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Un document produit en version numйrique par Pierre Palpant, bйnйvole, 6 страница



Aussi lucratives et aussi inutiles sont les charges de cour [111], sinйcures domestiques dont les profits et accessoires dйpassent de beaucoup les йmoluments. Je trouve dans l’йtat imprimй 295 officiers de bouche sans compter les garзons pour la table du roi et de ses gens, et «le premier maоtre d’hфtel jouit de 84 000 livres par an en billets et en nourritures», sans compter ses appointements et les «grandes livrйes» qu’il touche en argent. Les premiиres femmes de chambre de la reine inscrites sur l’Almanach pour 150 livres et payйes 12 000 francs, se font en rйalitй 50 000 francs par la revente des bougies allumйes dans la journйe; Augeard, secrйtaire des commandements et dont la place est marquйe 900 livres par an, avoue qu’elle lui en vaut 200 000. Le capitaine des chasses, а Fontainebleau, vend а son profit chaque annйe pour 20 000 francs de lapins. «Dans chaque voyage aux maisons de campagne du roi, les dames d’atour, sur les frais de dйplacement, gagnent 80 pour 100; on dit que le cafй au lait avec un pain а chacune de ces dames coыte 2 000 francs par an, et ainsi du reste.» – «Mme de Tallard s’est fait 115 000 livres de rente dans sa place de gouvernante des enfants de France, parce que, а chaque enfant, ses appointements augmentent de 35 000 livres.» Le duc de Penthiиvre, en qualitй de grand-amiral, perзoit sur tous les navires «qui entrent dans les ports et embouchures de France» un droit d’ancrage, dont le produit annuel est de 91 484 francs. Mme de Lamballe, surintendante, inscrite pour 6 000 francs, en touche 150 000 [112]. Sur un seul feu d’artifice, le duc de Gesvres gagne 50 000 йcus par les dйbris et charpentes qui lui appartiennent en vertu de sa charge [113]. – Grands officiers du palais, gouverneurs des maisons royales, capitaines des capitaineries, chambellans, йcuyers, gentilhommes servants, gentilshommes ordinaires, pages, gouverneurs, aumфniers, chapelains, dames d’honneur, dames d’atour, dames pour accompagner, chez le roi, chez la reine, chez Monsieur, chez Madame, chez le comte d’Artois, chez la comtesse d’Artois, chez Mesdames, chez Madame Royale, chez Madame Йlisabeth, dans chaque maison princiиre et ailleurs, des centaines d’offices pourvus d’appointements et d’accessoires sont sans fonctions ou ne servent que pour le dйcor. «Mme de la Borde vient d’кtre nommйe garde du lit de la reine avec 12 000 francs de pension sur la cassette du roi; on ignore quelles sont les fonctions de cette charge, qui n’a pas existй depuis Anne d’Autriche.» Le fils aоnй de M. de Machault est nommй intendant des classes. C’est un de ces emplois dits gracieux: cela vaut «18 000 livres de rente pour signer son nom deux fois par an». De mкme la place de secrйtaire gйnйral des Suisses valant 30 000 livres de rente et donnйe а l’abbй Barthйlemy; de mкme la place de secrйtaire gйnйral des dragons, valant 20 000 livres par an, occupйe tour а tour par Gentil Bernard et par Laujon, deux petits poиtes de poche. – Il serait plus simple de donner l’argent sans la place; en effet on n’y manque pas; quand on lit jour par jour les Mйmoires, il semble que le Trйsor soit une proie. Assidus auprиs du roi, les courtisans le font compatir а leurs peines. Ils sont ses familiers, les hфtes de son salon, des gens de race comme lui, ses clients naturels, les seuls avec lesquels il cause et qu’il ait besoin de voir contents; il ne peut s’empкcher de les assister. Il faut bien qu’il contribue а doter leurs enfants, puisqu’il signe au contrat; il faut bien qu’il les enrichisse eux-mкmes, puisque leur luxe sert а la dйcoration de sa cour. La noblesse йtant un ornement du trфne, c’est au possesseur du trфne а le redorer aussi souvent qu’il le faudra [114]. Lа-dessus quelques chiffres et anecdotes pris, entre mille, sont d’une rare йloquence [115]. «M. le prince de Pons avait 25 000 livres de pension des bienfaits du roi, sur quoi Sa Majestй avait bien voulu en donner 6 000 а Mlle de Marsan, sa fille, chanoinesse de Remiremont. La famille a reprйsentй au roi le mauvais йtat des affaires de M. le prince de Pons, et Sa Majestй a bien voulu accorder а M. le prince Camille, son fils, 15 000 livres de la pension vacante par la mort de son pиre, et 5 000 livres d’augmentation а Mme de Marsan.» – M. de Conflans йpouse Mlle Portail: «En faveur de ce mariage, le roi a bien voulu que, sur la pension de 10 000 livres accordйe а Mme la prйsidente Portail, il en passвt 6 000 а M. de Conflans aprиs la mort de Mme Portail.» – M. de Sйchelles, ministre qui se retire, «avait 12 000 livres d’ancienne pension que le roi lui conserve; il a, outre cela, 20 000 livres de pension comme ministre; et le roi lui donne encore outre cela 40 000 livres de pension». – Parfois les motifs de la grвce sont admirables. Il faut consoler M. Rouillй de n’avoir pas participй au traitй de Vienne; c’est pourquoi «on donne une pension de 6 000 livres а sa niиce, Mme de Castellane, et une autre de 10 000 а sa fille, Mme de Beuvron, fort riche». – «M. de Puisieux jouit d’environ 76 ou 77 000 livres de rente des bienfaits du roi; il est vrai qu’il a un bien considйrable; mais le revenu de ce bien est incertain, йtant pour la plupart en vignes.» – «On vient de donner une pension de 10 000 livres а la marquise de Lиde parce qu’elle a dйplu а Madame Infante et pour qu’elle se retire.» – Les plus opulents tendent la main et prennent. «On a calculй que, la semaine derniиre, il y eut pour 128 000 livres de pension donnйes а des dames de la cour, tandis que depuis deux ans on n’a pas donnй la moindre pension а des officiers: 8 000 livres а la duchesse de Chevreuse dont le mari a de 4 а 500 000 livres de rente, 12 000 livres а Mme de Luynes pour qu’elle ne soit pas jalouse, 10 000 а la duchesse de Brancas, 10 000 а la duchesse douairiиre de Brancas, mиre de la prйcйdente, etc.» En tкte de ces sangsues sont les princes du sang. «Le roi vient de donner un million cinq cent mille livres а M. le prince de Conti pour payer ses dettes, dont un million sous prйtexte de le dйdommager du tort qu’on lui a fait par la vente d’Orange, et 500 000 livres de grвce.» «M. le duc d’Orlйans avait ci-devant 50 000 йcus de pension comme pauvre et en attendant la succession de son pиre. Йtant devenu par cet йvйnement riche de plus de trois millions de rente, il a remis sa pension. Mais depuis il a reprйsentй qu’il dйpenserait par delа son revenu, et le roi lui a rendu ses 50 000 йcus.» – Vingt ans plus tard, en 1780, quand Louis XVI, voulant soulager le Trйsor, signe «la grande rйforme de la bouche», «on donne а Mesdames 600 000 livres pour leur table»; rien qu’en dоners, voilа ce que trois vieilles dames, en se retranchant, coыtent au public. Pour les deux frиres du roi, 8 300 000 livres, outre deux millions de rente en apanages; pour le Dauphin, Madame Royale, Madame Йlisabeth et Mesdames, 3 500 000; pour la reine, quatre millions; voilа le compte de Necker en 1784. Joignez а cela les dons de la main а la main avouйs ou dйguisйs: 200 000 francs а M. de Sartine pour l’aider а payer ses dettes, 200 000 а M. de Lamoignon, garde des sceaux, 600 000 francs а M. de Miromesnil pour frais d’йtablissement, 166 000 а la veuve de M. de Maurepas, 500 000 au prince de Salm, 1 200 000 au duc de Polignac pour l’engagement du comtй de Fenestranges, 754 337 а Mesdames pour payer Bellevue [116]. «M. de Calonne, dit Augeard, tйmoin compйtent [117], fit, а peine entrй, un emprunt de cent millions, dont un quart n’est pas entrй au Trйsor royal: le reste a йtй dйvorй par les gens de la cour; on йvalue ce qu’il a donnй au comte d’Artois а cinquante-six millions, la part de Monsieur а vingt-cinq millions; il a donnй au prince de Condй, en йchange de 300 000 livres de rente, douze millions une fois payйs et 600 000 livres de rentes viagиres, et il fait faire а l’Йtat les acquisitions les plus onйreuses, des йchanges dont la lйsion йtait de plus de 500 pour 100.» N’oublions pas qu’au taux actuel tous ces dons, pensions, appointements valent le double. — Tel est l’emploi des grands auprиs du pouvoir central: au lieu de se faire les reprйsentants du public, ils ont voulu кtre les favoris du prince, et ils tondent le troupeau qu’ils devraient prйserver.



 

IV

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А la fin le troupeau йcorchй dйcouvrira ce qu’on fait de sa laine. «Tфt ou tard [118], dit un Parlement dиs 1764, le peuple apprendra que les dйbris de nos finances continuent d’кtre prodiguйs en dons si souvent peu mйritйs, en pensions excessives et multipliйes sur les mкmes tкtes, en dots et assurances de douaires, en places et appointements inutiles.» Tфt ou tard, il repoussera «ces mains avides qui toujours s’ouvrent et ne se croient jamais pleines, ces gens insatiables qui ne semblent nйs que pour tout prendre et ne rien avoir, gens sans pitiй comme sans pudeur». — Et ce jour-lа les йcorcheurs se trouveront seuls. Car le propre d’une aristocratie qui ne songe qu’а soi est de devenir une coterie. Ayant oubliй le public, elle nйglige par surcroоt ses subordonnйs; aprиs s’кtre sйparйe de la nation, elle se sйpare de sa suite. C’est un йtat-major en congй qui fait bombance et ne prend plus soin des sous-officiers; vienne un jour de bataille, personne ne marche aprиs lui, on cherche des chefs ailleurs. Tel est l’isolement des seigneurs de cour et des prйlats au milieu de la petite noblesse et du bas clergй; ils se font la part trop grosse, et ne donnent rien ou presque rien aux gens qui ne sont pas de leur monde. Contre eux, depuis un siиcle, un long murmure s’йlиve et va s’enflant jusqu’а devenir une clameur oщ l’esprit ancien et l’esprit nouveau, les idйes philosophiques grondent а l’unisson. «Je vois, disait le bailli de Mirabeau [119], que la noblesse s’avilit et se perd. Elle s’йtend sur tous les enfants de sangsues, sur la truandaille de finance, introduits par la Pompadour, sortie elle-mкme de ces immondices. Une partie va s’avilir dans la servitude de cour; l’autre se mйlange а la canaille plumiиre qui change en encre le sang des sujets du roi; l’autre pйrit йtouffйe par de viles robes, ignobles atomes de la poussiиre de cabinet qu’une charge tire de la crasse»; et tout cela, parvenus d’ancienne ou de nouvelle race, fait une bande qui est la cour. — «La cour! s’йcrie d’Argenson, dans ce mot est tout le mal. La cour est devenue le sйnat de la nation; le moindre valet de Versailles est sйnateur; les femmes de chambre ont part au gouvernement, sinon pour ordonner, du moins pour empкcher les lois et les rиgles; et, а force d’empкcher, il n’y a plus ni lois, ni ordres, ni p.59 ordonnateurs... Sous Henri IV, les courtisans demeuraient chacun dans leur maison, ils n’йtaient point engagйs dans des dйpenses ruineuses pour кtre de la cour; ainsi les grвces ne leur йtaient pas dues comme aujourd’hui... La cour est le tombeau de la nation.» – Quantitй d’officiers nobles, voyant que les hauts grades ne sont que pour les courtisans, quittent le service et vont porter leur mйcontentement dans leurs terres. D’autres, qui ne sont point sortis de leur domaine, y couvent dans la gкne, l’oisivetй et l’ennui leurs ambitions aigries par l’impuissance. En 1789, dit le marquis de Ferriиres, la plupart sont «si las de la cour et des ministres qu’ils sont presque des dйmocrates». Du moins «ils veulent retirer le gouvernement а l’oligarchie ministйrielle entre les mains de laquelle il est concentrй». Point de grands seigneurs pour dйputйs; ils les йcartent et «les rejettent absolument, disant qu’ils trafiqueraient des intйrкts de la noblesse»; eux-mкmes, dans leurs cahiers, ils insistent pour qu’il n’y ait plus de noblesse de cour.

Mкmes sentiments dans le bas clergй, et encore plus vifs; car il est exclu des hautes places, non seulement comme infйrieur, mais encore comme roturier [120]. Dйjа en 1766, le marquis de Mirabeau йcrivait: «Ce serait faire injure а la plupart de nos ecclйsiastiques а prйtentions que de leur proposer une cure. Les revenus et les distinctions sont pour les abbйs commendataires, pour les bйnйficiers а simple tonsure, pour les nombreux chapitres». Au contraire, «les vrais pasteurs des вmes, les coopйrateurs dans le saint ministиre ont а peine une subsistance». La premiиre classe, «tirйe de la noblesse et de la bonne bourgeoisie, n’a que les prйtentions sans vrai ministиre. L’autre, n’ayant que des devoirs а remplir sans espoir et presque sans revenu..., ne peut se recruter que dans les derniers rangs de la sociйtй civile, et les parasites qui dйpouillent les travailleurs affectent de les subjuguer et de les avilir de plus en plus». – «Je plains, disait Voltaire, le sort d’un curй de campagne obligй de disputer une gerbe de blй а son malheureux paroissien, de plaider contre lui, d’exiger la dоme des pois et des lentilles, de consumer sa misйrable vie en querelles continuelles... Je plains encore davantage le curй а portion congrue а qui des moines, nommйs gros dйcimateurs, osent donner un salaire de quarante ducats pour aller faire, pendant toute l’annйe, а deux ou trois milles de sa maison, le jour, la nuit, au soleil, а la pluie, dans les neiges, au milieu des glaces, les fonctions les plus pйnibles et les plus dйsagrйables.» – Depuis trente ans, on a tвchй d’assurer et de relever un peu leur salaire; en cas d’insuffisance, le bйnйficier, collateur ou dйcimateur de la paroisse, doit y ajouter jusqu’а ce que le curй ait 500 livres (1768), puis 700 livres (1785), le vicaire 200 livres (1768), puis 250 (1778), et а la fin 350 (1785). Аla rigueur, au prix oщ sont les choses [121], un homme peut s’entretenir lа-dessus. Mais il vit parmi les misйrables auxquels il doit l’aumфne, et il garde au fond du cњur une amertume secrиte contre le richard oisif qui, les poches pleines, l’envoie faire, avec des poches vides, un ministиre de charitй. АSaint-Pierre de p.60 Barjouville, dans le Toulousain, l’archevкque de Toulouse prend la moitiй des dоmes et fait par an 8 livres d’aumфne; а Bretx, le chapitre de l’Isle-Jourdain qui perзoit la moitiй de certaines dоmes et les trois quarts des autres, donne 10 livres; а Croix-Falgarde, les Bйnйdictins, а qui la moitiй de la dоme appartient, donnent 10 livres par an [122]. АSainte-Croix de Bernay en Normandie [123], l’abbй non rйsident, qui touche 57 000 livres, donne 1 050 livres au curй qui n’a pas de presbytиre et dont la paroisse contient 4 000 communiants. АSaint-Aubin-sur-Gaillon, l’abbй, gros dйcimateur, donne 350 livres au vicaire, qui est obligй d’aller dans le village quкter du blй, du pain, des pommes. АPlessis-Hйbert, «le desservant dйportuaire, n’ayant pas de quoi vivre, est forcй d’aller chercher ses repas chez les curйs voisins». Dans l’Artois, oщ souvent la dоme prйlиve 7 1/2 et 8 pour 100 du produit de la terre, nombre de curйs sont а la portion congrue et sans presbytиre; leur йglise tombe en ruines et le bйnйficier ne donne rien aux pauvres. «А Saint-Laurent, en Normandie, la cure ne vaut pas plus de 400 livres que le curй partage avec un obitier, et il y a 500 habitants, dont les trois quarts а l’aumфne.» — Comme les rйparations du presbytиre et de l’йglise sont d’ordinaire а la charge d’un seigneur ou d’un bйnйficier souvent йloignй, obйrй ou indiffйrent, il arrive parfois que le prкtre ne sait ni oщ loger, ni oщ dire la messe. «J’arrivai, dit un curй de Touraine, au mois de juin 1788... Le presbytиre ressemblerait а un souterrain hideux s’il n’йtait ouvert а tous les frimas et а tous les vents»: en bas, deux chambres carrelйes sans portes ni fenкtres, hautes de quatre pieds et demi, une troisiиme haute de six pieds, carrelйe, servant de salon, de salle, de cuisine, de buanderie, de boulangerie et d’йgout pour les eaux de la cour et du jardin; au-dessus trois piиces semblables, «le tout absolument lйzardй, crevй, menaзant ruine, sans portes ni croisйes qui tiennent», et, en 1790, les rйparations ne sont pas encore faites. — Voyez par contraste le luxe des prйlats qui ont un demi-million de rente, la pompe de leurs palais, les йquipages de chasse de M. de Dillon, йvкque d’Evreux, le confessionnaux garnis de satin de M. de Barrai, йvкque de Troyes, l’innombrable batterie de cuisine en argent massif de M. de Rohan, йvкque de Strasbourg. — Tel est le sort des curйs а portion congrue, et il y en a beaucoup qui n’ont pas la portion congrue, que la mauvaise volontй du haut clergй en exclut, qui, avec leur casuel, ne touchent que 400 а 500 livres, qui rйclament en vain la maigre pitance а laquelle ils ont droit par le dernier йdit. «Une pareille demande, dit un curй, ne devrait-elle pas кtre acceptйe de bon grй par MM. du haut clergй qui souffrent des moines jouir de 5 а 6 000 livres de rente par chaque individu, tandis qu’ils voient les curйs, au moins aussi nйcessaires, rйduits а la mince portion, tant pour eux que pour la paroisse?» — Et, sur cette mince pitance, on rogne encore pour payer le don gratuit. En ceci comme pour le reste, les pauvres sont chargйs pour dйcharger les riches. Dans le diocиse de Clermont, «les curйs, mкme а simple portion congrue, sont p.61 imposйs а 60, 80, 100, 120 livres et plus; les vicaires qui ne subsistent que du fruit de leurs sueurs, sont taxйs а 22 livres». Au contraire, les prйlats payent peu de chose, et «encore est-on dans l’usage de prйsenter aux йvкques la quittance de leur taxe, aux йtrennes du premier de l’an [124]». — Nulle issue pour les curйs. Sauf trois ou quatre petits йvкchйs «de laquais», toutes les dignitйs de l’Йglise sont rйservйes а la noblesse; «pour кtre йvкque aujourd’hui, dit l’un d’entre eux, il faut кtre gentilhomme». Je vois en eux des sergents qui, comme leurs pareils dans l’armйe, ont perdu l’espoir de jamais devenir officiers. — C’est pourquoi il y en a chez qui la colиre dйborde: «Nous, malheureux curйs а portions congrues; nous, chargйs communйment des plus fortes paroisses, telles que la mienne qui a, jusqu’а deux lieues dans les bois, des hameaux qui en feraient une autre; nous dont le sort fait crier jusqu’aux pierres et aux chevrons de nos misйrables presbytиres», nous subissons des prйlats «qui feraient encore quelquefois faire par leurs gardes un procиs au pauvre curй qui couperait dans leurs bois un bвton, son seul soutien dans ses longues courses par tous chemins». Аleur passage, le pauvre homme «est obligй de se jeter а tвtons le long d’un talus, pour se garantir des pieds et des йclaboussures de leurs chevaux, comme aussi des roues et peut-кtre du fouet d’un clocher insolent», puis «tout crottй, son chйtif bвton d’une main et son chapeau, tel quel, de l’autre, de saluer humblement et rapidement, а travers la portiиre du char clos et dorй, le hiйrarque postiche ronflant sur la laine du troupeau que le pauvre curй va paissant et dont il ne lui laisse que la crotte et le suint». Toute la lettre est comme un long cri de rage; ce sont des rancunes semblables qui feront les Joseph Lebon et les Fouchй. — Dans cette situation et avec ces sentiments, il est manifeste que le bas clergй traitera ses chefs comme la noblesse de province a traitй les siens [125]. Il ne choisira pas «pour reprйsentants ceux qui nagent dans l’opulence et qui l’ont vu toujours souffrir avec tranquillitй». De toutes parts les curйs se confйdиrent» pour n’envoyer aux Йtats gйnйraux que des curйs, et pour exclure, «non seulement les chanoines, les abbйs, les prieurs et tous autres bйnйficiers, mais encore les premiers supйrieurs, les chefs de la hiйrarchie», c’est-а-dire les йvкques. En effet, sur trois cents dйputйs du clergй, on compte aux Йtats gйnйraux deux cent huit curйs, et, comme la noblesse de province, ils apportent avec eux la dйfiance et le mauvais vouloir qu’ils nourrissent depuis si longtemps contre leurs chefs. On s’en apercevra tout а l’heure а l’йpreuve. Si les deux premiers ordres sont contraints de se rйunir aux communes, c’est qu’au moment critique les curйs font dйfection. Si l’institution d’une chambre haute est repoussйe, c’est que la plиbe des gentilshommes ne veut pas souffrir aux grandes familles une prйrogative dont elles ont abusй.

 

V

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Reste un dernier privilиge, le plus йnorme de tous, celui du roi; car, dans cet йtat-major de nobles hйrйditaires, il est le gйnйral hйrйditaire. Аla vйritй son office n’est pas une sinйcure comme leur rang; mais il comporte des inconvйnients aussi graves et des tentations pires. Deux choses sont pernicieuses а l’homme, le manque d’occupation et le manque de frein; ni l’oisivetй, ni la toute-puissance ne sont conformes а sa nature, et le prince absolu qui peut tout faire, comme l’aristocratie dйsњuvrйe qui n’a rien а faire, finit par devenir inutile et malfaisant. — Insensiblement, en accaparant tous les pouvoirs, le roi s’est chargй de toutes les fonctions; tвche immense et qui surpasse le forces humaines. Car ce n’est point la Rйvolution, c’est la monarchie qui a implantй en France la centralisation administrative [126]. Sous la direction du Conseil du roi, trois fonctionnaires superposйs, au centre le contrфleur gйnйral, dans chaque gйnйralitй l’intendant, dans chaque йlection le subdйlйguй, mиnent toutes les affaires, fixent, rйpartissent et lиvent l’impфt et la milice, tracent et font exйcuter les routes, emploient la marйchaussйe, distribuent les secours, rйglementent la culture, imposent aux paroisses leur tutelle, et traitent comme des valets les magistrats municipaux. «Un village, dit Turgot [127], n’est qu’un assemblage de maisons, de cabanes et d’habitants aussi passifs qu’elles... Votre Majestй est obligйe de dйcider tout par elle-mкme ou par ses mandataires... Chacun attend vos ordres spйciaux, pour contribuer au bien public, pour respecter les droits d’autrui, quelquefois mкme pour user des siens propres.» Par suite, ajoute Necker, «c’est du fond des bureaux que la France est gouvernйe... Les commis, ravis de leur influence, ne manquent jamais de persuader au ministre qu’il ne peut se dйtacher de commander un seul dйtail». —Bureaucratie au centre, arbitraire, exceptions et faveurs partout, tel est le rйsumй du systиme. «Subdйlйguйs, officiers d’йlections, directeurs, receveurs et contrфleurs des vingtiиmes, commissaires et collecteurs des tailles, officiers des gabelles, voituriers-buralistes, huissiers, piqueurs des corvйes, commis aux aides, au contrфle, aux droits rйservйs, tous ces hommes de l’impфt, chacun selon son caractиre, assujettissent а leur petite autoritй et enveloppent de leur science fiscale des contribuables ignorants et inhabiles а reconnaоtre si on les trompe [128].» Une centralisation grossiиre, sans contrфle, sans publicitй, sans uniformitй, installe sur tout le territoire une armйe de petits pachas qui dйcident comme juges les contestations qu’ils ont comme parties, rиgnent par dйlйgation, et, pour autoriser leurs grappillages ou leurs insolences, ont toujours а la bouche le nom du roi, qui est obligй de les laisser faire. — En effet, par sa complication, son irrйgularitй et sa grandeur, la machine йchappe а ses prises. Un Frйdйric II levй а quatre heures du matin, un Napolйon qui dicte une partie de la nuit dans son bain et travaille dix-huit heures par jour, y suffiraient а peine. Un tel rйgime ne va point sans une attention toujours tendue, sans une йnergie infatigable, sans un discernement infaillible, sans une sйvйritй militaire, sans un gйnie supйrieur; а ces conditions seulement on peut changer vingt-cinq millions d’hommes en automates, et substituer sa volontй partout lucide, partout cohйrente, partout prйsente, а leurs volontйs que l’on abolit. Louis XV laisse «la bonne machine» marcher toute seule, et se cantonne dans son apathie. «Ils l’ont voulu ainsi, ils ont pensй que c’йtait pour le mieux» [129], telle est sa faзon de parler «quand les opйrations des ministres n’ont pas rйussi». — «Si j’йtais lieutenant de police, disait-il encore, je dйfendrais les cabriolets.» Il a beau sentir que la machine se disloque, il n’y peut rien, il n’y fait rien. En cas de malheur, il a sa rйserve privйe, sa bourse а part. «Le roi, disait Mme de Pompadour, signerait sans y songer pour un million, et donnerait avec peine cent louis sur son petit trйsor.» — Louis XVI essaye pendant un temps de supprimer plusieurs rouages, d’en introduire de meilleurs, d’adoucir les frottements du reste; mais les piиces sont trop rouillйes, trop pesantes; il ne peut les ajuster, les accorder, les maintenir en place; sa main retombe impuissante et lassйe. Il se contente d’кtre йconome pour lui-mкme; il inscrit sur son journal un raccommodage de montre, et laisse la voiture publique, aux mains de Calonne, se charger d’abus nouveaux pour rentrer dans l’ancienne orniиre, d’oщ elle ne sortira qu’en se disloquant.

Sans doute le mal qu’ils font ou qu’on fait en leur nom leur dйplaоt et les chagrine; mais au fond leur conscience n’est pas inquiиte. Ils peuvent avoir compassion du peuple, mais ils ne se sentent pas coupables envers lui; car ils sont ses souverains et non ses mandataires. La France est а eux comme tel domaine est а son seigneur, et un seigneur ne manque pas а l’honneur parce qu’il est prodigue et nйgligent. C’est son bien qu’il dissipe, et personne n’a le droit de lui demander des comptes. Fondйe sur la seigneurie fйodale, la royautй est comme elle une propriйtй, un hйritage, et ce serait infidйlitй, presque trahison chez un prince, en tout cas faiblesse et bassesse, que de laisser passer entre des mains de sujets quelque portion du dйpфt qu’il a reзu intact de ses pиres pour le transmettre intact а ses enfants. Non seulement, par la tradition du moyen вge, il est commandant-propriйtaire des Franзais et de la France, mais encore, par la thйorie des lйgistes, il est, comme Cйsar, l’unique et perpйtuel reprйsentant de la nation, et, par la doctrine des thйologiens, il est, comme David, le dйlйguй sacrй et spйcial de Dieu lui-mкme. Аtous ces titres, ce serait merveille s’il ne considйrait pas le revenu public comme son revenu privй, et si, maintes fois, il n’agissait pas en consйquence. En ceci notre point de vue est si opposй, que nous avons de la peine а nous mettre au sien; mais le sien йtait alors celui de tout le monde. En ce temps-lа il semblait aussi йtrange de s’ingйrer dans les affaires du roi que dans celles d’un particulier. C’est seulement а la fin de 1788 [130] que le fameux salon du Palais-Royal, «avec une hardiesse et une dйraison inimaginables, prйtend que, dans une vйritable monarchie, les revenus de l’Йtat ne doivent pas кtre а la disposition du souverain, qu’il doit seulement lui кtre accordй une somme assez considйrable pour les charges de sa maison, ses dons et les grвces de ses serviteurs, ainsi que pour ses plaisirs, que le surplus doit кtre dйposй au Trйsor royal pour n’y кtre employй qu’aux objets sanctionnйs par l’Assemblйe de la Nation». Rйduire le prince а une liste civile, mettre la main sur les neuf dixiиmes de son revenu, lui interdire les acquits au comptant, quel attentat! La surprise ne serait pas plus grande, si aujourd’hui l’on proposait de faire deux parts dans le revenu de chaque millionnaire, de lui en accorder la plus mince pour son entretien, de mettre la plus grosse а la caisse des consignations pour ne la dйpenser qu’en њuvres d’utilitй publique. Un ancien fermier gйnйral, homme d’esprit et sans prйjugйs, йcrit sйrieusement pour justifier l’achat de Saint-Cloud: «C’йtait une bague au doigt de la reine». Аla vйritй, la bague coыtait 7 700 000 francs. Mais «le roi de France avait alors 477 millions de rente. Que dirait-on d’un particulier qui aurait 477 000 livres de rente, et qui, une fois dans sa vie, donnerait а sa femme pour 7 000 ou 8 000 livres de diamants? [131]» On dirait que le don est modeste et que le mari est raisonnable. – Pour bien comprendre l’histoire de nos rois, posons toujours en principe que la France est leur terre, une ferme transmise de pиre en fils, d’abord petite, puis arrondie peu а peu, а la fin prodigieusement йlargie, parce que le propriйtaire, toujours aux aguets, a trouvй moyen de faire de beaux coups aux dйpens de ses voisins; au bout de huit cents ans, elle comprend 27 000 lieues carrйes. Certainement, en plusieurs points, son intйrкt et son amour-propre sont d’accord avec le bien public; en somme il n’a pas mal gйrй, et puisqu’il s’est toujours agrandi, il a mieux gйrй que beaucoup d’autres. De plus, autour de lui, nombre de gens experts, vieux conseillers de famille, rompus aux affaires et dйvouйs au domaine, bonnes tкtes et barbes grises, lui font respectueusement des remontrances quand il dйpense trop; souvent ils l’engagent dans des њuvres utiles, routes, canaux, hфtels d’invalides, йcoles militaires, instituts de science, ateliers de charitй, limitation de la mainmorte, tolйrance des hйrйtiques, recul des vњux monastiques jusqu’а vingt et un ans, assemblйes provinciales, et autres йtablissements ou rйformes par lesquels un domaine fйodal se transforme en un domaine moderne. Mais, fйodal ou moderne, le domaine est toujours sa propriйtй, dont il peut abuser autant qu’user; or qui use en toute libertй finit par abuser avec toute licence. Si, dans sa conduite ordinaire, les motifs personnels ne l’emportaient pas sur les motifs publics, il serait un saint comme Louis IX, un stoпcien comme Marc-Aurиle, et il est un seigneur, un homme du monde semblable aux gens de sa cour, encore plus mal йlevй, plus mal entourй, plus sollicitй, plus tentй et plus aveuglй. Аtout le moins, il a comme eux son amour-propre, ses goыts, ses parents, sa maоtresse, sa femme, ses familiers, tous solliciteurs intimes et prйpondйrants qu’il faut d’abord satisfaire; la nation ne vient qu’ensuite. – En effet, pendant cent ans, de 1672 а 1774, toutes les fois qu’il fait une guerre, c’est par pique de vanitй, par intйrкt de famille, par calcul d’intйrкt privй, par condescendance pour une femme. Louis XV conduit les siennes encore plus mal qu’il ne les entreprend [132], et Louis XVI, dans toute sa politique extйrieure, trouve pour entrave le rets conjugal. – А l’intйrieur, il vit comme les autres seigneurs, mais plus grandement, puisqu’il est le plus grand seigneur de France; je dйcrirai son train tout а l’heure, et l’on verra plus tard par quelles exactions ce faste est dйfrayй. En attendant, marquons deux ou trois dйtails. D’aprиs des relevйs authentiques, Louis XV a dйpensй pour Mme de Pompadour 36 millions, au moins 72 millions d’aujourd’hui [133]. Selon d’Argenson [134], en 1751, il a dans ses йcuries 4 000 chevaux, et l’on assure que sa seule maison ou personne «a coыtй cette annйe 68 millions», prиs du quart du revenu public. Quoi d’йtonnant, lorsqu’on considиre le souverain а la maniиre du temps, c’est-а-dire comme un chвtelain qui jouit de son bien hйrйditaire? Il bвtit, il reзoit, il donne des fкtes, il chasse, il dйpense selon sa condition. – De plus, йtant maоtre de son argent, il donne а qui lui plaоt, et tous ses choix sont des grвces. «Votre Majestй sait mieux que moi, йcrit l’abbй de Vermond а l’impйratrice Marie-Thйrиse [135], que, d’usage immйmorial, les trois quarts des places, des honneurs, des pensions sont accordйs non aux services, mais а la faveur et au crйdit. Cette faveur est originairement motivйe par la naissance, les alliances et la fortune; presque toujours elle n’a de vйritable fondement que dans la protection et l’intrigue. Cette marche est si fort йtablie, qu’elle est respectйe comme une sorte de justice par ceux mкmes qui en souffrent le plus; un bon gentilhomme, qui ne peut йblouir par des alliances а la cour, ni par une dйpense d’йclat, n’oserait prйtendre а un rйgiment, quelque anciens et distinguйs que puissent кtre ses services et sa naissance. Il y a vingt ans, les fils des ducs, des ministres, des gens attachйs а la cour, les parents et protйgйs des maоtresses, devenaient colonels а seize ans; M. de Choiseul fit jeter les hauts cris en rejetant cette йpoque а vingt-trois; mais, pour dйdommager la faveur et l’arbitraire, il a remis а la pure grвce du roi, ou plutфt des ministres, la nomination des lieutenances-colonelles et des majoritйs qui jusqu’alors allaient de droit а l’anciennetй du service, les gouvernements et les commandements des provinces et des villes. Vous savez, Monsieur l’ambassadeur, qu’on a fort multipliй ces places, et qu’elles se donnent par crйdit et faveur, comme les rйgiments. Le cordon bleu, le cordon rouge sont dans le mкme cas, quelquefois mкme la croix de Saint-Louis. Les йvкchйs et les abbayes sont encore plus constamment au rйgime du crйdit. Les places de finances, je n’ose en parler. Les charges de judicature sont les plus assujetties aux services rendus; et cependant combien le crйdit et la recommandation n’influent-ils pas sur la nomination des intendants, des premiers prйsi­dents», et des autres? – Necker, entrant aux affaires, trouve 28 millions de pensions sur le Trйsor royal, et, sitфt qu’il tombe, c’est une dйbвcle d’argent dйversй par millions sur les gens de cour. Mкme de son temps, le roi s’est laissй aller а faire la fortune des amies et des amis de sa femme: а la comtesse de Polignac 400 000 francs pour payer ses dettes, 800 000 francs pour la dot de sa fille, en outre, pour elle-mкme, la promesse d’une terre de 35 000 livres de rente, et, pour son amant, le comte de Vaudreuil, 30 000 livres de pension; а la princesse de Lamballe, 100 000 йcus par an, tant par la charge de surintendante qu’on rйtablit en sa faveur, que pour une pension а son frиre [136]. Mais c’est sous Calonne que la prodigalitй devient folle. On a fait honte au roi de sa parcimonie; pourquoi serait-il mйnager de sa bourse? Lancй hors de sa voie, il donne, il achиte, il bвtit, il йchange, il vient en aide aux gens de son monde, le tout en grand seigneur, c’est-а-dire en jetant l’argent а pleines mains. Qu’on en juge par un seul exemple: pour secourir les Guйmйnй faillis, il leur achиte moyennant 12 500 000 livres trois terres qu’ils viennent d’acheter 4 millions; de plus, en йchange de deux domaines en Bretagne qui rapportent 33 758 livres, il leur cиde la principautй de Dombes rapportant prиs de 70 000 livres de rente [137]. – Lorsqu’on lira plus tard le Livre Rouge, on y trouvera 700 000 livres de pensions pour la maison de Polignac, la plupart rйversibles d’un membre а l’autre, et prиs de deux millions de bienfaits annuels а la maison de Noailles. – Le roi a oubliй que toutes ses grвces sont meurtriиres; car «le courtisan qui obtient 6 000 livres de pension reзoit la taille de six villages [138]». En l’йtat oщ est l’impфt, chaque largesse du monarque est fondйe sur le jeыne des paysans, et le souverain, par ses commis, prend aux pauvres leur pain pour donner des carrosses aux riches. – Bref le centre du gouvernement est le centre du mal; toutes les injustices et toutes les misиres en partent comme d’un foyer engorgй et douloureux; c’est ici que l’abcиs public a sa pointe, et c’est ici qu’il crиvera.


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