Студопедия
Случайная страница | ТОМ-1 | ТОМ-2 | ТОМ-3
АрхитектураБиологияГеографияДругоеИностранные языки
ИнформатикаИсторияКультураЛитератураМатематика
МедицинаМеханикаОбразованиеОхрана трудаПедагогика
ПолитикаПравоПрограммированиеПсихологияРелигия
СоциологияСпортСтроительствоФизикаФилософия
ФинансыХимияЭкологияЭкономикаЭлектроника

Chapitre IV. Un pиre et un fils

LE ROUGE ET LE NOIR | Chapitre premier. Une petite ville | Chapitre II. Un maire | Chapitre VI. L’Ennui | Chapitre VII. Les Affinitйs йlectives | Chapitre VIII. Petits йvйnements | Chapitre IX. Une soirйe а la campagne | Chapitre X. Un grand cњur et une petite fortune | Chapitre XI. Une soirйe | Chapitre XII. Un voyage |


Читайте также:
  1. Chapitre I La ligne
  2. Chapitre II Les camarades
  3. Chapitre II. Entrйe dans le monde
  4. Chapitre II. Un maire
  5. Chapitre III L’Avion
  6. Chapitre III. Le Bien des pauvres
  7. Chapitre III. Les Premiers pas

 

E sarа mia colpa

Se cosi и?

 

MACHIAVELLI.

 

Ma femme a rйellement beaucoup de tкte! se disait, le lendemain а six heures du matin, le maire de Verriиres, en descendant а la scie du pиre Sorel. Quoi que je lui aie dit, pour conserver la supйrioritй qui m’appartient, je n’avais pas songй que si je ne prends pas ce petit abbй Sorel, qui, dit-on, sait le latin comme un ange, le directeur du dйpфt, cette вme sans repos, pourrait bien avoir la mкme idйe que moi et me l’enlever. Avec quel ton de suffisance il parlerait du prйcepteur de ses enfants!… Ce prйcepteur, une fois а moi, portera-t-il la soutane?

 

M. de Rкnal йtait absorbй dans ce doute, lorsqu’il vit de loin un paysan, homme de prиs de six pieds, qui, dиs le petit jour, semblait fort occupй а mesurer des piиces de bois dйposйes le long du Doubs, sur le chemin de halage. Le paysan n’eut pas l’air fort satisfait de voir approcher M. le maire; car ces piиces de bois obstruaient le chemin, et йtaient dйposйes lа en contravention.

 

Le pиre Sorel, car c’йtait lui, fut trиs surpris et encore plus content de la singuliиre proposition que M. de Rкnal lui faisait pour son fils Julien. Il ne l’en йcouta pas moins avec cet air de tristesse mйcontente et de dйsintйrкt dont sait si bien se revкtir la finesse des habitants de ces montagnes. Esclaves du temps de la domination espagnole, ils conservent encore ce trait de la physionomie du fellah de l’Йgypte.

 

La rйponse de Sorel ne fut d’abord que la longue rйcitation de toutes les formules de respect qu’il savait par cњur. Pendant qu’il rйpйtait ces vaines paroles, avec un sourire gauche qui augmentait l’air de faussetй, et presque de friponnerie, naturel а sa physionomie, l’esprit actif du vieux paysan cherchait а dйcouvrir quelle raison pouvait porter un homme aussi considйrable а prendre chez lui son vaurien de fils. Il йtait fort mйcontent de Julien, et c’йtait pour lui que M. de Rкnal lui offrait le gage inespйrй de 300 francs par an, avec la nourriture et mкme l’habillement. Cette derniиre prйtention, que le pиre Sorel avait eu le gйnie de mettre en avant subitement, avait йtй accordйe de mкme par M. de Rкnal.

 

Cette demande frappa le maire. Puisque Sorel n’est pas ravi et comblй de ma proposition, comme naturellement il devrait l’кtre, il est clair, se dit-il, qu’on lui a fait des offres d’un autre cфtй; et de qui peuvent-elles venir, si ce n’est du Valenod? Ce fut en vain que M. de Rкnal pressa Sorel de conclure sur-le-champ: l’astuce du vieux paysan s’y refusa opiniвtrement; il voulait, disait-il, consulter son fils, comme si, en province, un pиre riche consultait un fils qui n’a rien, autrement que pour la forme.

 

Une scie а eau se compose d’un hangar au bord d’un ruisseau. Le toit est soutenu par une charpente qui porte sur quatre gros piliers en bois. А huit ou dix pieds d’йlйvation, au milieu du hangar, on voit une scie qui monte et descend, tandis qu’un mйcanisme fort simple pousse contre cette scie une piиce de bois. C’est une roue mise en mouvement par le ruisseau qui fait aller ce double mйcanisme; celui de la scie qui monte et descend, et celui qui pousse doucement la piиce de bois vers la scie, qui la dйbite en planches.

 

En approchant de son usine, le pиre Sorel appela Julien de sa voix de stentor; personne ne rйpondit. Il ne vit que ses fils aоnйs, espиces de gйants qui, armйs de lourdes haches, йquarrissaient les troncs de sapin, qu’ils allaient porter а la scie. Tout occupйs а suivre exactement la marque noire tracйe sur la piиce de bois, chaque coup de leur hache en sйparait des copeaux йnormes. Ils n’entendirent pas la voix de leur pиre. Celui-ci se dirigea vers le hangar; en y entrant, il chercha vainement Julien а la place qu’il aurait dы occuper, а cфtй de la scie. Il l’aperзut а cinq ou six pieds plus haut, а cheval sur l’une des piиces de la toiture. Au lieu de surveiller attentivement l’action de tout le mйcanisme Julien lisait. Rien n’йtait plus antipathique au vieux Sorel; il eыt peut-кtre pardonnй а Julien sa taille mince, peu propre aux travaux de force, et si diffйrente de celle de ses aоnйs; mais cette manie de lecture lui йtait odieuse, il ne savait pas lire lui-mкme.

 

Ce fut en vain qu’il appela Julien deux ou trois fois. L’attention que le jeune homme donnait а son livre, bien plus que le bruit de la scie, l’empкcha d’entendre la terrible voix de son pиre. Enfin, malgrй son вge, celui-ci sauta lestement sur l’arbre soumis а l’action de la scie, et de lа sur la poutre transversale qui soutenait le toit. Un coup violent fit voler dans le ruisseau le livre que tenait Julien; un second coup aussi violent, donnй sur la tкte, en forme de calotte, lui fit perdre l’йquilibre. Il allait tomber а douze ou quinze pieds plus bas, au milieu des leviers de la machine en action, qui l’eussent brisй, mais son pиre le retint de la main gauche, comme il tombait:

 

– Eh bien, paresseux! tu liras donc toujours tes maudits livres, pendant que tu es de garde а la scie? Lis-les le soir, quand tu vas perdre ton temps chez le curй, а la bonne heure.

 

Julien, quoique йtourdi par la force du coup, et tout sanglant, se rapprocha de son poste officiel, а cфtй de la scie. Il avait les larmes aux yeux, moins а cause de la douleur physique que pour la perte de son livre qu’il adorait.

 

«Descends, animal, que je te parle.» Le bruit de la machine empкcha encore Julien d’entendre cet ordre. Son pиre, qui йtait descendu, ne voulant pas se donner la peine de remonter sur le mйcanisme, alla chercher une longue perche pour abattre des noix, et l’en frappa sur l’йpaule. А peine Julien fut-il а terre, que le vieux Sorel, le chassant rudement devant lui, le poussa vers la maison. Dieu sait ce qu’il va me faire! se disait le jeune homme. En passant, il regarda tristement le ruisseau oщ йtait tombй son livre; c’йtait celui de tous qu’il affectionnait le plus, le Mйmorial de Sainte-Hйlиne.

 

Il avait les joues pourpres et les yeux baissйs. C’йtait un petit jeune homme de dix-huit а dix-neuf ans, faible en apparence, avec des traits irrйguliers, mais dйlicats, et un nez aquilin. De grands yeux noirs, qui, dans les moments tranquilles, annonзaient de la rйflexion et du feu, йtaient animйs en cet instant de l’expression de la haine la plus fйroce. Des cheveux chвtain foncй, plantйs fort bas, lui donnaient un petit front, et, dans les moments de colиre, un air mйchant. Parmi les innombrables variйtйs de la physionomie humaine, il n’en est peut-кtre point qui se soit distinguйe par une spйcialitй plus saisissante. Une taille svelte et bien prise annonзait plus de lйgиretй que de vigueur. Dиs sa premiиre jeunesse, son air extrкmement pensif et sa grande pвleur avaient donnй l’idйe а son pиre qu’il ne vivrait pas, ou qu’il vivrait pour кtre une charge а sa famille. Objet des mйpris de tous а la maison, il haпssait ses frиres et son pиre; dans les jeux du dimanche, sur la place publique, il йtait toujours battu.

 

Il n’y avait pas un an que sa jolie figure commenзait а lui donner quelques voix amies parmi les jeunes filles. Mйprisй de tout le monde, comme un кtre faible, Julien avait adorй ce vieux chirurgien-major qui un jour osa parler au maire au sujet des platanes.

 

Ce chirurgien payait quelquefois au pиre Sorel la journйe de son fils, et lui enseignait le latin et l’histoire, c’est-а-dire, ce qu’il savait d’histoire, la campagne de 1796 en Italie. En mourant, il lui avait lйguй sa croix de la Lйgion d’honneur, les arrйrages de sa demi-solde et trente ou quarante volumes, dont le plus prйcieux venait de faire le saut dans le ruisseau public, dйtournй par le crйdit de M. le maire.

 

А peine entrй dans la maison, Julien se sentit l’йpaule arrкtйe par la puissante main de son pиre; il tremblait, s’attendant а quelques coups.

 

– Rйponds-moi sans mentir, lui cria aux oreilles la voix dure du vieux paysan, tandis que sa main le retournait comme la main d’un enfant retourne un soldat de plomb. Les grands yeux noirs et remplis de larmes de Julien se trouvиrent en face des petits yeux gris et mйchants du vieux charpentier, qui avait l’air de vouloir lire jusqu’au fond de son вme.


Дата добавления: 2015-11-14; просмотров: 42 | Нарушение авторских прав


<== предыдущая страница | следующая страница ==>
Chapitre III. Le Bien des pauvres| Chapitre V. Une nйgociation

mybiblioteka.su - 2015-2024 год. (0.008 сек.)