilde comme il en avait le projet, sa main ne formait sur le papier que des traits illisibles.

 

Il arriva а Verriиres un dimanche matin. Il entra chez l’armurier du pays, qui l’accabla de compliments sur sa rйcente fortune. C’йtait la nouvelle du pays.

 

Julien eut beaucoup de peine а lui faire comprendre qu’il voulait une paire de pistolets. L’armurier sur sa demande chargea les pistolets.

 

Les trois coups sonnaient; c’est un signal bien connu dans les villages de France et qui, aprиs les diverses sonneries de la matinйe, annonce le commencement immйdiat de la messe.

 

Julien entra dans l’йglise neuve de Verriиres. Toutes les fenкtres hautes de l’йdifice йtaient voilйes avec des rideaux cramoisis. Julien se trouva а quelques pas derriиre le banc de Mme de Rкnal. Il lui sembla qu’elle priait avec ferveur. La vue de cette femme qui l’avait tant aimй fit trembler le bras de Julien d’une telle faзon, qu’il ne put d’abord exйcuter son dessein. Je ne le puis, se disait-il а lui-mкme; physiquement, je ne le puis.

 

En ce moment, le jeune clerc qui servait la messe sonna pour l’йlйvation. Mme de Rкnal baissa la tкte qui un instant se trouva presque entiиrement cachйe par les plis de son chвle. Julien ne la reconnaissait plus aussi bien; il tira sur elle un coup de pistolet et la manqua; il tira un second coup, elle tomba.


Дата добавления: 2015-11-14; просмотров: 32 | Нарушение авторских прав


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