Студопедия
Случайная страница | ТОМ-1 | ТОМ-2 | ТОМ-3
АрхитектураБиологияГеографияДругоеИностранные языки
ИнформатикаИсторияКультураЛитератураМатематика
МедицинаМеханикаОбразованиеОхрана трудаПедагогика
ПолитикаПравоПрограммированиеПсихологияРелигия
СоциологияСпортСтроительствоФизикаФилософия
ФинансыХимияЭкологияЭкономикаЭлектроника

Chapitre XXV. Le Ministиre de la vertu

Chapitre XIV. Pensйes d’une jeune fille | Chapitre XV. Est-ce un complot ? | Chapitre XVI. Une heure du matin | Chapitre XVII. Une vieille йpйe | Chapitre XVIII. Moments cruels | Chapitre XIX. L’Opйra Bouffe | Chapitre XX. Le Vase du Japon | Chapitre XXI. La Note secrиte | Chapitre XXII. La Discussion | Chapitre XXIII. Le Clergй, les Bois, la Libertй |


Читайте также:
  1. Chapitre I La ligne
  2. Chapitre II Les camarades
  3. Chapitre II. Entrйe dans le monde
  4. Chapitre II. Un maire
  5. Chapitre III L’Avion
  6. Chapitre III. Le Bien des pauvres
  7. Chapitre III. Les Premiers pas

 

Mais si je prends de ce plaisir avec tant de prudence et de circonspection, ce ne sera plus un plaisir pour moi.

 

LOPE DE VEGA.

 

А peine de retour а Paris, et au sortir du cabinet du marquis de La Mole, qui parut fort dйconcertй des dйpкches qu’on lui prйsentait, notre hйros courut chez le comte Altamira. А l’avantage d’кtre condamnй а mort, ce bel йtranger rйunissait beaucoup de gravitй et le bonheur d’кtre dйvot; ces deux mйrites et, plus que tout, la haute naissance du comte, convenaient tout а fait а Mme de Fervaques, qui le voyait beaucoup.

 

Julien lui avoua gravement qu’il en йtait fort amoureux.

 

– C’est la vertu la plus pure et la plus haute, rйpondit Altamira, seulement un peu jйsuitique et emphatique. Il est des jours oщ je comprends chacun des mots dont elle se sert, mais je ne comprends pas la phrase tout entiиre. Elle me donne souvent l’idйe que je ne sais pas le franзais aussi bien qu’on le dit. Cette connaissance fera prononcer votre nom; elle vous donnera du poids dans le monde. Mais allons chez Bustos, dit le comte Altamira, qui йtait un esprit d’ordre; il a fait la cour а Mme la marйchale.

 

Don Diego Bustos se fit longtemps expliquer l’affaire, sans rien dire, comme un avocat dans son cabinet. Il avait une grosse figure de moine, avec des moustaches noires, et une gravitй sans pareille; du reste, bon carbonaro.

 

– Je comprends, dit-il enfin а Julien. La marйchale de Fervaques a-t-elle eu des amants, n’en a-t-elle pas eu? Avez-vous ainsi quelque espoir de rйussir? voilа la question. C’est vous dire que, pour ma part, j’ai йchouй. Maintenant que je ne suis plus piquй, je me fais ce raisonnement: souvent elle a de l’humeur, et, comme je vous le raconterai bientфt, elle n’est pas mal vindicative.

 

Je ne lui trouve pas ce tempйrament bilieux qui est celui du gйnie, et jette sur toutes les actions comme un vernis de passion. C’est au contraire а la faзon d’кtre flegmatique et tranquille des Hollandais qu’elle doit sa rare beautй et ses couleurs si fraоches.

 

Julien s’impatientait de la lenteur et du flegme inйbranlable de l’Espagnol; de temps en temps, malgrй lui, quelques monosyllabes lui йchappaient.

 

– Voulez-vous m’йcouter? lui dit gravement don Diego Bustos.

 

– Pardonnez а la furia francese; je suis tout oreille, dit Julien.

 

– La marйchale de Fervaques est donc fort adonnйe а la haine; elle poursuit impitoyablement des gens qu’elle n’a jamais vus, des avocats, de pauvres diables d’hommes de lettres qui ont fait des chansons comme Collй, vous savez?

 

J’ai la marotte

D’aimer Marote,

etc.

 

Et Julien dut essuyer la citation tout entiиre. L’Espagnol йtait bien aise de chanter en franзais.

 

Cette divine chanson ne fut jamais йcoutйe avec plus d’impatience. Quand elle fut finie: – La marйchale, dit don Diego Bustos, a fait destituer l’auteur de cette chanson:

 

Un jour l’amant au cabaret…

 

Julien frйmit qu’il ne voulыt la chanter. Il se contenta de l’analyser. Rйellement elle йtait impie et peu dйcente.

 

Quand la marйchale se prit de colиre contre cette chanson, dit don Diego, je lui fis observer qu’une femme de son rang ne devait point lire toutes les sottises qu’on publie. Quelques progrиs que fassent la piйtй et la gravitй, il y aura toujours en France une littйrature de cabaret. Quand Mme de Fervaques eut fait фter а l’auteur, pauvre diable en demi-solde, une place de dix-huit cents francs: Prenez garde, lui dis-je, vous avez attaquй ce rimailleur avec vos armes, il peut vous rйpondre avec ses rimes: il fera une chanson sur la vertu. Les salons dorйs seront pour vous; les gens qui aiment а rire rйpйteront ses йpigrammes. Savez-vous, Monsieur, ce que la marйchale me rйpondit? – Pour l’intйrкt du Seigneur tout Paris me verrait marcher au martyre; ce serait un spectacle nouveau en France. Le peuple apprendrait а respecter la qualitй. Ce serait le plus beau jour de ma vie. Jamais ses yeux ne furent plus beaux.

 

– Et elle les a superbes, s’йcria Julien.

 

– Je vois que vous кtes amoureux… Donc, reprit gravement don Diego Bustos, elle n’a pas la constitution bilieuse qui porte а la vengeance. Si elle aime а nuire pourtant, c’est qu’elle est malheureuse, je soupзonne lа malheur intйrieur. Ne serait-ce point une prude lasse de son mйtier?

 

L’Espagnol le regarda en silence pendant une grande minute.

 

– Voilа toute la question, ajouta-t-il gravement, et c’est de lа que vous pouvez tirer quelque espoir. J’y ai beaucoup rйflйchi pendant les deux ans que je me suis portй son trиs humble serviteur. Tout votre avenir, monsieur qui кtes amoureux, dйpend de ce grand problиme: Est-ce une prude lasse de son mйtier, et mйchante parce qu’elle est malheureuse?

 

– Ou bien, dit Altamira sortant enfin de son profond silence, serait-ce ce que je t’ai dit vingt fois? tout simplement de la vanitй franзaise; c’est le souvenir de son pиre, le fameux marchand de draps, qui fait le malheur de ce caractиre naturellement morne et sec. Il n’y aurait qu’un bonheur pour elle, celui d’habiter Tolиde, et d’кtre tourmentйe par un confesseur qui chaque jour lui montrerait l’enfer tout ouvert.

 

Comme Julien sortait: – Altamira m’apprend que vous кtes des nфtres, lui dit don Diego, toujours plus grave. Un jour vous nous aiderez а reconquйrir notre libertй, ainsi veux-je vous aider dans ce petit amusement. Il est bon que vous connaissiez le style de la marйchale; voici quatre lettres de sa main.

 

– Je vais les copier, s’йcria Julien, et vous les rapporter.

 

– Et jamais personne ne saura par vous un mot de ce que nous avons dit?

 

– Jamais, sur l’honneur! s’йcria Julien.

 

– Ainsi Dieu vous soit en aide! ajouta l’Espagnol; et il reconduisit silencieusement, jusque sur l’escalier, Altamira et Julien.

 

Cette scиne йgaya un peu notre hйros; il fut sur le point de sourire. Et voilа le dйvot Altamira, se disait-il, qui m’aide dans une entreprise d’adultиre!

 

Pendant toute la grave conversation de don Diego Bustos, Julien avait йtй attentif aux heures sonnйes par l’horloge de l’hфtel d’Aligre.

 

Celle du dоner approchait, il allait donc revoir Mathilde! Il rentra, et s’habilla avec beaucoup de soin.

 

Premiиre sottise, se dit-il en descendant l’escalier; il faut suivre а la lettre l’ordonnance du prince.

 

Il remonta chez lui, et prit un costume de voyage on ne peut pas plus simple.

 

Maintenant, pensa-t-il, il s’agit des regards. Il n’йtait que cinq heures et demie, et l’on dоnait а six. Il eut l’idйe de descendre au salon, qu’il trouva solitaire. А la vue du canapй bleu, il fut йmu jusqu’aux larmes; bientфt ses joues devinrent brыlantes. Il faut user cette sensibilitй sotte, se dit-il avec colиre; elle me trahirait. Il prit un journal pour avoir une contenance, et passa trois ou quatre fois du salon au jardin.

 

Ce ne fut qu’en tremblant et bien cachй par un grand chкne qu’il osa lever les yeux jusqu’а la fenкtre de Mlle de La Mole. Elle йtait hermйtiquement fermйe; il fut sur le point de tomber, et resta longtemps appuyй contre le chкne; ensuite, d’un pas chancelant, il alla revoir l’йchelle du jardinier.

 

Le chaоnon, jadis forcй par lui en des circonstances, hйlas! si diffйrentes, n’avait point йtй raccommodй. Emportй par un mouvement de folie, Julien le pressa contre ses lиvres.

 

Aprиs avoir errй longtemps du salon au jardin, Julien se trouva horriblement fatiguй; ce fut un premier succиs qu’il sentit vivement. Mes regards seront йteints et ne me trahiront pas! Peu а peu, les convives arrivиrent au salon; jamais la porte ne s’ouvrit sans jeter un trouble mortel dans le cњur de Julien.

 

On se mit а table. Enfin parut Mlle de La Mole, toujours fidиle а son habitude de se faire attendre. Elle rougit beaucoup en voyant Julien; on ne lui avait pas dit son arrivйe. D’aprиs la recommandation du prince Korasoff, Julien regarda ses mains; elles tremblaient. Troublй lui-mкme au-delа de toute expression par cette dйcouverte, il fut assez heureux pour ne paraоtre que fatiguй.

 

M. de La Mole fit son йloge. La marquise lui adressa la parole un instant aprиs, et lui fit compliment sur son air de fatigue. Julien se disait а chaque instant: Je ne dois pas trop regarder Mlle de La Mole, mais mes regards non plus ne doivent point la fuir. Il faut paraоtre ce que j’йtais rйellement huit jours avant mon malheur… Il eut lieu d’кtre satisfait du succиs et resta au salon. Attentif pour la premiиre fois envers la maоtresse de la maison, il fit tous ses efforts pour faire parler les hommes de sa sociйtй et maintenir la conversation vivante.

 

Sa politesse fut rйcompensйe: sur les huit heures, on annonзa Mme la marйchale de Fervaques. Julien s’йchappa et reparut bientфt vкtu avec le plus grand soin. Mme de La Mole lui sut un grй infini de cette marque de respect, et voulut lui tйmoigner sa satisfaction, en parlant de son voyage а Mme de Fervaques. Julien s’йtablit auprиs de la marйchale de faзon а ce que ses yeux ne fussent pas aperзus de Mathilde. Placй ainsi, suivant toutes les rиgles de l’art, Mme de Fervaques fut pour lui l’objet de l’admiration la plus йbahie. C’est par une tirade sur ce sentiment que commenзait la premiиre des cinquante-trois lettres dont le prince Korasoff lui avait fait cadeau.

 

La marйchale annonзa qu’elle allait а l’Opйra-Buffa. Julien y courut; il trouva le chevalier de Beauvoisis, qui l’emmena dans une loge de messieurs les gentilshommes de la chambre, justement а cфtй de la loge de Mme de Fervaques. Julien la regarda constamment. Il faut, se dit-il en rentrant а l’hфtel, que je tienne un journal de siиge; autrement j’oublierais mes attaques. Il se forзa а йcrire deux ou trois pages sur ce sujet ennuyeux, et parvint ainsi, chose admirable! а ne presque pas penser а Mlle de La Mole.

 

Mathilde l’avait presque oubliй pendant son voyage. Ce n’est aprиs tout qu’un кtre commun, pensait-elle, son nom me rappellera toujours la plus grande faute de ma vie. Il faut revenir de bonne foi aux idйes vulgaires de sagesse et d’honneur; une femme a tout а perdre en les oubliant. Elle se montra disposйe а permettre enfin la conclusion de l’arrangement avec le marquis de Croisenois, prйparй depuis si longtemps. Il йtait fou de joie; on l’eыt bien йtonnй en lui disant qu’il y avait de la rйsignation au fond de cette maniиre de sentir de Mathilde, qui le rendait si fier.

 

Toutes les idйes de Mlle de La Mole changиrent en voyant Julien. Au vrai, c’est lа mon mari, se dit-elle; si je reviens de bonne foi aux idйes de sagesse, c’est йvidemment lui que je dois йpouser.

 

Elle s’attendait а des importunitйs, а des airs de malheur de la part de Julien; elle prйparait ses rйponses: car sans doute, au sortir du dоner, il essaierait de lui adresser quelques mots. Loin de lа, il resta ferme au salon, ses regards ne se tournиrent pas mкme vers le jardin, Dieu sait avec quelle peine! Il vaut mieux avoir tout de suite cette explication, pensa Mlle de La Mole; elle alla seule au jardin, Julien n’y parut pas. Mathilde vint se promener prиs des portes-fenкtres du salon; elle le vit fort occupй а dйcrire а Mme de Fervaques les vieux chвteaux en ruines qui couronnent les coteaux des bords du Rhin et leur donnent tant de physionomie. Il commenзait а ne pas mal se tirer de la phrase sentimentale et pittoresque qu’on appelle esprit dans certains salons.

 

Le prince Korasoff eыt йtй bien fier, s’il se fыt trouvй а Paris: cette soirйe йtait exactement ce qu’il avait prйdit.

 

Il eыt approuvй la conduite que tint Julien les jours suivants.

 

Une intrigue parmi les membres du gouvernement occulte allait disposer de quelques cordons bleus; Mme la marйchale de Fervaques exigeait que son grand-oncle fыt chevalier de l’ordre. Le marquis de La Mole avait la mкme prйtention pour son beau-pиre; ils rйunirent leurs efforts, et la marйchale vint presque tous les jours а l’hфtel de La Mole. Ce fut d’elle que Julien apprit que le marquis allait кtre ministre: il offrait а la Camarilla un plan fort ingйnieux pour anйantir la Charte, sans commotion, en trois ans.

 

Julien pouvait espйrer un йvкchй, si M. de La Mole arrivait au ministиre; mais а ses yeux tous ces grands intйrкts s’йtaient comme recouverts d’un voile. Son imagination ne les apercevait plus que vaguement et pour ainsi dire dans le lointain. L’affreux malheur qui en faisait un maniaque lui montrait tous les intйrкts de la vie dans sa maniиre d’кtre avec Mlle de La Mole. Il calculait qu’aprиs cinq ou six ans de soins il parviendrait а s’en faire aimer de nouveau.

 

Cette tкte si froide йtait, comme on voit, descendue а l’йtat de dйraison complet. De toutes les qualitйs qui l’avaient distinguй autrefois, il ne lui restait qu’un peu de fermetй. Matйriellement fidиle au plan de conduite dictй par le prince Korasoff, chaque soir il se plaзait assez prиs du fauteuil de Mme de Fervaques, mais il lui йtait impossible de trouver un mot а dire.

 

L’effort qu’il s’imposait pour paraоtre guйri aux yeux de Mathilde absorbait toutes les forces de son вme, il restait auprиs de la marйchale comme un кtre а peine animй; ses yeux mкme, ainsi que dans l’extrкme souffrance physique, avaient perdu tout leur feu.

 

Comme la maniиre de voir de Mme de La Mole n’йtait jamais qu’une contre-йpreuve des opinions de ce mari qui pouvait la faire duchesse, depuis quelques jours elle portait aux nues le mйrite de Julien.


Дата добавления: 2015-11-14; просмотров: 44 | Нарушение авторских прав


<== предыдущая страница | следующая страница ==>
Chapitre XXIV. Strasbourg| Chapitre XXVI. L’Amour moral

mybiblioteka.su - 2015-2024 год. (0.014 сек.)