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Chapitre XVI. Le Lendemain

Chapitre V. Une nйgociation | Chapitre VI. L’Ennui | Chapitre VII. Les Affinitйs йlectives | Chapitre VIII. Petits йvйnements | Chapitre IX. Une soirйe а la campagne | Chapitre X. Un grand cњur et une petite fortune | Chapitre XI. Une soirйe | Chapitre XII. Un voyage | Chapitre XIII. Les Bas а jour | Chapitre XIV. Les Ciseaux anglais |


Читайте также:
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  2. Chapitre II Les camarades
  3. Chapitre II. Entrйe dans le monde
  4. Chapitre II. Un maire
  5. Chapitre III L’Avion
  6. Chapitre III. Le Bien des pauvres
  7. Chapitre III. Les Premiers pas

 

He turn’d his lips to hers, and with his hand

Call’d back the tangles of her wandering hair.

 

Don Juan, C. I, st. 170.

 

Heureusement pour la gloire de Julien, Mme de Rкnal avait йtй trop agitйe, trop йtonnйe, pour apercevoir la sottise de l’homme qui, en un moment, йtait devenu tout au monde pour elle.

 

Comme elle l’engageait а se retirer, voyant poindre le jour:

 

– Oh! mon Dieu, disait-elle, si mon mari a entendu du bruit, je suis perdue.

 

Julien, qui avait le temps de faire des phrases, se souvint de celle-ci:

 

– Regretteriez-vous la vie?

 

– Ah! beaucoup dans ce moment! mais je ne regretterais pas de vous avoir connu.

 

Julien trouva de sa dignitй de rentrer exprиs au grand jour et avec imprudence.

 

L’attention continue avec laquelle il йtudiait ses moindres actions, dans la folle idйe de paraоtre un homme d’expйrience, n’eut qu’un avantage; lorsqu’il revit Mme de Rкnal а dйjeuner, sa conduite fut un chef-d’њuvre de prudence.

 

Pour elle, elle ne pouvait le regarder sans rougir jusqu’aux yeux, et ne pouvait vivre un instant sans le regarder; elle s’apercevait de son trouble, et ses efforts pour le cacher le redoublaient. Julien ne leva qu’une seule fois les yeux sur elle. D’abord, Mme de Rкnal admira sa prudence. Bientфt, voyant que cet unique regard ne se rйpйtait pas, elle fut alarmйe: «Est-ce qu’il ne m’aimerait plus, se dit-elle; hйlas! je suis bien vieille pour lui; j’ai dix ans de plus que lui.»

 

En passant de la salle а manger au jardin, elle serra la main de Julien. Dans la surprise que lui causa une marque d’amour si extraordinaire, il la regarda avec passion, car elle lui avait semblй bien jolie au dйjeuner, et, tout en baissant les yeux, il avait passй son temps а se dйtailler ses charmes. Ce regard consola Mme de Rкnal; il ne lui фta pas toutes ses inquiйtudes; mais ses inquiйtudes lui фtaient presque tout а fait ses remords envers son mari.

 

Au dйjeuner, ce mari ne s’йtait aperзu de rien; il n’en йtait pas de mкme de Mme Derville: elle crut Mme de Rкnal sur le point de succomber. Pendant toute la journйe, son amitiй hardie et incisive ne lui йpargna pas les demi-mots destinйs а lui peindre, sous de hideuses couleurs, le danger qu’elle courait.

 

Mme de Rкnal brыlait de se trouver seule avec Julien; elle voulait lui demander s’il l’aimait encore. Malgrй la douceur inaltйrable de son caractиre, elle fut plusieurs fois sur le point de faire entendre а son amie combien elle йtait importune.

 

Le soir, au jardin, Mme Derville arrangea si bien les choses, qu’elle se trouva placйe entre Mme de Rкnal et Julien. Mme de Rкnal, qui s’йtait fait une image dйlicieuse du plaisir de serrer la main de Julien et de la porter а ses lиvres, ne put pas mкme lui adresser un mot.

 

Ce contretemps augmenta son agitation. Elle йtait dйvorйe d’un remords. Elle avait tant grondй Julien de l’imprudence qu’il avait faite en venant chez elle la nuit prйcйdente, qu’elle tremblait qu’il ne vоnt pas celle-ci. Elle quitta le jardin de bonne heure, et alla s’йtablir dans sa chambre. Mais, ne tenant pas а son impatience, elle vint coller son oreille contre la porte de Julien. Malgrй l’incertitude et la passion qui la dйvoraient, elle n’osa point entrer. Cette action lui semblait la derniиre des bassesses, car elle sert de texte а un dicton de province.

 

Les domestiques n’йtaient pas tous couchйs. La prudence l’obligea enfin а revenir chez elle. Deux heures d’attente furent deux siиcles de tourments.

 

Mais Julien йtait trop fidиle а ce qu’il appelait le devoir, pour manquer а exйcuter de point en point ce qu’il s’йtait prescrit.

 

Comme une heure sonnait, il s’йchappa doucement de sa chambre, s’assura que le maоtre de la maison йtait profondйment endormi, et parut chez Mme de Rкnal. Ce jour-lа, il trouva plus de bonheur auprиs de son amie, car il songea moins constamment au rфle а jouer. Il eut des yeux pour voir et des oreilles pour entendre. Ce que Mme de Rкnal lui dit de son вge contribua а lui donner quelque assurance.

 

– Hйlas! j’ai dix ans de plus que vous! comment pouvez-vous m’aimer! lui rйpйtait-elle sans projet, et parce que cette idйe l’opprimait.

 

Julien ne concevait pas ce malheur, mais il vit qu’il йtait rйel, et il oublia presque toute sa peur d’кtre ridicule.

 

La sotte idйe d’кtre regardй comme un amant subalterne, а cause de sa naissance obscure, disparut aussi. А mesure que les transports de Julien rassuraient sa timide maоtresse, elle reprenait un peu de bonheur et la facultй de juger son amant. Heureusement, il n’eut presque pas ce jour-lа cet air empruntй qui avait fait du rendez-vous de la veille une victoire, mais non pas un plaisir. Si elle se fыt aperзue de son attention а jouer un rфle, cette triste dйcouverte lui eыt а jamais enlevй tout bonheur. Elle n’y eыt pu voir autre chose qu’un triste effet de la disproportion des вges.

 

Quoique Mme de Rкnal n’eыt jamais pensй aux thйories de l’amour, la diffйrence d’вge est, aprиs celle de fortune, un des grands lieux communs de la plaisanterie de province, toutes les fois qu’il est question d’amour.

 

En peu de jours, Julien, rendu а toute l’ardeur de son вge, fut йperdument amoureux.

 

Il faut convenir, se disait-il, qu’elle a une bontй d’вme angйlique, et l’on n’est pas plus jolie.

 

Il avait perdu presque tout а fait l’idйe du rфle а jouer. Dans un moment d’abandon, il lui avoua mкme toutes ses inquiйtudes. Cette confidence porta а son comble la passion qu’il inspirait. Je n’ai donc point eu de rivale heureuse, se disait Mme de Rкnal avec dйlices! Elle osa l’interroger sur le portrait auquel il mettait tant d’intйrкt; Julien lui jura que c’йtait celui d’un homme.

 

Quand il restait а Mme de Rкnal assez de sang-froid pour rйflйchir, elle ne revenait pas de son йtonnement qu’un tel bonheur existвt, et que jamais elle ne s’en fыt doutйe.

 

Ah! se disait-elle, si j’avais connu Julien il y a dix ans, quand je pouvais encore passer pour jolie!

 

Julien йtait fort йloignй de ces pensйes. Son amour йtait encore de l’ambition; c’йtait de la joie de possйder, lui pauvre кtre si malheureux et si mйprisй, une femme aussi noble et aussi belle. Ses actes d’adoration, ses transports а la vue des charmes de son amie, finirent par la rassurer un peu sur la diffйrence d’вge. Si elle eыt possйdй un peu de ce savoir-vivre dont une femme de trente ans jouit depuis longtemps dans les pays plus civilisйs, elle eыt frйmi pour la durйe d’un amour qui ne semblait vivre que de surprise et de ravissement d’amour-propre.

 

Dans ses moments d’oubli d’ambition, Julien admirait avec transport jusqu’aux chapeaux, jusqu’aux robes de Mme de Rкnal. Il ne pouvait se rassasier du plaisir de sentir leur parfum. Il ouvrait son armoire de glace et restait des heures entiиres admirant la beautй et l’arrangement de tout ce qu’il y trouvait. Son amie, appuyйe sur lui, le regardait; lui, regardait ces bijoux, ces chiffons qui, la veille d’un mariage, emplissent une corbeille de noce.

 

J’aurais pu йpouser un tel homme! pensait quelquefois Mme de Rкnal; quelle вme de feu! quelle vie ravissante avec lui!

 

Pour Julien, jamais il ne s’йtait trouvй aussi prиs de ces terribles instruments de l’artillerie fйminine. Il est impossible, se disait-il, qu’а Paris on ait quelque chose de plus beau! Alors il ne trouvait point d’objection а son bonheur. Souvent la sincиre admiration et les transports de sa maоtresse lui faisaient oublier la vaine thйorie qui l’avait rendu si compassй et presque si ridicule dans les premiers moments de cette liaison. Il y eut des moments oщ, malgrй ses habitudes d’hypocrisie, il trouvait une douceur extrкme а avouer а cette grande dame qui l’admirait son ignorance d’une foule de petits usages. Le rang de sa maоtresse semblait l’йlever au-dessus de lui-mкme. Mme de Rкnal, de son cфtй, trouvait la plus douce des voluptйs morales а instruire ainsi, dans une foule de petites choses, ce jeune homme rempli de gйnie, et qui йtait regardй par tout le monde comme devant un jour aller si loin. Mкme le sous-prйfet et M. Valenod ne pouvaient s’empкcher de l’admirer; ils lui en semblaient moins sots. Quant а Mme Derville, elle йtait bien loin d’avoir а exprimer les mкmes sentiments. Dйsespйrйe de ce qu’elle croyait deviner, et voyant que les sages avis devenaient odieux а une femme qui, а la lettre, avait perdu la tкte, elle quitta Vergy sans donner une explication qu’on se garda de lui demander. Mme de Rкnal en versa quelques larmes, et bientфt il lui sembla que sa fйlicitй redoublait. Par ce dйpart elle se trouvait presque toute la journйe tкte а tкte avec son amant.

 

Julien se livrait d’autant plus а la douce sociйtй de son amie, que, toutes les fois qu’il йtait trop longtemps seul avec lui-mкme, la fatale proposition de Fouquй venait encore l’agiter. Dans les premiers jours de cette vie nouvelle, il y eut des moments oщ lui qui n’avait jamais aimй, qui n’avait jamais йtй aimй de personne, trouvait un si dйlicieux plaisir а кtre sincиre, qu’il йtait sur le point d’avouer а Mme de Rкnal l’ambition qui jusqu’alors avait йtй l’essence mкme de son existence. Il eыt voulu pouvoir la consulter sur l’йtrange tentation que lui donnait la proposition de Fouquй, mais un petit йvйnement empкcha toute franchise.


Дата добавления: 2015-11-14; просмотров: 40 | Нарушение авторских прав


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