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Chapitre XXXII. Le Tigre

Chapitre XXI. La Note secrиte | Chapitre XXII. La Discussion | Chapitre XXIII. Le Clergй, les Bois, la Libertй | Chapitre XXIV. Strasbourg | Chapitre XXV. Le Ministиre de la vertu | Chapitre XXVI. L’Amour moral | Chapitre XXVII. Les plus belles Places de l’Йglise | Chapitre XXVIII. Manon Lescaut | Chapitre XXIX. L’Ennui | Chapitre XXX. Une loge aux Bouffes |


Читайте также:
  1. Chapitre I La ligne
  2. Chapitre II Les camarades
  3. Chapitre II. Entrйe dans le monde
  4. Chapitre II. Un maire
  5. Chapitre III L’Avion
  6. Chapitre III. Le Bien des pauvres
  7. Chapitre III. Les Premiers pas

 

Hйlas! pourquoi ces choses et non pas d’autres?

 

BEAUMARCHAIS.

 

Un voyageur anglais raconte l’intimitй oщ il vivait avec un tigre; il l’avait йlevй et le caressait, mais toujours sur sa table tenait un pistolet armй.

 

Julien ne s’abandonnait а l’excиs de son bonheur que dans les instants oщ Mathilde ne pouvait en lire l’expression dans ses yeux. Il s’acquittait avec exactitude du devoir de lui dire de temps а autre quelque mot dur.

 

Quand la douceur de Mathilde, qu’il observait avec йtonnement, et l’excиs de son dйvouement йtaient sur le point de lui фter tout empire sur lui-mкme, il avait le courage de la quitter brusquement.

 

Pour la premiиre fois Mathilde aima.

 

La vie, qui toujours pour elle s’йtait traоnйe а pas de tortue, volait maintenant.

 

Comme il fallait cependant que l’orgueil se fоt jour de quelque faзon, elle voulait s’exposer avec tйmйritй а tous les dangers que son amour pouvait lui faire courir. C’йtait Julien qui avait de la prudence; et c’йtait seulement quand il йtait question de danger qu’elle ne cйdait pas а sa volontй; mais soumise et presque humble avec lui, elle n’en montrait que plus de hauteur envers tout ce qui dans la maison l’approchait, parents ou valets.

 

Le soir au salon, au milieu de soixante personnes, elle appelait Julien pour lui parler en particulier et longtemps.

 

Le petit Tanbeau s’йtablissant un jour а cфtй d’eux, elle le pria d’aller lui chercher dans la bibliothиque le volume de Smollett oщ se trouve la rйvolution de 1688; et comme il hйsitait: – Que rien ne vous presse, ajouta-t-elle avec une expression d’insultante hauteur qui fut un baume pour l’вme de Julien.

 

– Avez-vous remarquй le regard de ce petit monstre? lui dit-il.

 

– Son oncle a dix ou douze ans de service dans ce salon, sans quoi je le ferais chasser а l’instant.

 

Sa conduite envers MM. de Croisenois, de Luz, etc., parfaitement polie pour la forme, n’йtait guиre moins provocante au fond. Mathilde se reprochait vivement toutes les confidences faites jadis а Julien, et d’autant plus qu’elle n’osait lui avouer qu’elle avait exagйrй les marques d’intйrкt presque tout а fait innocentes dont ces messieurs avaient йtй l’objet.

 

Malgrй les plus belles rйsolutions, sa fiertй de femme l’empкchait tous les jours de dire а Julien: C’est parce que je parlais а vous que je trouvais du plaisir а dйcrire la faiblesse que j’avais de ne pas retirer ma main, lorsque M. de Croisenois posant la sienne sur une table de marbre venait а l’effleurer un peu.

 

Aujourd’hui, а peine un de ces messieurs lui parlait-il quelques instants, qu’elle se trouvait avoir une question а faire а Julien, et c’йtait un prйtexte pour le retenir auprиs d’elle.

 

Elle se trouva enceinte et l’apprit avec joie а Julien.

 

– Maintenant douterez-vous de moi? N’est-ce pas une garantie? Je suis votre йpouse а jamais.

 

Cette annonce frappa Julien d’un йtonnement profond. Il fut sur le point d’oublier le principe de sa conduite. Comment кtre volontairement froid et offensant envers cette pauvre jeune fille qui se perd pour moi? Avait-elle l’air un peu souffrant, mкme les jours oщ la sagesse faisait entendre sa voix terrible, il ne se trouvait plus le courage de lui adresser un de ces mots cruels si indispensables, selon son expйrience, а la durйe de leur amour.

 

– Je veux йcrire а mon pиre, lui dit un jour Mathilde; c’est plus qu’un pиre pour moi, c’est un ami: comme tel je trouverais indigne de vous et de moi de chercher а le tromper, ne fыt-ce qu’un instant.

 

– Grand Dieu! Qu’allez-vous faire? dit Julien effrayй.

 

– Mon devoir, rйpondit-elle avec des yeux brillants de joie.

 

Elle se trouvait plus magnanime que son amant.

 

– Mais il me chassera avec ignominie!

 

– C’est son droit, il faut le respecter. Je vous donnerai le bras et nous sortirons par la porte cochиre, en plein midi.

 

Julien йtonnй la pria de diffйrer d’une semaine.

 

– Je ne puis, rйpondit-elle, l’honneur parle, j’ai vu le devoir, il faut le suivre, et а l’instant.

 

– Eh bien! je vous ordonne de diffйrer, dit enfin Julien. Votre honneur est а couvert, je suis votre йpoux. Notre йtat а tous les deux va кtre changй par cette dйmarche capitale. Je suis aussi dans mon droit. C’est aujourd’hui mardi; mardi prochain c’est le jour du duc de Retz; le soir, quand M. de La Mole rentrera, le portier lui remettra la lettre fatale… Il ne pense qu’а vous faire duchesse, j’en suis certain, jugez de son malheur!

 

– Voulez-vous dire: jugez de sa vengeance?

 

– Je puis avoir pitiй de mon bienfaiteur, кtre navrй de lui nuire; mais je ne crains et ne craindrai jamais personne.

 

Mathilde se soumit. Depuis qu’elle avait annoncй son nouvel йtat а Julien, c’йtait la premiиre fois qu’il lui parlait avec autoritй; jamais il ne l’avait tant aimйe. C’йtait avec bonheur que la partie tendre de son вme saisissait le prйtexte de l’йtat oщ se trouvait Mathilde pour se dispenser de lui adresser des mots cruels. L’aveu а M. de La Mole l’agita profondйment. Allait-il кtre sйparй de Mathilde? Et avec quelque douleur qu’elle le vоt partir, un mois aprиs son dйpart, songerait-elle а lui?

 

Il avait une horreur presque йgale des justes reproches que le marquis pouvait lui adresser.

 

Le soir, il avoua а Mathilde ce second sujet de chagrin, et ensuite йgarй par son amour il fit aussi l’aveu du premier.

 

Elle changea de couleur.

 

Rйellement, lui dit-elle, six mois passйs loin de moi seraient un malheur pour vous!

 

– Immense, le seul au monde que je voie avec terreur.

 

Mathilde fut bien heureuse. Julien avait suivi son rфle avec tant d’application qu’il йtait parvenu а lui faire penser qu’elle йtait celle des deux qui avait le plus d’amour.

 

Le mardi fatal arriva. А minuit, en rentrant, le marquis trouva une lettre avec l’adresse qu’il fallait pour qu’il l’ouvrоt lui-mкme, et seulement quand il serait sans tйmoins.

 

«Mon pиre,

 

Tous les liens sociaux sont rompus entre nous, il ne reste plus que ceux de la nature. Aprиs mon mari, vous кtes et serez toujours l’кtre qui me sera le plus cher. Mes yeux se remplissent de larmes, je songe а la peine que je vous cause, mais pour que ma honte ne soit pas publique, pour vous laisser le temps de dйlibйrer et d’agir, je n’ai pu diffйrer plus longtemps l’aveu que je vous dois. Si votre amitiй, que je sais кtre extrкme pour moi, veut m’accorder une petite pension, j’irai m’йtablir oщ vous voudrez, en Suisse par exemple, avec mon mari. Son nom est tellement obscur, que personne ne reconnaоtra votre fille dans Mme Sorel, belle-fille d’un charpentier de Verriиres. Voilа ce nom qui m’a fait tant de peine а йcrire. Je redoute pour Julien votre colиre si juste en apparence. Je ne serai pas duchesse, mon pиre; mais je le savais en l’aimant; car c’est moi qui l’ai aimй la premiиre, c’est moi qui l’ai sйduit. Je tiens de vous une вme trop йlevйe pour arrкter mon attention а ce qui est ou me semble vulgaire. C’est en vain que dans le dessein de vous plaire j’ai songй а M. de Croisenois. Pourquoi aviez-vous placй le vrai mйrite sous mes yeux? Vous me l’avez dit vous-mкme а mon retour d’Hyиres: ce jeune Sorel est le seul кtre qui m’amuse; le pauvre garзon est aussi affligй que moi, s’il est possible, de la peine que vous fait cette lettre. Je ne puis empкcher que vous ne soyez irritй comme pиre; mais aimez-moi toujours comme ami.

 

Julien me respectait. S’il me parlait quelquefois, c’йtait uniquement а cause de sa profonde reconnaissance pour vous: car la hauteur naturelle de son caractиre le porte а ne jamais rйpondre qu’officiellement а tout ce qui est tellement au-dessus de lui. Il a un sentiment vif et innй de la diffйrence des positions sociales. C’est moi, je l’avoue, en rougissant, а mon meilleur ami, et jamais un tel aveu ne sera fait а un autre, c’est moi qui un jour au jardin lui ai serrй le bras.

 

Aprиs vingt-quatre heures, pourquoi seriez-vous irritй contre lui? Ma faute est irrйparable. Si vous l’exigez, c’est par moi que passeront les assurances de son profond respect et de son dйsespoir de vous dйplaire. Vous ne le verrez point; mais j’irai le rejoindre oщ il voudra. C’est son droit, c’est mon devoir, il est le pиre de mon enfant. Si votre bontй veut bien nous accorder six mille francs pour vivre, je les recevrai avec reconnaissance: sinon Julien compte s’йtablir а Besanзon oщ il commencera le mйtier de maоtre de latin et de littйrature. De quelques bas degrй qu’il parte, j’ai la certitude qu’il s’йlиvera. Avec lui je ne crains pas l’obscuritй. S’il y a rйvolution, je suis sыre pour lui d’un premier rфle. Pourriez-vous en dire autant d’aucun de ceux qui ont demandй ma main? Ils ont de belles terres! Je ne puis trouver dans cette seule circonstance une raison pour admirer. Mon Julien attendrait une haute position mкme sous le rйgime actuel, s’il avait un million et la protection de mon pиre…»

 

Mathilde, qui savait que le marquis йtait un homme tout de premier mouvement, avait йcrit huit pages.

 

– Que faire? se disait Julien pendant que M. de La Mole lisait cette lettre; oщ est I° mon devoir, 2° mon intйrкt? Ce que je lui dois est immense; j’eusse йtй sans lui un coquin subalterne, et pas assez coquin pour n’кtre pas haп et persйcutй par les autres. Il m’a fait un homme du monde. Mes coquineries nйcessaires seront I° plus rares, 2° moins ignobles. Cela est plus que s’il m’eыt donnй un million. Je lui dois cette croix et l’apparence de services diplomatiques qui me tirent du pair.

 

S’il tenait la plume pour prescrire ma conduite, qu’est-ce qu’il йcrirait?…

 

Julien fut brusquement interrompu par le vieux valet de chambre de M. de La Mole.

 

– Le marquis vous demande а l’instant, vкtu ou non vкtu.

 

Le valet ajouta а voix basse en marchant а cфtй de Julien:

 

– Il est hors de lui, prenez garde а vous.


Дата добавления: 2015-11-14; просмотров: 40 | Нарушение авторских прав


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