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CHAPITRE VIII 5 страница

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Fabrice ne sortit de l’йglise qu’aprиs avoir prйparй la confession qu’il se proposait de faire dиs le lendemain; il trouva Ludovic assis sur les marches du vaste pйristyle en pierre qui s’йlиve sur la grande place en avant de la faзade de Saint-Pйtrone. Comme aprиs un grand orage l’air est plus pur, ainsi l’вme de Fabrice йtait tranquille, heureuse et comme rafraоchie.

 

– Je me trouve fort bien, je ne sens presque plus mes blessures, dit-il а Ludovic en l’abordant; mais avant tout je dois vous demander pardon; je vous ai rйpondu avec humeur lorsque vous кtes venu me parler dans l’йglise; je faisais mon examen de conscience. Eh bien! oщ en sont nos affaires?

 

– Elles vont au mieux: j’ai arrкtй un logement, а la vйritй bien peu digne de Votre Excellence, chez la femme d’un de mes amis, qui est fort jolie et de plus intimement liйe avec l’un des principaux agents de la police. Demain j’irai dйclarer comme quoi nos passeports nous ont йtй volйs; cette dйclaration sera prise en bonne part; mais je paierai le port de la lettre que la police йcrira а Casal-Maggiore, pour savoir s’il existe dans cette commune un nommй Ludovic San-Micheli, lequel a un frиre, nommй Fabrice, au service de Mme la duchesse Sanseverina, а Parme. Tout est fini, siamo a cavallo. (Proverbe italien: nous sommes sauvйs)

 

Fabrice avait pris tout а coup un air fort sйrieux: il pria Ludovic de l’attendre un instant, rentra dans l’йglise presque en courant, et а peine y fut-il que de nouveau il se prйcipita а genoux; il baisait humblement les dalles de pierre. «C’est un miracle, Seigneur, s’йcriait-il les larmes aux yeux: quand vous avez vu mon вme disposйe а rentrer dans le devoir, vous m’avez sauvй. Grand Dieu! il est possible qu’un jour je sois tuй dans quelque affaire: souvenez-vous au moment de ma mort de l’йtat oщ mon вme se trouve en ce moment.» Ce fut avec les transports de la joie la plus vive que Fabrice rйcita de nouveau les sept psaumes de la pйnitence. Avant que de sortir il s’approcha d’une vieille femme qui йtait assise devant une grande madone et а cфtй d’un triangle de fer placй verticalement sur un pied de mкme mйtal. Les bords de ce triangle йtaient hйrissйs d’un grand nombre de pointes destinйes а porter les petits cierges que la piйtй des fidиles allume devant la cйlиbre madone de Cimabuй. Sept cierges seulement йtaient allumйs quand Fabrice s’approcha; il plaзa cette circonstance dans sa mйmoire avec l’intention d’y rйflйchir ensuite plus а loisir.

 

– Combien coыtent les cierges? dit-il а la femme.

 

– Deux bajocs piиce.

 

En effet ils n’йtaient guиre plus gros qu’un tuyau de plume, et n’avaient pas un pied de long.

 

– Combien peut-on placer encore de cierges sur votre triangle?

 

– Soixante-trois, puisqu’il y en a sept d’allumйs.

 

«Ah! se dit Fabrice, soixante-trois et sept font soixante-dix: ceci encore est а noter.» Il paya les cierges, plaзa lui-mкme et alluma les sept premiers, puis se mit а genoux pour faire son offrande, et dit а la vieille femme en se relevant:

 

– C’est pour grвce reзue.

 

– Je meurs de faim, dit Fabrice а Ludovic, en le rejoignant.

 

– N’entrons point dans un cabaret, allons au logement; la maоtresse de la maison ira vous acheter ce qu’il faut pour dйjeuner; elle volera une vingtaine de sous et en sera d’autant plus attachйe au nouvel arrivant.

 

– Ceci ne tend а rien moins qu’а me faire mourir de faim une grande heure de plus, dit Fabrice en riant avec la sйrйnitй d’un enfant, et il entra dans un cabaret voisin de Saint-Pйtrone. A son extrкme surprise, il vit а une table voisine de celle oщ il йtait placй, Pйpй, le premier valet de chambre de sa tante, celui-lа mкme qui autrefois йtait venu а sa rencontre jusqu’а Genиve. Fabrice lui fit signe de se taire; puis, aprиs avoir dйjeunй rapidement, le sourire du bonheur errant sur ses lиvres, il se leva; Pйpй le suivit, et, pour la troisiиme fois notre hйros entra dans Saint-Pйtrone. Par discrйtion, Ludovic resta а se promener sur la place.

 

– Eh! mon Dieu, monseigneur! Comment vont vos blessures? Mme la duchesse est horriblement inquiиte: un jour entier elle vous a cru mort abandonnй dans quelque оle du Pф; je vais lui expйdier un courrier а l’instant mкme. Je vous cherche depuis six jours, j’en ai passй trois а Ferrare, courant toutes les auberges.

 

– Avez-vous un passeport pour moi?

 

– J’en ai trois diffйrents: l’un avec les noms et les titres de Votre Excellence; le second avec votre nom seulement, et le troisiиme sous un nom supposй, Joseph Bossi; chaque passeport est en double expйdition, selon que Votre Excellence voudra arriver de Florence ou de Modиne. Il ne s’agit que de faire une promenade hors de la ville. M. le comte vous verrait loger avec plaisir а l’auberge del Pelegrino, dont le maоtre est son ami.

 

Fabrice, ayant l’air de marcher au hasard, s’avanзa dans la nef droite de l’йglise jusqu’au lieu oщ ses cierges йtaient allumйs; ses yeux se fixиrent sur la madone de Cimabuй, puis il dit а Pйpй en s’agenouillant:

 

– Il faut que je rende grвces un instant.

 

Pйpй l’imita. Au sortir de l’йglise, Pйpй remarqua que Fabrice donnait une piиce de vingt francs au premier pauvre qui lui demanda l’aumфne; ce mendiant jeta des cris de reconnaissance qui attirиrent sur les pas de l’кtre charitable les nuйes de pauvres de tout genre qui ornent d’ordinaire la place de Saint-Pйtrone. Tous voulaient avoir leur part du napolйon. Les femmes, dйsespйrant de pйnйtrer dans la mкlйe qui l’entourait, fondirent sur Fabrice, lui criant s’il n’йtait pas vrai qu’il avait voulu donner son napolйon pour кtre divisй parmi tous les pauvres du bon Dieu. Pйpй, brandissant sa canne а pomme d’or, leur ordonna de laisser Son Excellence tranquille.

 

– Ah! Excellence, reprirent toutes ces femmes d’une voix plus perзante, donnez aussi un napolйon d’or pour les pauvres femmes! Fabrice doubla le pas, les femmes le suivirent en criant, et beaucoup de pauvres mвles, accourant par toutes les rues, firent comme une sorte de petite sйdition. Toute cette foule horriblement sale et йnergique criait:

 

– Excellence.

 

Fabrice eut beaucoup de peine а se dйlivrer de la cohue; cette scиne rappela son imagination sur la terre. «Je n’ai que ce que je mйrite, se dit-il, je me suis frottй а la canaille.»

 

Deux femmes le suivirent jusqu’а la porte de Saragosse par laquelle il sortait de la ville; Pйpй les arrкta en les menaзant sйrieusement de sa canne, et leur jetant quelque monnaie. Fabrice monta la charmante colline de San Michele in Bosco, fit le tour d’une partie de la ville en dehors des murs, prit un sentier, arriva а cinq cents pas sur la route de Florence, puis rentra dans Bologne et remit gravement au commis de la police un passeport oщ son signalement йtait notй d’une faзon fort exacte. Ce passeport le nommait Joseph Bossi, йtudiant en thйologie. Fabrice y remarqua une petite tache d’encre rouge jetйe, comme par hasard, au bas de la feuille vers l’angle droit. Deux heures plus tard il eut un espion а ses trousses, а cause du titre d’Excellence que son compagnon lui avait donnй devant les pauvres de Saint-Pйtrone, quoique son passeport ne portвt aucun des titres qui donnent а un homme le droit de se faire appeler excellence par ses domestiques.

 

Fabrice vit l’espion, et s’en moqua fort; il ne songeait plus ni aux passeports ni а la police, et s’amusait de tout comme un enfant. Pйpй, qui avait ordre de rester auprиs de lui, le voyant fort content de Ludovic, aima mieux aller porter lui-mкme de si bonnes nouvelles а la duchesse. Fabrice йcrivit deux trиs longues lettres aux personnes qui lui йtaient chиres; puis il eut l’idйe d’en йcrire une troisiиme au vйnйrable archevкque Landriani. Cette lettre produisit un effet merveilleux, elle contenait un rйcit fort exact du combat avec Giletti. Le bon archevкque, tout attendri, ne manqua pas d’aller lire cette lettre au prince, qui voulut bien l’йcouter, assez curieux de voir comment ce jeune monsignore s’y prenait pour excuser un meurtre aussi йpouvantable. Grвce aux nombreux amis de la marquise Raversi, le prince ainsi que toute la ville de Parme croyait que Fabrice s’йtait fait aider par vingt ou trente paysans pour assommer un mauvais comйdien qui avait l’insolence de lui disputer la petite Marietta. Dans les cours despotiques, le premier intrigant adroit dispose de la vйritй, comme la mode en dispose а Paris.

 

– Mais, que diable! disait le prince а l’archevкque, on fait faire ces choses-lа par un autre; mais les faire soi-mкme, ce n’est pas l’usage; et puis on ne tue pas un comйdien tel que Giletti, on l’achиte.

 

Fabrice ne se doutait en aucune faзon de ce qui se passait а Parme. Dans le fait, il s’agissait de savoir si la mort de ce comйdien, qui de son vivant gagnait trente-deux francs par mois, amиnerait la chute du ministиre ultra et de son chef le comte Mosca.

 

En apprenant la mort de Giletti, le prince, piquй des airs d’indйpendance que se donnait la duchesse, avait ordonnй au fiscal gйnйral Rassi de traiter tout ce procиs comme s’il se fыt agi d’un libйral. Fabrice, de son cфtй, croyait qu’un homme de son rang йtait au-dessus des lois; il ne calculait pas que dans les pays oщ les grands noms ne sont jamais punis, l’intrigue peut tout, mкme contre eux. Il parlait souvent а Ludovic de sa parfaite innocence qui serait bien vite proclamйe; sa grande raison c’est qu’il n’йtait pas coupable. Sur quoi Ludovic lui dit un jour:

 

– Je ne conзois pas comment Votre Excellence, qui a tant d’esprit et d’instruction, prend la peine de dire de ces choses-lа а moi qui suis son serviteur dйvouй; Votre Excellence use de trop de prйcautions, ces choses-lа sont bonnes а dire en public ou devant un tribunal.

 

«Cet homme me croit un assassin et ne m’en aime pas moins», se dit Fabrice, tombant de son haut.

 

Trois jours aprиs le dйpart de Pйpй, il fut bien йtonnй de recevoir une lettre йnorme fermйe avec une tresse de soie comme du temps de Louis XIV, et adressйe а Son Excellence rйvйrendissime Mgr Fabrice del Dongo, premier grand vicaire du diocиse de Parme, chanoine, etc.

 

«Mais, est-ce que je suis encore tout cela?» se dit-il en riant. L’йpоtre de l’archevкque Landriani йtait un chef-d’њuvre de logique et de clartй; elle n’avait pas moins de dix-neuf grandes pages, et racontait fort bien tout ce qui s’йtait passй а Parme а l’occasion de la mort de Giletti.

 

Une armйe franзaise commandйe par le marйchal Ney et marchant sur la ville n’aurait pas produit plus d’effet, lui disait le bon archevкque; а l’exception de la duchesse et de moi, mon trиs cher fils, tout le monde croit que vous vous кtes donnй le plaisir de tuer l’histrion Giletti. Ce malheur vous fыt-il arrivй, ce sont de ces choses qu’on assoupit avec deux cents louis et une absence de six mois; mais la Raversi veut renverser le comte Mosca а l’aide de cet incident. Ce n’est point l’affreux pйchй du meurtre que le public blвme en vous, c’est uniquement la maladresse ou plutфt l’insolence de ne pas avoir daignй recourir а un bulo (sorte de fier-а-bras, subalterne).Je vous traduis ici en termes clairs les discours qui m’environnent, car depuis ce malheur а jamais dйplorable, je me rends tous les jours dans trois maisons des plus considйrables de la ville pour avoir l’occasion de vous justifier. Et jamais je n’ai cru faire un plus saint usage du peu d’йloquence que le Ciel a daignй m’accorder.

 

Les йcailles tombaient des yeux de Fabrice, les nombreuses lettres de la duchesse, remplies de transports d’amitiй, ne daignaient jamais raconter. La duchesse lui jurait de quitter Parme а jamais, si bientфt il n’y rentrait triomphant.

 

«Le comte fera pour toi, lui disait-elle dans la lettre qui accompagnait celle de l’archevкque, tout ce qui est humainement possible. Quant а moi, tu as changй mon caractиre avec cette belle йquipйe; je suis maintenant aussi avare que le banquier Tombone; j’ai renvoyй tous mes ouvriers, j’ai fait plus, j’ai dictй au comte l’inventaire de ma fortune, qui s’est trouvйe bien moins considйrable que je ne le pensais. Aprиs la mort de l’excellent comte Pietranera, que, par parenthиse, tu aurais bien plutфt dы venger, au lieu de t’exposer contre un кtre de l’espиce de Giletti, je restai avec douze cents livres de rente et cinq mille francs de dette; je me souviens, entre autres choses, que j’avais deux douzaines et demie de souliers de satin blanc venant de Paris, et une seule paire de souliers pour marcher dans la rue. Je suis presque dйcidйe а prendre les trois cent mille francs que me laisse le duc, et que je voulais employer en entier а lui йlever un tombeau magnifique. Au reste, c’est la marquise Raversi qui est ta principale ennemie, c’est-а-dire la mienne; si tu t’ennuies seul а Bologne, tu n’as qu’а dire un mot, j’irai te joindre. Voici quatre nouvelles lettres de change, etc.»

 

La duchesse ne disait mot а Fabrice de l’opinion qu’on avait а Parme sur son affaire, elle voulait avant tout le consoler et, dans tous les cas, la mort d’un кtre ridicule tel que Giletti ne lui semblait pas de nature а кtre reprochйe sйrieusement а del Dongo.

 

– Combien de Giletti nos ancкtres n’ont-ils pas envoyйs dans l’autre monde, disait-elle au comte, sans que personne se soit mis en tкte de leur en faire un reproche!

 

Fabrice tout йtonnй, et qui entrevoyait pour la premiиre fois le vйritable йtat des choses, se mit а йtudier la lettre de l’archevкque. Par malheur l’archevкque lui-mкme le croyait plus au fait qu’il ne l’йtait rйellement. Fabrice comprit que ce qui faisait surtout le triomphe de la marquise Raversi, c’est qu’il йtait impossible de trouver des tйmoins de visu de ce fatal combat. Le valet de chambre qui le premier en avait apportй la nouvelle а Parme йtait а l’auberge du village Sanguigna lorsqu’il avait eu lieu; la petite Marietta et la vieille femme qui lui servait de mиre avaient disparu, et la marquise avait achetй le veturino qui conduisait la voiture et qui faisait maintenant une dйposition abominable.

 

Quoique la procйdure soit environnйe du plus profond mystиre, йcrivait le bon archevкque avec son style cicйronien, et dirigйe par le fiscal gйnйral Rassi, dont la seule charitй chrйtienne peut m’empкcher de dire du mal, mais qui a fait sa fortune en s’acharnant aprиs les malheureux accusйs comme le chien de chasse aprиs le liиvre; quoique le Rassi, dis-je, dont votre imagination ne saurait s’exagйrer la turpitude et la vйnalitй, ait йtй chargй de la direction du procиs par un prince irritй, j’ai pu lire les trois dйpositions du veturino. Par un insigne bonheur, ce malheureux se contredit. Et j’ajouterai, parce que je parle а mon vicaire gйnйral, а celui qui, aprиs moi, doit avoir la direction de ce diocиse, que j’ai mandй le curй de la paroisse qu’habite ce pйcheur йgarй. Je vous dirai, mon trиs cher fils, mais sous le secret de la confession, que ce curй connaоt dйjа, par la femme du veturino, le nombre d’йcus qu’il a reзu de la marquise Raversi; je n’oserai dire que la marquise a exigй de lui de vous calomnier, mais le fait est probable. Les йcus ont йtй remis par un malheureux prкtre qui remplit des fonctions peu relevйes auprиs de cette marquise, et auquel j’ai йtй obligй d’interdire la messe pour la seconde fois. Je ne vous fatiguerai point du rйcit de plusieurs autres dйmarches que vous deviez attendre de moi, et qui d’ailleurs rentrent dans mon devoir. Un chanoine, votre collиgue а la cathйdrale, et qui d’ailleurs se souvient un peu trop quelquefois de l’influence que lui donnent les biens de sa famille dont, par la permission divine, il est restй le seul hйritier, s’йtant permis de dire chez M. le comte Zurla, ministre de l’Intйrieur, qu’il regardait cette bagatelle comme prouvйe contre vous (il parlait de l’assassinat du malheureux Giletti), je l’ai fait appeler devant moi, et lа, en prйsence de mes trois autres vicaires gйnйraux, de mon aumфnier et de deux curйs qui se trouvaient dans la salle d’attente, je l’ai priй de nous communiquer, а nous ses frиres, les йlйments de la conviction complиte qu’il disait avoir acquise contre un de ses collиgues а la cathйdrale; le malheureux n’a pu articuler que des raisons peu concluantes; tout le monde s’est йlevй contre lui, et quoique je n’aie cru devoir ajouter que bien peu de paroles, il a fondu en larmes et nous a rendus tйmoins du plein aveu de son erreur complиte, sur quoi je lui ai promis le secret en mon nom et en celui de toutes les personnes qui avaient assistй а cette confйrence, sous la condition toutefois qu’il mettrait tout son zиle а rectifier les fausses impressions qu’avaient pu causer les discours par lui profйrйs depuis quinze jours.

 

Je ne vous rйpйterai point, mon cher fils, ce que vous devez savoir depuis longtemps, c’est-а-dire que des trente-quatre paysans employйs а la fouille entreprise par le comte Mosca et que la Raversi prйtend soldйs par vous pour vous aider dans un crime, trente-deux йtaient au fond de leur fossй, tout occupйs de leurs travaux, lorsque vous vous saisоtes du couteau de chasse et l’employвtes а dйfendre votre vie contre l’homme qui vous attaquait а l’improviste. Deux d’entre eux, qui йtaient hors du fossй, criиrent aux autres:On assassine Monseigneur!Ce cri seul montre votre innocence dans tout son йclat. Eh bien! le fiscal gйnйral Rassi prйtend que ces deux hommes ont disparu, bien plus, on a retrouvй huit des hommes qui йtaient au fond du fossй; dans leur premier interrogatoire six ont dйclarй avoir entendu le cri on assassine Monseigneur!Je sais, par voies indirectes, que dans leur cinquiиme interrogatoire, qui a eu lieu hier soir, cinq ont dйclarй qu’ils ne se souvenaient pas bien s’ils avaient entendu directement ce cri ou si seulement il leur avait йtй racontй par quelqu’un de leurs camarades. Des ordres sont donnйs pour que l’on me fasse connaоtre la demeure de ces ouvriers terrassiers, et leurs curйs leur feront comprendre qu’ils se damnent si, pour gagner quelques йcus, ils se laissent aller а altйrer la vйritй.

 

Le bon archevкque entrait dans des dйtails infinis, comme on peut en juger par ceux que nous venons de rapporter. Puis il ajoutait en se servant de la langue latine:

 

Cette affaire n’est rien moins qu’une tentative de changement de ministиre. Si vous кtes condamnй, ce ne peut кtre qu’aux galиres ou а la mort, auquel cas j’interviendrais en dйclarant, du haut de ma chaire archiйpiscopale, que je sais que vous кtes innocent, que vous avez tout simplement dйfendu votre vie contre un brigand, et qu’enfin je vous ai dйfendu de revenir а Parme tant que vos ennemis y triompheront; je me propose mкme de stigmatiser, comme il le mйrite, le fiscal gйnйral; la haine contre cet homme est aussi commune que l’estime pour son caractиre est rare. Mais enfin la veille du jour oщ ce fiscal prononcera cet arrкt si injuste, la duchesse Sanseverina quittera la ville et peut-кtre mкme les Etats de Parme: dans ce cas l’on ne fait aucun doute que le comte ne donne sa dйmission. Alors, trиs probablement, le gйnйral Fabio Conti arrive au ministиre, et la marquise Raversi triomphe. Le grand mal de votre affaire, c’est qu’aucun homme entendu n’est chargй en chef des dйmarches nйcessaires pour mettre au jour votre innocence et dйjouer les tentatives faites pour suborner des tйmoins. Le comte croit remplir ce rфle; mais il est trop grand seigneur pour descendre а de certains dйtails; de plus, en sa qualitй de ministre de la police, il a dы donner, dans le premier moment, les ordres les plus sйvиres contre vous. Enfin, oserai-je le dire? Notre souverain seigneur vous croit coupable, ou du moins simule cette croyance, et apporte quelque aigreur dans cette affaire.

 

(Les mots correspondant а “notre souverain seigneur” et “а simule cette croyance” йtaient en grec, et Fabrice sut un grй infini а l’archevкque d’avoir osй les йcrire. Il coupa avec un canif cette ligne de sa lettre, et la dйtruisit sur-le-champ.)

 

Fabrice s’interrompit vingt fois en lisant cette lettre; il йtait agitй des transports de la plus vive reconnaissance: il rйpondit а l’instant par une lettre de huit pages. Souvent il fut obligй de relever la tкte pour que ses larmes ne tombassent pas sur son papier. Le lendemain, au moment de cacheter cette lettre, il en trouva le ton trop mondain. «Je vais l’йcrire en latin, se dit-il, elle en paraоtra plus convenable au digne archevкque.» Mais en cherchant а construire de belles phrases latines bien longues, bien imitйes de Cicйron, il se rappela qu’un jour l’archevкque, lui parlant de Napolйon, affectait de l’appeler Buonaparte; а l’instant disparut toute l’йmotion qui la veille le touchait jusqu’aux larmes. «O roi d’Italie, s’йcria-t-il, cette fidйlitй que tant d’autres t’ont jurйe de ton vivant, je te la garderai aprиs ta mort. Il m’aime, sans doute, mais parce que je suis un del Dongo et lui le fils d’un bourgeois.» Pour que sa belle lettre en italien ne fыt pas perdue, Fabrice y fit quelques changements nйcessaires, et l’adressa au comte Mosca.

 

Ce jour-lа mкme, Fabrice rencontra dans la rue la petite Marietta; elle devint rouge de bonheur, et lui fit signe de la suivre sans l’aborder. Elle gagna rapidement un portique dйsert; lа, elle avanзa encore la dentelle noire qui, suivant la mode du pays, lui couvrait la tкte, de faзon а ce qu’elle ne pыt кtre reconnue; puis, se retournant vivement:

 

– Comment se fait-il, dit-elle а Fabrice, que vous marchiez ainsi librement dans la rue?

 

Fabrice lui raconta son histoire.

 

– Grand Dieu! vous avez йtй а Ferrare! Moi qui vous y ai tant cherchй! Vous saurez que je me suis brouillйe avec la vieille femme parce qu’elle voulait me conduire а Venise, oщ je savais bien que vous n’iriez jamais, puisque vous кtes sur la liste noire de l’Autriche. J’ai vendu mon collier d’or pour venir а Bologne, un pressentiment m’annonзait le bonheur que j’ai de vous y rencontrer; la vieille femme est arrivйe deux jours aprиs moi. Ainsi, je ne vous engagerai point а venir chez nous, elle vous ferait encore de ces vilaines demandes d’argent qui me font tant de honte. Nous avons vйcu fort convenablement depuis le jour fatal que vous savez, et nous n’avons pas dйpensй le quart de ce que vous lui donnвtes. Je ne voudrais pas aller vous voir а l’auberge du Pelegrino, ce serait une publicitй. Tвchez de louer une petite chambre dans une rue dйserte, et а l’Ave Maria (la tombйe de la nuit), je me trouverai ici, sous ce mкme portique.

 

Ces mots dits, elle prit la fuite.

 


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