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Maurice Herzog et Louis Lachenal à l'annapurna

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Dans l'histoire de l'alpinisme, c'est une très grande date que celle du 3 juin
1950: ce jour-là, des hommes, pour la première fois, gravirent un des plus
hauts sommets de l'Himalaya et dépassèrent l'altitude, jamais atteinte encore,
de 8 000
mètres.

Ces hommes étaient deux Français: MAURICE HERZOG et Louis LACHENAL, le
premier un intellectuel, le second un guide de l'école de Chamonix. Sept
camarades, de même nationalité, les avaient accompagnés.

Maurice Herzog, le narrateur, et Louis L.acbenal ont quitté le dernier camp de
base pour tenter l'escalade de l'A.nnapurna. il fait affreusement froid, mais ils
montent quand même1.


Avec la neige qui brille au soleil et saupoudre le moindre rocher, le
décor est d'une radieuse beauté qui me touche infiniment. La transparence
absolue est inhabituelle. Je suis dans un univers de cristal. Les sons
s'entendent mal. L'atmosphère est ouatée.

Une joie m'étreint; je ne peux la définir. Tout ceci est tellement nouveau
et tellement extraordinaire!

Ce n'est pas une course comme j'en ai fait dans les Alpes, où l'on sent
une volonté derrière soi, des hommes dont on a obscure conscience, des
maisons qu'on peut voir en se retournant.

Ce n'est pas cela.

Une coupure immense me sépare du monde. J'évolue dans un domaine
différent: désertique, sans vie, desséché. Un domaine fantastique où la
présence de l'homme n'est pas prévue, ni peut-être souhaitée. Nous bravons
un interdit, nous passons outre à un refus, et pourtant c'est sans aucune
crainte que nous nous élevons (...).

L'arête sommitale2 se rapproche.

Nous arrivons en contrebas de la grande falaise terminale. La pente en
est très raide. La neige y est entrecoupée de rochers.

«Couloir!..»

Un geste du doigt. L'un d'entre nous souffle3 à l'autre la clé de la
muraille. La dernière défense!

«Ah!., quelle chance!»

Le couloir dans la falaise est raide, mais praticable.

«Allons-y!»

Lachenal, d'un geste, signifie son accord. Il est tard, plus de midi sans
doute. J'ai perdu conscience de l'heure: il me semble être parti il y a quel-
ques minutes.

Le ciel est toujours d'un bleu de saphir. A grand-peine, nous tirons vers
la droite et évitons les rochers, préférant, à cause de nos crampons, utiliser
les parties neigeuses. Nous ne tardons pas à prendre pied dans le couloir
terminal. Il est très incliné... nous marquons un temps d'hésitation.

Nous restera-t-i'l assez de force pour surmonter ce dernier obstacle?

Heureusement la neige est dure. En frappant avec les pieds et grâce aux
crampons, nous nous maintenons suffisamment. Un faux mouvement serait
fatal. Il n'est pas besoin de tailler des prises pour les mains: le piolet
enfoncé aussi loin que possible sert d'ancré.

Lachenal marche merveilleusement. Quel contraste avec les premiers jours!
Ici, il peine, mais il avance. En relevant le nez de temps à autre, nous voyons le
couloir qui débouche sur nous ne savons trop quoi4 une arête probablement.


Mais où est le sommet?

A gauche ou à droite?

Nous allons l'un derrière l'autre, nous arrêtant à chaque pas. Couchés
sur nos piolets, nous essayons de rétablir notre respiration et de calmer les
coups de notre cœur qui bat à tout rompre.

Maintenant, nous sentons que nous y sommes. Nulle difficulté ne peut
nous arrêter. Inutile de nous consulter du regard: chacun ne lirait dans les
yeux de l'autre qu'une ferme détermination. Un petit détour sur la gauche,
encore quelques pas... L'arête sommitale se rapproche insensiblement.
Quelques blocs rocheux à éviter. Nous nous hissons comme nous pouvons.
Est-ce possible?..

Mais oui! Un vent brutal nous gifle.

Nous sommes... sur l'Annapurna.

8 075 mètres.

Notre cœur déborde d'une joie immense.

«Ah! les autres!., s'ils savaient*!»

Si tous savaient!

Le sommet est une crête de glace en corniche. Les précipices, de l'autre
côté, sont insondables, terrifiants. Ils plongent verticalement sous nos
pieds. Il n'en existe guère d'équivalents dans aucune autre montagne du
monde.

Des nuages flottent à mi-hauteur. Ils cachent la douce et fertile vallée de
Pokhara à 7 000 mètres en dessous. Plus haut: rien!

La mission est remplie. Mais quelque chose de beaucoup plus grand est
accompli. Que la vie sera belle maintenant!

Il est inconcevable, brusquement, de réaliser son idéal et de se réaliser
soi-même.

Je suis étreint par l'émotion. Jamais je n'ai éprouvé joie aussi grande ni
aussi pure.

Cette pierre brune, la plus haute; cette arête de glace... sont-ce là des
buts de toute une vie**? S'agit-il de la limite d'un orgueil?

«Alors, on redescend?»

Lachenal me secoue. Quelles sont ses impressions, à lui? Je ne sais.
Pense-t-il qu'il vient de réaliser une course comme dans les Alpes? Croit-il
qu'il faille redescendre comme cela, simplement?

«Une seconde, j'ai des photos à prendre.

— Active»"

Je fouille fébrilement dans mon sac, en tire l'appareil photographique,
prends le petit drapeau français qui est enfoui au fond, les fanions. Gestes


vains sans doute, mais plus que des symboles.: ils témoignent de pensée
très affectueuses. Je noue les morceaux de toile, salis par la sueur ou le
aliments, au manche de mon piolet, la seule hampe6 à ma disposition. Puis
je règle mon appareil sur Lachenal:

«Tiens, tu veux me prendre?

— Passe... fais vite!» me dit Lachenal.

Il prend plusieurs photos, puis me rend l'appareil. Je charge en couleurs
et nous recommençons l'opération pour être certains de ramener7 des
souvenirs qui un jour nous seront chers.

«Tu n'es pas fou? me dit Lachenal. On n'a pas de temps à perdre!., faut
redescendre tout de suite***!»

MAURICE HERZOG. Annapurna premier 8000 (1951)
Примечания:

1. После восхождения обоим пришлось ампутировать отмороженные части рук и
ног. 2. Гребень, ведущий к вершине. 3 Один из нас шепотом сказал другому, как мож-
но преодолеть стену. 4. Nous ne savons trop quoi forme une seule expression signifiant,
quelque chose d'imprécis 5. Поторопись, быстрей. 6. Древко знамени. 7 Rapporter eût
été plus correct: ramener ne devrait avoir pour complément que des êtres vivants. Mais cet
emploi s'étend de plus en plus.

Вопросы:

* Pourquoi les deux hommes pensent-ils ainsi à leurs compagnons?

** Vous semble-t-il qu'un exploit d'ordre sportif puisse constituer le but de toute une vie7

*** Étudiez l'attitude du narrateur et celle de son compagnon, le guide Louis Lachenal


Дата добавления: 2015-08-02; просмотров: 90 | Нарушение авторских прав


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LE VOL HISTORIQUE DE LOUIS BLÉRIOT| SAVORGNAN DE BRAZZA (1852 1905) OU LE PÈRE DES ESCLAVES

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