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Chapitre XXXI. Lui faire peur

Chapitre XX. Le Vase du Japon | Chapitre XXI. La Note secrиte | Chapitre XXII. La Discussion | Chapitre XXIII. Le Clergй, les Bois, la Libertй | Chapitre XXIV. Strasbourg | Chapitre XXV. Le Ministиre de la vertu | Chapitre XXVI. L’Amour moral | Chapitre XXVII. Les plus belles Places de l’Йglise | Chapitre XXVIII. Manon Lescaut | Chapitre XXIX. L’Ennui |


Читайте также:
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  2. Chapitre II Les camarades
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  4. Chapitre II. Un maire
  5. Chapitre III L’Avion
  6. Chapitre III. Le Bien des pauvres
  7. Chapitre III. Les Premiers pas

 

Voilа donc le beau miracle de votre civilisation! De l’amour vous avez fait une affaire ordinaire.

 

BARNAVE.

 

Julien courut dans la loge de Mme de La Mole. Ses yeux rencontrиrent d’abord les yeux en larmes de Mathilde; elle pleurait sans nulle retenue, il n’y avait lа que des personnages subalternes, l’amie qui avait prкtй la loge et des hommes de sa connaissance. Mathilde posa sa main sur celle de Julien; elle avait comme oubliй toute crainte de sa mиre. Presque йtouffйe par ses larmes, elle ne lui dit que ce seul mot: des garanties!

 

Au moins, que je ne lui parle pas, se disait Julien fort йmu lui-mкme et se cachant tant bien que mal les yeux avec la main, sous prйtexte du lustre qui йblouit le troisiиme rang de loges. Si je parle, elle ne peut plus douter de l’excиs de mon йmotion, le son de ma voix me trahira, tout peut кtre perdu encore.

 

Ses combats йtaient bien plus pйnibles que le matin, son вme avait eu le temps de s’йmouvoir. Il craignait de voir Mathilde se piquer de vanitй. Ivre d’amour et de voluptй, il prit sur lui de ne pas lui parler.

 

C’est, selon moi, l’un des plus beaux traits de son caractиre; un кtre capable d’un tel effort sur lui-mкme peut aller loin, si fata sinant.

 

Mlle de La Mole insista pour ramener Julien а l’hфtel. Heureusement il pleuvait beaucoup. Mais la marquise le fit placer vis-а-vis d’elle, lui parla constamment et empкcha qu’il ne pыt dire un mot а sa fille. On eыt pensй que la marquise soignait le bonheur de Julien; ne craignant plus de tout perdre par l’excиs de son йmotion, il s’y livrait avec folie.

 

Oserai-je dire qu’en rentrant dans sa chambre, Julien se jeta а genoux et couvrit de baisers les lettres d’amour donnйes par le prince Korasoff?

 

O grand homme! que ne te dois-je pas? s’йcria-t-il dans sa folie.

 

Peu а peu quelque sang-froid lui revint. Il se compara а un gйnйral qui vient de gagner а demi une grande bataille. L’avantage est certain, immense, se dit-il; mais que se passera-t-il demain? un instant peut tout perdre.

 

Il ouvrit d’un mouvement passionnй les Mйmoires dictйs а Sainte-Hйlиne par Napolйon, et pendant deux longues heures se forзa а les lire; ses yeux seuls lisaient, n’importe, il s’y forзait. Pendant cette singuliиre lecture, sa tкte et son cњur, montйs au niveau de tout ce qu’il y a de plus grand, travaillaient а son insu. Ce cњur est bien diffйrent de celui de Mme de Rкnal, se disait-il, mais il n’allait pas plus loin.

 

LUI FAIRE PEUR, s’йcria-t-il tout а coup en jetant le livre au loin. L’ennemi ne m’obйira qu’autant que je lui ferai peur, alors il n’osera me mйpriser.

 

Il se promenait dans sa petite chambre, ivre de joie. А la vйritй, ce bonheur йtait plus d’orgueil que d’amour.

 

Lui faire peur! se rйpйtait-il fiиrement, et il avait raison d’кtre fier. Mкme dans ses moments les plus heureux, Mme de Rкnal doutait toujours que mon amour fыt йgal au sien. Ici, c’est un dйmon que je subjugue, donc il faut subjuguer.

 

Il savait bien que le lendemain dиs huit heures du matin, Mathilde serait а la bibliothиque; il n’y parut qu’а neuf heures, brыlant d’amour, mais sa tкte dominait son cњur. Une seule minute peut-кtre ne se passa pas sans qu’il ne se rйpйtвt: La tenir toujours occupйe de ce grand doute: M’aime-t-il? Sa brillante position, les flatteries de tout ce qui lui parle la portent un peu trop а se rassurer.

 

Il la trouva pвle, calme, assise sur le divan, mais hors d’йtat apparemment de faire un seul mouvement. Elle lui tendit la main:

 

– Ami, je t’ai offensй, il est vrai; tu peux кtre fвchй contre moi?…

 

Julien ne s’attendait pas а ce ton si simple. Il fut sur le point de se trahir.

 

– Vous voulez des garanties, mon ami, ajouta-t-elle aprиs un silence qu’elle avait espйrй voir rompre; il est juste. Enlevez-moi, partons pour Londres… Je serai perdue а jamais, dйshonorйe… Elle eut le courage de retirer sa main а Julien pour s’en couvrir les yeux. Tous les sentiments de retenue et de vertu fйminine йtaient rentrйs dans cette вme… Eh bien! dйshonorez-moi, dit-elle enfin avec un soupir, c’est une garantie.

 

Hier j’ai йtй heureux parce que j’ai eu le courage d’кtre sйvиre avec moi-mкme, pensa Julien. Aprиs un petit moment de silence, il eut assez d’empire sur son cњur pour dire d’un ton glacial:

 

– Une fois en route pour Londres, une fois dйshonorйe, pour me servir de vos expressions, qui me rйpond que vous m’aimerez? que ma prйsence dans la chaise de poste ne vous semblera point importune? Je ne suis pas un monstre, vous avoir perdue dans l’opinion ne sera pour moi qu’un malheur de plus. Ce n’est pas votre position avec le monde qui fait obstacle, c’est par malheur votre caractиre. Pouvez-vous vous rйpondre а vous-mкme que vous m’aimerez huit jours?

 

(Ah! qu’elle m’aime huit jours, huit jours seulement, se disait tout bas Julien, et j’en mourrai de bonheur. Que m’importe l’avenir, que m’importe la vie? et ce bonheur divin peut commencer en cet instant si je veux, il ne dйpend que de moi!)

 

Mathilde le vit pensif.

 

– Je suis donc tout а fait indigne de vous, dit-elle en lui prenant la main.

 

Julien l’embrassa, mais а l’instant la main de fer du devoir saisit son cњur. Si elle voit combien je l’adore, je la perds. Et, avant de quitter ses bras, il avait repris toute la dignitй qui convient а un homme.

 

Ce jour-lа et les suivants, il sut cacher l’excиs de sa fйlicitй; il y eut des moments oщ il se refusait jusqu’au plaisir de la serrer dans ses bras.

 

Dans d’autres instants, le dйlire du bonheur l’emportait sur tous les conseils de la prudence.

 

C’йtait auprиs d’un berceau de chиvrefeuilles disposй pour cacher l’йchelle, dans le jardin, qu’il avait coutume d’aller se placer pour regarder de loin la persienne de Mathilde et pleurer son inconstance. Un fort grand chкne йtait tout prиs, et le tronc de cet arbre l’empкchait d’кtre vu des indiscrets.

 

Passant avec Mathilde dans ce mкme lieu qui lui rappelait si vivement l’excиs de son malheur, le contraste du dйsespoir passй et de la fйlicitй prйsente fut trop fort pour son caractиre; des larmes inondиrent ses yeux, et, portant а ses lиvres la main de son amie: – Ici, je vivais en pensant а vous; ici, je regardais cette persienne, j’attendais des heures entiиres le moment fortunй oщ je verrais cette main l’ouvrir…

 

Sa faiblesse fut complиte. Il lui peignit avec ces couleurs vraies qu’on n’invente point l’excиs de son dйsespoir d’alors. De courtes interjections tйmoignaient de son bonheur actuel qui avait fait cesser cette peine atroce…

 

Que fais-je, grand Dieu! se dit Julien revenant а lui tout а coup. Je me perds.

 

Dans l’excиs de son alarme, il crut dйjа voir moins d’amour dans les yeux de Mlle de La Mole. C’йtait une illusion; mais la figure de Julien changea rapidement et se couvrit d’une pвleur mortelle. Ses yeux s’йteignirent un instant, et l’expression d’une hauteur non exempte de mйchancetй succйda bientфt а celle de l’amour le plus vrai et le plus abandonnй.

 

– Qu’avez-vous donc, mon ami? lui dit Mathilde avec tendresse et inquiйtude.

 

– Je mens, dit Julien avec humeur, et je mens а vous. Je me le reproche, et cependant Dieu sait que je vous estime assez pour ne pas mentir. Vous m’aimez, vous m’кtes dйvouйe, et je n’ai pas besoin de faire des phrases pour vous plaire.

 

– Grand Dieu! ce sont des phrases que tout ce que vous me dites de ravissant depuis deux minutes?

 

– Et je me les reproche vivement, chиre amie. Je les ai composйes autrefois pour une femme qui m’aimait et m’ennuyait… C’est le dйfaut de mon caractиre, je me dйnonce moi-mкme а vous, pardonnez-moi.

 

Des larmes amиres inondaient les joues de Mathilde.

 

– Dиs que, par quelque nuance qui m’a choquй, j’ai un moment de rкverie forcйe, continuait Julien, mon exйcrable mйmoire, que je maudis en ce moment, m’offre une ressource et j’en abuse.

 

– Je viens donc de tomber а mon insu dans quelque action qui vous aura dйplu? dit Mathilde avec une naпvetй charmante.

 

– Un jour, je m’en souviens, passant prиs de ces chиvrefeuilles, vous avez cueilli une fleur, M. de Luz vous l’a prise, et vous la lui avez laissйe. J’йtais а deux pas.

 

– M. de Luz? C’est impossible, reprit Mathilde, avec la hauteur qui lui йtait si naturelle: je n’ai point ces faзons.

 

– J’en suis sыr, rйpliqua vivement Julien.

 

– Eh bien! il est vrai, mon ami, dit Mathilde en baissant les yeux tristement. Elle savait positivement que depuis bien des mois elle n’avait pas permis une telle action а M. de Luz.

 

Julien la regarda avec une tendresse inexprimable: Non, se dit-il, elle ne m’aime pas moins.

 

Elle lui reprocha le soir, en riant, son goыt pour Mme de Fervaques: un bourgeois aimer une parvenue! Les cњurs de cette espиce sont peut-кtre les seuls que mon Julien ne puisse rendre fou. Elle avait fait de vous un vrai dandy, disait-elle en jouant avec ses cheveux.

 

Dans le temps qu’il se croyait mйprisй de Mathilde, Julien йtait devenu l’un des hommes les mieux mis de Paris. Mais encore avait-il un avantage sur les gens de cette espиce; une fois sa toilette arrangйe, il n’y songeait plus.

 

Une chose piquait Mathilde, Julien continuait а copier les lettres russes, et а les envoyer а la marйchale.


Дата добавления: 2015-11-14; просмотров: 43 | Нарушение авторских прав


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