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Freddy avec nous

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– Une autre planète! Vous plaisantez!

Cette fois, Freddy Meyer est touché. Certes, notre ami est convaincu que l'humanité court à sa perte, cependant la curiosité l'emporte. Il veut découvrir comment fonctionne ailleurs une «autre humanité». Il veut savoir si l'autodestruction est propre sur toutes les planètes aux espèces intelligentes ou si elle est réservée à la seule espèce humaine terrienne.

Il s'assied et nous convie à prendre place à ses côtés. La position assise n'apporte en fait que peu de confort particulier puisque nous lévitons, mais c'est une habitude humaine que nous nous plaisons à reproduire. En souvenir sans doute de ces longues discussions que nous avions jadis lorsque nous dînions tous ensemble autour de la grande table des Buttes-Chaumont.

– Débusquer cette planète ne sera pas facile, soli loque le rabbin. Notre galaxie, la Voie lactée, comporte à elle seule 200 milliards d'étoiles. Autour de chaque

étoile tournent en moyenne une dizaine de planètes, on a du pain sur la planche, les amis.

Raoul rappelle que, libérés de la matérialité, nous voyageons à des vitesses vertigineuses.

– Oui, mais dans un cosmos d'une taille colossale, cela revient au même que de voyager lentement dans un petit territoire… Tout est relatif, souligne Freddy.

– Et puis, par où commencer? Vers où nous diriger? Dénicher une planète habitée parmi toutes les planètes non habitées, c'est comme rechercher une aiguille dans une botte de foin, déploré-je à mon tour.

Du coup, ma remarque semble réveiller Freddy.

– C'est une question de méthode. Pour retrouver une aiguille dans une botte de foin, il suffît d'y mettre le feu puis de fouiller les cendres avec un aimant.

Son visage brille différemment. S'il n'était ange et aveugle, peut-être reconnaîtrais-je la même flamme qui nous anima jadis lorsque nous partîmes ensemble conquérir les mondes supérieurs.

– Allez… en avant pour repousser les limites de l'inconnu!

Raoul, qui en tremble de plaisir, complète:

– En avant pour la conquête du… pays des Dieux!

2. DES ŒUFS ET DES ÉTOILES

80. VENUS. 17 ANS

Depuis le départ de papa, je vis avec maman et ce n'est vraiment pas facile. Tous ses petits travers me deviennent insupportables au quotidien.

Le soir nous dînons le plus souvent en tête à tête et nous nous disputons. Maman me reproche de ne pas surveiller assez ma ligne. J'avoue qu'après ma période anorexique, j'ai enchaîné sur une période de boulimie. C'est l'absence de papa qui me donne faim. Je mange des tas de gâteaux. Les gâteaux m'aident à supporter la vie, ma mère et l'ambiance de plus en plus insupportable des studios de photo.

Maîtriser son corps c'est bien, se laisser aller c'est encore mieux.

J'ai dix-sept ans et il me semble avoir déjà beaucoup vécu et beaucoup mangé. Dans ma période anorexique, j'étais descendue à trente-cinq kilos. Dans ma phase boulimique, j'en suis déjà à quatre-vingt-deux. Il faut dire que quand je mange, je mange. Pas seulement des gâteaux d'ailleurs, des boîtes de haricots à la tomate que j'avale froids, sans les réchauffer. Du sucre en morceaux. De la mayonnaise que je tète directement au tube comme un biberon. Et puis du pain beurré saupoudré de poudre de cacao. Ça, je peux en manger des tonnes.

Maman ne me parle que pour m'adresser des reproches. Je lui ai pourtant dit que plus elle m'enguirlande, plus ça me donne faim. Effet boomerang, après ma découverte de la maîtrise de mon corps par la gestion de la nourriture, ma carcasse me dégoûte de plus en plus. Je la considère comme une poubelle que je remplis pour me punir.

J'ai tout le temps quelque chose dans la bouche, un chewing-gum, un bonbon, un bout de réglisse et je rumine.

Dès que j'ai pris du poids, les agences de mannequins ont moins insisté pour m'avoir. Il y a même eu des petits malins pour me proposer des photos après/ avant qu'on passerait à l'envers dans des publicités avant/après. On vanterait ainsi les régimes miracles censés m'avoir fait mincir.

Maman me couvre de reproches. Non seulement je ne rapporte plus d'argent mais, en plus, mes agapes coûtent cher. Et plus maman me fait la leçon, plus j’ai faim.

Seule source de satisfaction: Jim. Jim est un garçon adorable. Un jour que ma mère me lançait des assiettes à la figure pour me convaincre qu'elle avait raison, j’ai claqué la porte soi-disant pour faire une fugue et j'ai rencontré Jim, le voisin d'à côté. Il est étudiant en géographie. Moi, qui en raison de ma carrière précoce de mannequin n'ai pas fait beaucoup d'études, ça m'impressionne.

Nous avons longuement parlé des pays lointains. Il m'a expliqué combien le monde est vaste et combien mes problèmes sont relativement minimes face à cette immensité, Ça m'a plu. On s'est embrassés sous la lune.

Nous avons fait l'amour une semaine plus tard. C'était la première fois. Ça ne s'est pas très bien passé.

J'essaie de cesser de manger, mais je n'y parviens pas. Mon combat contre la nourriture est vraiment ardu. Je décide donc d'avaler des laxatifs pour que les aliments ne s'attardent pas dans mon corps. Depuis peu, j'ai même mis au point une bonne technique pour vomir. Il suffit de s'enfoncer deux doigts au fond de la gorge pour tout régurgiter dans la cuvette des toilettes.

Je demande à Jim s'il me trouve trop grosse.

– J'aime les grosses, répond-il.

Je dis que, dans le temps, avant d'être grosse, j'étais si belle que j'étais top-model et que j'espérais devenir Miss Univers. Il me rétorque que pour lui je suis la plus belle fille de l'univers.

Pour rester dans cette bonne impression, je préfère qu'on ne fasse pas l'amour ce soir-là et nous nous quittons sur un chaste baiser. Cela redouble ma détermination. Je vais reprendre mon corps en main. Je serai Miss Univers!

Je persuade maman de me laisser liposucer. C'est encore Ambrosio Di Rinaldi, le Michel-Ange du bistouri, qui se charge de moi. Sous anesthésie locale, j'assiste à tout ce qui se passe. Il m'introduit de grosses canules dans les cuisses puis il active une pompe aspirante. Avec un bruit de moteur diesel, ça crachote du liquide qui se déverse dans des cylindres transparents. Au début, je suis surprise de ne voir aspirer que du sang et j'ai peur de me retrouver exsangue, mais, peu à peu, le sang s'éclaircit et prend un ton rose avant de devenir franchement rose clair et crémeux. De la chantilly à la grenadine. Ambrosio Di Rinaldi m'explique qu'il doit planter les canules dans des endroits différents afin d'éviter les trous, ce qu'il appelle dans son jargon l'«effet tôle ondulée».

Ambrosio est peut-être très cher mais, heureusement, il est passé maître dans l'art d'empêcher «la tôle ondulée».

Après la consistance crémeuse, la consistance pâteuse. Il m'enlève l'excédent de mes cuisses, ce qui me réjouit d'autant plus que, même dans ma pire période anorexique, je maigrissais du haut mais pas assez du bas.

À ma sortie de clinique, Jim m'a apporté des fleurs. Mais maintenant que je suis maigre et belle, pas question de rester avec un type qui aime les grosses!

Je veux être Miss Univers.

IGOR. 17 ANS

Je me plaignais du centre de redressement pour mineurs de Novossibirsk, j'avais tort. L'asile d'aliénés de Brest-Litovsk est bien pire.

Au centre, on mangeait des raclures avariées, ici plus de viande du tout. Ça excite les dingues, paraît-il.

Au centre de redressement, les matelas pullulaient de punaises. Ici, nous dormons dans des hamacs en chaînes inoxydables.

Au centre de redressement, ça empestait la pourriture, ici ça embaume l'éther. Là-bas tout était sale, ici tout est propre.

Je me plaignais d'entendre des cris la nuit au centre de redressement, ici on entend des rires. C'est terrible les rires.

Ici je n'ai qu'un seul voisin de chambrée. Alexandreï.

Alexandreï parle tout seul toute la nuit. Il clame que nous allons tous mourir. Que les quatre cavaliers de l'Apocalypse ont sellé leurs chevaux. Le fer, le feu, l'eau et la glace nous transperceront et nous paierons pour nos fautes. Puis il s'agenouille pour prier jusqu'à hurler: «Rédemption! rédemption!» des heures durant en se frappant la poitrine. Soudain, il s'arrête, s'immobilise et braille: «Je vais mouriiiiiiiiir» pendant toute la nuit.

Hier Alexandreï est mort. Je l'ai tué. Je n'avais rien de personnel contre lui. J'ai plutôt eu envie de lui rendre service. Je l'ai étranglé avec une chaussette pour le libérer de cette vie dans laquelle il n'avait pas trouvé ses marques. Dans son regard, j'ai lu davantage de reconnaissance que de colère.

Après ça, des infirmiers m'ont traîné au quartier d'isolement neurosensoriel. Cette relégation constituait un supplice à l'époque stalinienne. C'est devenu un débarras pour fous trop difficiles à contrôler. Les infirmiers affirment qu'après un mois d'isolement sensoriel, les enfermés ne se souviennent plus de leur nom. Si on les place devant un miroir, ils disent: «Bonjour, monsieur.»

On m'attrape. Je me débats. Ils se mettent à quatre pour me jeter dans une cellule.

– NOOOOOOOONNN!

Clac!

La pièce est blanche, sans fenêtre. Il n'y a rien. Les murs sont blancs. L'ampoule nue reste allumée jour et nuit, et il n'y a pas d'interrupteur. Aucun bruit. Aucun son. Pas d'autres signes de présence humaine que, toutes les huit heures, l'arrivée d'un brouet beige clair par un guichet. Est-ce végétal ou animal? Ça ressemble à de la purée et c'est à la fois sucré et salé, un peu comme la nourriture pour animaux de compagnie. Comme c'est toujours le même plat non identifiable, je ne sais plus s'il s'agit du petit déjeuner, du déjeuner ou du souper.

Je perds la notion du temps. Mon cerveau devient filandreux. Je ne peux même pas me suicider en me tapant la tête contre les murs car les murs sont matelassés. J'ai essayé malgré tout en retournant ma langue dans ma gorge, mais j'avais toujours un réflexe qui me poussait à tousser pour respirer.

Je me figurais avoir touché le fond. Je m'aperçois qu'on peut tomber plus bas encore.

Mais cette fois, même avec les plus grands efforts d'imagination, je ne vois pas comment ma situation pourrait empirer. Si on me précipitait dans une salle de torture, je retrouverais au moins un peu d'animation, il y aurait des bourreaux avec qui discuter, des machines, des instruments, un décor.

Ici, il n'y a rien.

Rien.

Rien que le visage de maman qui m'apparaît tous les matins pour me dire: «Comme tu n'as pas été gentil, je te garderai enfermé dans le placard toute ta vie.»

Je suis moins bien traité qu'un animal. Personne n'oserait enfermer un animal pendant des années dans une pièce blanche insonorisée en continuant à le nourrir. On le laisserait crever, c'est tout. Moi, on me nourrit pour que je ne crève pas et que je pourrisse dans ma tête. Ici on ne soigne pas les fous. On prend des gens normaux et on les rend fous. Peut-être est-ce un moyen de contrôler la population?

Il faut que je tienne.

Dans ma tête, j'ai l'impression qu'il y a une sorte d'immense bibliothèque dont les livres sont éjectés et tombent. Il y a des petits livres, quand ils tombent les mots s'échappent et je perds du vocabulaire.

Ensuite, il y a les gros livres des souvenirs de ma vie passée qui tombent. C'était quoi ma vie avant? Je me souviens du poker, de Piotr (s'appelait-il Piotr ou Boris?), des trois V (Vassili, Vania… et bon sang, comment il s'appelait le troisième? le gros, là…). Je m'accroche à ce qui tient. Dans le poker il y a la paire, la double paire, le carré et… (Zut, comment ça s'appelle trois cartes pareilles plus deux cartes pareilles?)

Les idées naissent dans mon esprit puis sautent comme sur un disque rayé pour laisser place à d'autres. J'ai l'impression de ne pas pouvoir aller jusqu'au bout d'une seule pensée.

Seule ma mère reste incrustée, comme si elle avait été gravée au fer rouge dans mon cerveau. Je me rappelle toutes les expressions de son visage le jour où elle m'a abandonné sur le parvis de l'église. Je m'accroche à cette douleur. Merci maman, tu m'auras au moins servi à ça. Ma mère est la dernière preuve de mon identité. C'est par ma colère contre elle que je me définis. Un jour peut-être j'oublierai mon nom, un jour peut-être je ne me reconnaîtrai plus dans la glace, un jour peut-être je ne me rappellerai pas tout ce qui s'est passé dans mon enfance, mais je me souviendrai d'elle.

Finalement, un beau matin-après-midi-soir (s'est-il écoulé une semaine? un mois? un an?), la porte s'ouvre. Je suis convoqué chez le directeur de l'établissement.

En chemin, je savoure les moindres informations livrées à mon cerveau. L'odeur de Javel, la peinture écaillée des couloirs, les rires qui résonnent au loin, le bruit de mes pas sur un sol dur, les petits bouts de ciel à travers les carreaux grillagés, le contact des mains des infirmiers qui me tiennent par les bras alors que ma camisole me les lie dans le dos. Chaque aboiement: «Avance», «Suis-nous», me semble une mélodie.

On me pousse dans le bureau du directeur. Un homme en uniforme se tient près de lui. J'ai l'impression de revivre éternellement cette même scène, celle où un policier me sauve sur le parvis de l'église, celle où un colonel de l'armée de l'air vient me chercher à l'orphelinat pour m'offrir une famille. Et celui- ci, que va-t-il me proposer?

Le directeur me regarde avec une mine dégoûtée. Je pense à ma mère. Peut-être avait-elle deviné ce que je deviendrais et avait-elle voulu m'épargner toutes ces souffrances.

– Nous voulons t'offrir une dernière chance de te racheter. Les combats ont repris en Tchétchénie. Les pertes sont plus importantes que prévu. L'armée a besoin de volontaires pour le front. Le colonel d'infan terie Dukouskoff, ici présent, est à la tête des troupes de choc. Tu as donc le choix: rester ici à l'isolement ou opter pour les commandos de première ligne.


Дата добавления: 2015-11-13; просмотров: 41 | Нарушение авторских прав


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