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Chapitre XXVIII. Manon Lescaut

Chapitre XVII. Une vieille йpйe | Chapitre XVIII. Moments cruels | Chapitre XIX. L’Opйra Bouffe | Chapitre XX. Le Vase du Japon | Chapitre XXI. La Note secrиte | Chapitre XXII. La Discussion | Chapitre XXIII. Le Clergй, les Bois, la Libertй | Chapitre XXIV. Strasbourg | Chapitre XXV. Le Ministиre de la vertu | Chapitre XXVI. L’Amour moral |


Читайте также:
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  4. Chapitre II. Un maire
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  6. Chapitre III. Le Bien des pauvres
  7. Chapitre III. Les Premiers pas

 

Or, une fois qu’il fut bien convaincu de la sottise et вnerie du prieur, il rйussissait assez ordinairement en appelant noir ce qui йtait blanc, et blanc ce qui йtait noir.

 

LICHTEMBERG.

 

Les instructions russes prescrivaient impйrieusement de ne jamais contredire de vive voix la personne а qui on йcrivait. On ne devait s’йcarter sous aucun prйtexte du rфle de l’admiration la plus extatique; les lettres partaient toujours de cette supposition.

 

Un soir, а l’Opйra, dans la loge de Mme de Fervaques, Julien portait aux nues le ballet de Manon Lescaut. Sa seule raison pour parler ainsi, c’est qu’il le trouvait insignifiant.

 

La marйchale dit que ce ballet йtait bien infйrieur au roman de l’abbй Prйvost.

 

Comment! pensa Julien йtonnй et amusй, une personne d’une si haute vertu vanter un roman! Mme de Fervaques faisait profession, deux ou trois fois la semaine, du mйpris le plus complet pour les йcrivains qui, au moyen de ces plats ouvrages, cherchent а corrompre une jeunesse qui n’est, hйlas! que trop disposйe aux erreurs des sens.

 

Dans ce genre immoral et dangereux, Manon Lescaut, continua la marйchale, occupe, dit-on, un des premiers rangs. Les faiblesses et les angoisses mйritйes d’un cњur bien criminel y sont, dit-on, dйpeintes avec une vйritй qui a de la profondeur; ce qui n’empкche pas votre Bonaparte de prononcer а Sainte-Hйlиne que c’est un roman йcrit pour des laquais.

 

Ce mot rendit toute son activitй а l’вme de Julien. On a voulu me perdre auprиs de la marйchale; on lui a dit mon enthousiasme pour Napolйon. Ce fait l’a assez piquйe pour qu’elle cиde а la tentation de me le faire sentir. Cette dйcouverte l’amusa toute la soirйe et le rendit amusant. Comme il prenait congй de la marйchale sous le vestibule de l’Opйra: «– Souvenez-vous, monsieur, lui dit-elle, qu’il ne faut pas aimer Bonaparte quand on m’aime; on peut tout au plus l’accepter comme une nйcessitй imposйe par la Providence. Du reste, cet homme n’avait pas l’вme assez flexible pour sentir les chefs-d’њuvre des arts.»

 

Quand on m’aime! se rйpйtait Julien; cela ne veut rien dire, ou veut tout dire. Voilа des secrets de langage qui manquent а nos pauvres provinciaux. Et il songea beaucoup а Mme de Rкnal, en copiant une lettre immense destinйe а la marйchale.

 

– Comment se fait-il, lui dit-elle le lendemain d’un air d’indiffйrence qu’il trouva mal jouй, que vous me parliez de Londres et de Richmond dans une lettre que vous avez йcrite hier soir, а ce qu’il semble, au sortir de l’Opйra?

 

Julien fut trиs embarrassй; il avait copiй ligne par ligne, sans songer а ce qu’il йcrivait, et apparemment avait oubliй de substituer aux mots Londres et Richmond, qui se trouvaient dans l’original, ceux de Paris et Saint-Cloud. Il commenзa deux ou trois phrases, mais sans possibilitй de les achever; il se sentait sur le point de cйder au rire fou. Enfin, en cherchant ses mots, il parvint а cette idйe: Exaltй par la discussion des plus sublimes, des plus grands intйrкts de l’вme humaine, la mienne, en vous йcrivant, a pu avoir une distraction.

 

Je produis une impression, se dit-il, dont je puis m’йpargner l’ennui du reste de la soirйe. Il sortit en courant de l’hфtel de Fervaques. Le soir, en revoyant l’original de la lettre par lui copiйe la veille, il arriva bien vite а l’endroit fatal oщ le jeune Russe parlait de Londres et de Richmond. Julien fut bien йtonnй de trouver cette lettre presque tendre.

 

C’йtait le contraste de l’apparente lйgиretй de ses propos avec la profondeur sublime et presque apocalyptique de ses lettres qui l’avait fait distinguer. La longueur des phrases plaisait surtout а la marйchale; ce n’est pas lа ce style sautillant mis а la mode par Voltaire, cet homme si immoral! Quoique notre hйros fоt tout au monde pour bannir tout espиce de bon sens de la conversation, elle avait encore une couleur antimonarchique et impie qui n’йchappait pas а Mme de Fervaques. Environnйe de personnages йminemment moraux, mais qui souvent n’avaient pas une idйe par soirйe, cette dame йtait profondйment frappйe de tout ce qui ressemblait а une nouveautй; mais en mкme temps, elle croyait se devoir а elle-mкme d’en кtre offensйe. Elle appelait ce dйfaut, garder l’empreinte de la lйgиretй du siиcle…

 

Mais de tels salons ne sont bons а voir que quand on sollicite. Tout l’ennui de cette vie sans intйrкt que menait Julien est sans doute partagй par le lecteur. Ce sont lа les landes de notre voyage.

 

Pendant tout le temps usurpй dans la vie de Julien par l’йpisode Fervaques, Mlle de La Mole avait besoin de prendre sur elle pour ne pas songer а lui. Son вme йtait en proie а de violents combats; quelquefois elle se flattait de mйpriser ce jeune homme si triste; mais, malgrй elle, sa conversation la captivait. Ce qui l’йtonnait surtout, c’йtait sa faussetй parfaite; il ne disait pas un mot а la marйchale qui ne fыt un mensonge, ou du moins un dйguisement abominable de sa faзon de penser, que Mathilde connaissait si parfaitement sur presque tous les sujets. Ce machiavйlisme la frappait. Quelle profondeur! se disait-elle; quelle diffйrence avec les nigauds emphatiques ou les fripons communs, tels que M. Tanbeau, qui tiennent le mкme langage!

 

Toutefois, Julien avait des journйes affreuses. C’йtait pour accomplir le plus pйnible des devoirs qu’il paraissait chaque jour dans le salon de la marйchale. Ses efforts pour jouer un rфle achevaient d’фter toute force а son вme. Souvent, la nuit, en traversant la cour immense de l’hфtel de Fervaques, ce n’йtait qu’а force de caractиre et de raisonnement qu’il parvenait а se maintenir un peu au-dessus du dйsespoir.

 

J’ai vaincu le dйsespoir au sйminaire, se disait-il: pourtant quelle affreuse perspective j’avais alors! je faisais ou je manquais ma fortune, dans l’un comme dans l’autre cas, je me voyais obligй de passer toute ma vie en sociйtй intime avec ce qu’il y a sous le ciel de plus mйprisable et de plus dйgoыtant. Le printemps suivant, onze petits mois aprиs seulement, j’йtais le plus heureux peut-кtre des jeunes gens de mon вge.

 

Mais bien souvent tous ces beaux raisonnements йtaient sans effet contre l’affreuse rйalitй. Chaque jour il voyait Mathilde au dйjeuner et а dоner. D’aprиs les lettres nombreuses que lui dictait M. de La Mole, il la savait а la veille d’йpouser M. de Croisenois. Dйjа cet aimable jeune homme paraissait deux fois par jour а l’hфtel de La Mole; l’њil jaloux d’un amant dйlaissй ne perdait pas une seule de ses dйmarches.

 

Quand il avait cru voir que Mlle de La Mole traitait bien son prйtendu, en rentrant chez lui, Julien ne pouvait s’empкcher de regarder ses pistolets avec amour.

 

Ah! que je serais plus sage, se disait-il, de dйmarquer mon linge, et d’aller dans quelque forкt solitaire, а vingt lieues de Paris, finir cette exйcrable vie! Inconnu dans le pays, ma mort serait cachйe pendant quinze jours, et qui songerait а moi aprиs quinze jours!

 

Ce raisonnement йtait fort sage. Mais le lendemain, le bras de Mathilde, entrevu entre la manche de sa robe et son gant, suffisait pour plonger notre jeune philosophe dans des souvenirs cruels, et qui cependant l’attachaient а la vie. Eh bien! se disait-il alors, je suivrai jusqu’au bout cette politique russe. Comment cela finira-t-il?

 

А l’йgard de la marйchale, certes, aprиs avoir transcrit ces cinquante-trois lettres, je n’en йcrirai pas d’autres.

 

А l’йgard de Mathilde, ces six semaines de comйdie si pйnible, ou ne changeront rien а sa colиre, ou m’obtiendront un instant de rйconciliation. Grand Dieu! j’en mourrais de bonheur! Et il ne pouvait achever sa pensйe.

 

Quand, aprиs une longue rкverie, il parvenait а reprendre son raisonnement: Donc, se disait-il, j’obtiendrais un jour de bonheur, aprиs quoi recommenceraient ses rigueurs fondйes, hйlas! sur le peu de pouvoir que j’ai de lui plaire, et il ne me resterait plus aucune ressource, je serais ruinй, perdu а jamais…

 

Quelle garantie peut-elle me donner avec son caractиre? Hйlas! mon peu de mйrite rйpond а tout. Je manquerai d’йlйgance dans mes maniиres, ma faзon de parler sera lourde et monotone. Grand Dieu! Pourquoi suis-je moi?


Дата добавления: 2015-11-14; просмотров: 100 | Нарушение авторских прав


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