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Chapitre XIV. Pensйes d’une jeune fille

Chapitre III. Les Premiers pas | Chapitre IV. L’Hфtel de La Mole | Chapitre V. La Sensibilitй et une grande Dame dйvote | Chapitre VI Maniиre de prononcer | Chapitre VII. Une attaque de goutte | Chapitre VIII. Quelle est la dйcoration qui distingue ? | Chapitre IX. Le Bal | Chapitre X. La Reine Marguerite | Chapitre XI. L’Empire d’une jeune fille! | Chapitre XII. Serait-ce un Danton ? |


Читайте также:
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  2. Chapitre II Les camarades
  3. Chapitre II. Entrйe dans le monde
  4. Chapitre II. Un maire
  5. Chapitre III L’Avion
  6. Chapitre III. Le Bien des pauvres
  7. Chapitre III. Les Premiers pas

 

Que de perplexitйs! Que de nuits passйes sans sommeil! Grand Dieu! vais-je me rendre mйprisable? Il me mйprisera lui-mкme. Mais il part, il s’йloigne.

 

Alfred DE MUSSET.

 

Ce n’йtait point sans combats que Mathilde avait йcrit. Quel qu’eыt йtй le commencement de son intйrкt pour Julien, bientфt il domina l’orgueil qui, depuis qu’elle se connaissait, rйgnait seul dans son cњur. Cette вme haute et froide йtait emportйe pour la premiиre fois par un sentiment passionnй. Mais s’il dominait l’orgueil, il йtait encore fidиle aux habitudes de l’orgueil. Deux mois de combats et de sensations nouvelles renouvelиrent pour ainsi dire tout son кtre moral.

 

Mathilde croyait voir le bonheur. Cette vue toute-puissante sur les вmes courageuses, liйes а un esprit supйrieur, eut а lutter longuement contre la dignitй et tous les sentiments de devoirs vulgaires. Un jour, elle entra chez sa mиre, dиs sept heures du matin, la priant de lui permettre de se rйfugier а Villequier. La marquise ne daigna pas mкme lui rйpondre, et lui conseilla d’aller se remettre au lit. Ce fut le dernier effort de la sagesse vulgaire et de la dйfйrence aux idйes reзues.

 

La crainte de mal faire et de heurter les idйes tenues pour sacrйes par les Caylus, les de Luz, les Croisenois, avait assez peu d’empire sur son вme; de tels кtres ne lui semblaient pas faits pour la comprendre; elle les eыt consultйs s’il eыt йtй question d’acheter une calиche ou une terre. Sa vйritable terreur йtait que Julien ne fыt mйcontent d’elle.

 

Peut-кtre aussi n’a-t-il que les apparences d’un homme supйrieur?

 

Elle abhorrait le manque de caractиre, c’йtait sa seule objection contre les beaux jeunes gens qui l’entouraient. Plus ils plaisantaient avec grвce tout ce qui s’йcarte de la mode, ou la suit mal croyant la suivre, plus ils se perdaient а ses yeux.

 

Ils йtaient braves, et voilа tout. Et encore, comment braves? se disait-elle: en duel. Mais le duel n’est plus qu’une cйrйmonie. Tout en est su d’avance, mкme ce que l’on doit dire en tombant. Йtendu sur le gazon, et la main sur le cњur, il faut un pardon gйnйreux pour l’adversaire et un mot pour une belle souvent imaginaire, ou bien qui va au bal le jour de votre mort, de peur d’exciter les soupзons.

 

On brave le danger а la tкte d’un escadron tout brillant d’acier, mais le danger solitaire, singulier, imprйvu, vraiment laid?

 

Hйlas! se disait Mathilde, c’йtait а la cour de Henri III que l’on trouvait des hommes grands par le caractиre comme par la naissance! Ah! si Julien avait servi а Jarnac ou а Moncontour, je n’aurais plus de doute. En ces temps de vigueur et de force, les Franзais n’йtaient pas des poupйes. Le jour de la bataille йtait presque celui des moindres perplexitйs.

 

Leur vie n’йtait pas emprisonnйe comme une momie d’Йgypte, sous une enveloppe toujours commune а tous, toujours la mкme. Oui, ajoutait-elle, il y avait plus de vrai courage а se retirer seul а onze heures du soir, en sortant de l’hфtel de Soissons, habitй par Catherine de Mйdicis, qu’aujourd’hui а courir а Alger. La vie d’un homme йtait une suite de hasards. Maintenant la civilisation a chassй le hasard, plus d’imprйvu. S’il paraоt dans les idйes, il n’est pas assez d’йpigrammes pour lui; s’il paraоt dans les йvйnements, aucune lвchetй n’est au-dessus de notre peur. Quelque folie que nous fasse faire la peur, elle est excusйe. Siиcle dйgйnйrй et ennuyeux! Qu’aurait dit Boniface de La Mole, si, levant hors de la tombe sa tкte coupйe, il eыt vu, en 1793, dix-sept de ses descendants se laisser prendre comme des moutons, pour кtre guillotinйs deux jours aprиs? La mort йtait certaine, mais il eыt йtй de mauvais ton de se dйfendre et de tuer au moins un jacobin ou deux. Ah! dans les temps hйroпques de la France, au siиcle de Boniface de La Mole, Julien eыt йtй le chef d’escadron, et mon frиre le jeune prкtre aux mњurs convenables, avec la sagesse dans les yeux et la raison а la bouche.

 

Quelques mois auparavant, Mathilde dйsespйrait de rencontrer un кtre un peu diffйrent du patron commun. Elle avait trouvй quelque bonheur en se permettant d’йcrire а quelques jeunes gens de la sociйtй. Cette hardiesse si inconvenante, si imprudente chez une jeune fille, pouvait la dйshonorer aux yeux de M. de Croisenois, du duc de Chaulnes son grand-pиre, et de tout l’hфtel de Chaulnes, qui, voyant se rompre le mariage projetй, aurait voulu savoir pourquoi. En ce temps-lа, les jours oщ elle avait йcrit une de ses lettres, Mathilde ne pouvait dormir. Mais ces lettres n’йtaient que des rйponses.

 

Ici elle osait dire qu’elle aimait. Elle йcrivait la premiиre (quel mot terrible!) а un homme placй dans les derniers rangs de la sociйtй.

 

Cette circonstance assurait, en cas de dйcouverte, un dйshonneur йternel. Laquelle des femmes venant chez sa mиre eыt osй prendre son parti? Quelle phrase eыt-on pu leur donner а rйpйter pour amortir le coup de l’affreux mйpris de salons?

 

Et encore parler йtait affreux, mais йcrire! Il est des choses qu’on n’йcrit pas, s’йcriait Napolйon apprenant la capitulation de Baylen. Et c’йtait Julien qui lui avait contй ce mot! comme lui faisant d’avance une leзon.

 

Mais tout cela n’йtait rien encore, l’angoisse de Mathilde avait d’autres causes. Oubliant l’effet horrible sur la sociйtй, la tache ineffaзable et toute pleine de mйpris, car elle outrageait sa caste, Mathilde allait йcrire а un кtre d’une bien autre nature que les Croisenois, les de Luz, les Caylus.

 

La profondeur, l’inconnu du caractиre de Julien eussent effrayй, mкme en nouant avec lui une relation ordinaire. Et elle en allait faire son amant, peut-кtre son maоtre!

 

Quelles ne seront pas ses prйtentions, si jamais il peut tout sur moi? Eh bien! je me dirai comme Mйdйe: Au milieu de tant de pйrils, il me reste MOI.

 

Julien n’avait nulle vйnйration pour la noblesse du sang, croyait-elle. Bien plus, peut-кtre il n’avait nul amour pour elle!

 

Dans ces derniers moments de doutes affreux, se prйsentиrent les idйes d’orgueil fйminin. Tout doit кtre singulier dans le sort d’une fille comme moi, s’йcria Mathilde impatientйe. Alors l’orgueil qu’on lui avait inspirй dиs le berceau se battait contre la vertu. Ce fut dans cet instant que le dйpart de Julien vint tout prйcipiter.

 

(De tels caractиres sont heureusement fort rares.)

 

Le soir, fort tard, Julien eut la malice de faire descendre une malle trиs pesante chez le portier; il appela pour la transporter le valet de pied qui faisait la cour а la femme de chambre de Mlle de La Mole. Cette manњuvre peut n’avoir aucun rйsultat, se dit-il, mais si elle rйussit, elle me croit parti. Il s’endormit fort gai sur cette plaisanterie. Mathilde ne ferma pas l’њil.

 

Le lendemain, de fort grand matin, Julien sortit de l’hфtel sans кtre aperзu, mais il rentra avant huit heures.

 

А peine йtait-il dans la bibliothиque, que Mlle de La Mole parut sur la porte. Il lui remit sa rйponse. Il pensait qu’il йtait de son devoir de lui parler; rien n’йtait plus commode, du moins, mais Mlle de La Mole ne voulut pas l’йcouter et disparut. Julien en fut charmй, il ne savait que lui dire.

 

Si tout ceci n’est pas un jeu convenu avec le comte Norbert, il est clair que ce sont mes regards pleins de froideur qui ont allumй l’amour baroque que cette fille de si haute naissance s’avise d’avoir pour moi. Je serais un peu plus sot qu’il ne convient, si jamais je me laissais entraоner а avoir du goыt pour cette grande poupйe blonde. Ce raisonnement le laissa plus froid et plus calculant qu’il n’avait jamais йtй.

 

Dans la bataille qui se prйpare, ajouta-t-il, l’orgueil de la naissance sera comme une colline йlevйe, formant position militaire entre elle et moi. C’est lа-dessus qu’il faut manњuvrer. J’ai fort mal fait de rester а Paris; cette remise de mon dйpart m’avilit et m’expose, si tout ceci n’est qu’un jeu. Quel danger y avait-il а partir? Je me moquais d’eux, s’ils se moquent de moi. Si son intйrкt pour moi a quelque rйalitй, je centuplais cet intйrкt.

 

La lettre de Mlle de La Mole avait donnй а Julien une jouissance de vanitй si vive, que, tout en riant de ce qui lui arrivait, il avait oubliй de songer sйrieusement а la convenance du dйpart.

 

C’йtait une fatalitй de son caractиre d’кtre extrкmement sensible а ses fautes. Il йtait fort contrariй de celle-ci, et ne songeait presque plus а la victoire incroyable qui avait prйcйdй ce petit йchec, lorsque, vers les neuf heures, Mlle de La Mole parut sur le seuil de la porte de la bibliothиque, lui jeta une lettre et s’enfuit.

 

Il paraоt que ceci va кtre le roman par lettres, dit-il en relevant celle-ci. L’ennemi fait un faux mouvement, moi je vais faire donner la froideur et la vertu.

 

On lui demandait une rйponse dйcisive avec une hauteur qui augmenta sa gaietй intйrieure. Il se donna le plaisir de mystifier, pendant deux pages, les personnes qui voudraient se moquer de lui, et ce fut encore par une plaisanterie qu’il annonзa, vers la fin de sa rйponse, son dйpart dйcidй pour le lendemain matin.

 

Cette lettre terminйe: Le jardin va me servir pour la remettre, pensa-t-il, et il y alla. Il regardait la fenкtre de la chambre de Mlle de La Mole.

 

Elle йtait au premier йtage, а cфtй de l’appartement de sa mиre, mais il y avait un grand entresol.

 

Ce premier йtait tellement йlevй, qu’en se promenant sous l’allйe de tilleuls, sa lettre а la main, Julien ne pouvait кtre aperзu de la fenкtre de Mlle de La Mole. La voыte formйe par les tilleuls, fort bien taillйs, interceptait la vue. Mais quoi! se dit Julien avec humeur, encore une imprudence! Si l’on a entrepris de se moquer de moi, me faire voir une lettre а la main, c’est servir mes ennemis.

 

La chambre de Norbert йtait prйcisйment au-dessus de celle de sa sњur, et si Julien sortait de la voыte formйe par les branches taillйes des tilleuls, le comte et ses amis pouvaient suivre tous ses mouvements.

 

Mlle de La Mole parut derriиre sa vitre; il montra sa lettre а demi; elle baissa la tкte. Aussitфt Julien remonta chez lui en courant, et rencontra par hasard, dans le grand escalier, la belle Mathilde, qui saisit sa lettre avec une aisance parfaite et des yeux riants.

 

Que de passion il y avait dans les yeux de cette pauvre Mme de Rкnal, se dit Julien, quand, mкme aprиs six mois de relations intimes, elle osait recevoir une lettre de moi! De sa vie, je crois, elle ne m’a regardй avec des yeux riants.

 

Il ne s’exprima pas aussi nettement le reste de sa rйponse; avait-il honte de la futilitй des motifs? Mais aussi quelle diffйrence, ajoutait sa pensйe, dans l’йlйgance de la robe du matin, dans l’йlйgance de la tournure! En apercevant Mlle de La Mole а trente pas de distance, un homme de goыt devinerait le rang qu’elle occupe dans la sociйtй. Voilа ce qu’on peut appeler un mйrite explicite.

 

Tout en plaisantant, Julien ne s’avouait pas encore toute sa pensйe; Mme de Rкnal n’avait pas de marquis de Croisenois а lui sacrifier. Il n’avait pour rival que cet ignoble sous-prйfet M. Charcot, qui se faisait appeler de Maugiron, parce qu’il n’y a plus de Maugirons.

 

А cinq heures, Julien reзut une troisiиme lettre; elle lui fut lancйe de la porte de la bibliothиque. Mlle de La Mole s’enfuit encore. Quelle manie d’йcrire! se dit-il en riant, quand on peut se parler si commodйment! L’ennemi veut avoir de mes lettres, c’est clair, et plusieurs! Il ne se hвtait point d’ouvrir celle-ci. Encore des phrases йlйgantes, pensait-il; mais il pвlit en lisant. Il n’y avait que huit lignes.

 

«J’ai besoin de vous parler: il faut que je vous parle, ce soir; au moment oщ une heure aprиs minuit sonnera, trouvez-vous dans le jardin. Prenez la grande йchelle du jardinier auprиs du puits; placez-la contre ma fenкtre et montez chez moi. Il fait clair de lune: n’importe.»


Дата добавления: 2015-11-14; просмотров: 39 | Нарушение авторских прав


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