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Chapitre XXV. Le Sйminaire

Chapitre XIV. Les Ciseaux anglais | Chapitre XV. Le Chant du coq | Chapitre XVI. Le Lendemain | Chapitre XVII. Le Premier Adjoint | Chapitre XVIII. Un roi а Verriиres | Chapitre XIX. Penser fait souffrir | Chapitre XX. Les Lettres anonymes | Chapitre XXI. Dialogue avec un maоtre | Chapitre XXII. Faзons d’agir en 1830 | Chapitre XXIII. Chagrins d’un fonctionnaire |


Читайте также:
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  2. Chapitre II Les camarades
  3. Chapitre II. Entrйe dans le monde
  4. Chapitre II. Un maire
  5. Chapitre III L’Avion
  6. Chapitre III. Le Bien des pauvres
  7. Chapitre III. Les Premiers pas

 

Trois cent trente-six dоners а 83 centimes, trois cent trente-six soupers а 38 centimes, du chocolat а qui de droit; combien y a-t-il а gagner sur la soumission?

 

LE VALENOD de Besanзon.

 

Il vit de loin la croix de fer dorй sur la porte; il approcha lentement; ses jambes semblaient se dйrober sous lui. Voilа donc cet enfer sur la terre, dont je ne pourrai sortir! Enfin il se dйcida а sonner. Le bruit de la cloche retentit comme dans un lieu solitaire. Au bout de dix minutes, un homme pвle, vкtu de noir, vint lui ouvrir. Julien le regarda et aussitфt baissa les yeux. Ce portier avait une physionomie singuliиre. La pupille saillante et verte de ses yeux s’arrondissait comme celle d’un chat; les contours immobiles de ses paupiиres annonзaient l’impossibilitй de toute sympathie; ses lиvres minces se dйveloppaient en demi-cercle sur des dents qui avanзaient. Cependant cette physionomie ne montrait pas le crime, mais plutфt cette insensibilitй parfaite qui inspire bien plus de terreur а la jeunesse. Le seul sentiment que le regard rapide de Julien put deviner sur cette longue figure dйvote fut un mйpris profond pour tout ce dont on voudrait lui parler, et qui ne serait pas l’intйrкt du ciel.

 

Julien releva les yeux avec effort, et d’une voix que le battement de cњur rendait tremblante, il expliqua qu’il dйsirait parler а M. Pirard, le directeur du sйminaire. Sans dire une parole, l’homme noir lui fit signe de le suivre. Ils montиrent deux йtages par un large escalier а rampe de bois, dont les marches dйjetйes penchaient tout а fait du cфtй opposй au mur, et semblaient prкtes а tomber. Une petite porte, surmontйe d’une grande croix de cimetiиre en bois blanc peint en noir, fut ouverte avec difficultй, et le portier le fit entrer dans une chambre sombre et basse, dont les murs blanchis а la chaux йtaient garnis de deux grands tableaux noircis par le temps. Lа, Julien fut laissй seul; il йtait atterrй, son cњur battait violemment; il eыt йtй heureux d’oser pleurer. Un silence de mort rйgnait dans toute la maison.

 

Au bout d’un quart d’heure, qui lui parut une journйe, le portier а figure sinistre reparut sur le pas d’une porte а l’autre extrйmitй de la chambre, et, sans daigner parler, lui fit signe d’avancer. Il entra dans une piиce encore plus grande que la premiиre et fort mal йclairйe. Les murs aussi йtaient blanchis; mais il n’y avait pas de meubles. Seulement dans un coin prиs de la porte, Julien vit en passant un lit de bois blanc, deux chaises de paille, et un petit fauteuil en planches de sapin sans coussin. А l’autre extrйmitй de la chambre, prиs d’une petite fenкtre а vitres jaunies, garnie de vases de fleurs tenus salement, il aperзut un homme assis devant une table, et couvert d’une soutane dйlabrйe; il avait l’air en colиre, et prenait l’un aprиs l’autre une foule de petits carrйs de papier qu’il rangeait sur sa table, aprиs y avoir йcrit quelques mots. Il ne s’apercevait pas de la prйsence de Julien. Celui-ci йtait immobile debout vers le milieu de la chambre, lа oщ l’avait laissй le portier, qui йtait ressorti en fermant la porte.

 

Dix minutes se passиrent ainsi; l’homme mal vкtu йcrivait toujours. L’йmotion et la terreur de Julien йtaient telles qu’il lui semblait кtre sur le point de tomber. Un philosophe eыt dit, peut-кtre en se trompant: c’est la violente impression du laid sur une вme faite pour aimer ce qui est beau.

 

L’homme qui йcrivait leva la tкte; Julien ne s’en aperзut qu’au bout d’un moment, et mкme, aprиs l’avoir vu, il restait encore immobile comme frappй а mort par le regard terrible dont il йtait l’objet. Les yeux troublйs de Julien distinguaient а peine une figure longue et toute couverte de taches rouges, exceptй sur le front, qui laissait voir une pвleur mortelle. Entre ces joues rouges et ce front blanc, brillaient deux petits yeux noirs faits pour effrayer le plus brave. Les vastes contours de ce front йtaient marquйs par des cheveux йpais, plats et d’un noir de jais.

 

– Voulez-vous approcher, oui ou non? dit enfin cet homme avec impatience.

 

Julien s’avanзa d’un pas mal assurй, et enfin, prкt а tomber et pвle, comme de sa vie il ne l’avait йtй, il s’arrкta а trois pas de la petite table de bois blanc couverte de carrйs de papier.

 

– Plus prиs, dit l’homme.

 

Julien s’avanзa encore en йtendant la main, comme cherchant а s’appuyer sur quelque chose.

 

– Votre nom?

 

– Julien Sorel.

 

– Vous avez bien tardй, lui dit-on, en attachant de nouveau sur lui un њil terrible.

 

Julien ne put supporter ce regard; йtendant la main comme pour se soutenir, il tomba tout de son long sur le plancher.

 

L’homme sonna. Julien n’avait perdu que l’usage des yeux et la force de se mouvoir; il entendit des pas qui s’approchaient.

 

On le releva, on le plaзa sur le petit fauteuil de bois blanc. Il entendit l’homme terrible qui disait au portier:

 

– Il tombe du haut mal apparemment, il ne manquait plus que зa.

 

Quand Julien put ouvrir les yeux, l’homme а la figure rouge continuait а йcrire; le portier avait disparu. Il faut avoir du courage, se dit notre hйros, et surtout cacher ce que je sens: il йprouvait un violent mal de cњur; s’il m’arrive un accident, Dieu sait ce qu’on pensera de moi. Enfin l’homme cessa d’йcrire, et regardant Julien de cфtй:

 

– Кtes-vous en йtat de me rйpondre?

 

– Oui, Monsieur, dit Julien, d’une voix affaiblie.

 

– Ah! c’est heureux.

 

L’homme noir s’йtait levй а demi et cherchait avec impatience une lettre dans le tiroir de sa table de sapin qui s’ouvrit en criant. Il la trouva, s’assit lentement, et regardant de nouveau Julien, d’un air а lui arracher le peu de vie qui lui restait:

 

– Vous m’кtes recommandй par M. Chйlan, c’йtait le meilleur curй du diocиse, homme vertueux s’il en fut, et mon ami depuis trente ans.

 

– Ah! c’est а M. Pirard que j’ai l’honneur de parler dit Julien d’une voix mourante.

 

– Apparemment, rйpliqua le directeur du sйminaire, en le regardant avec humeur.

 

Il y eut un redoublement d’йclat dans ses petits yeux, suivi d’un mouvement involontaire des muscles des coins de la bouche. C’йtait la physionomie du tigre goыtant par avance le plaisir de dйvorer sa proie.

 

– La lettre de Chйlan est courte, dit-il, comme se parlant а lui-mкme. Intelligenti pauca; par le temps qui court, on ne saurait йcrire trop peu. Il lut haut:

 

«Je vous adresse Julien Sorel, de cette paroisse, que j’ai baptisй il y aura vingt ans; fils d’un charpentier riche, mais qui ne lui donne rien. Julien sera un ouvrier remarquable dans la vigne du Seigneur. La mйmoire, l’intelligence ne manquent point, il y a de la rйflexion. Sa vocation sera-t-elle durable? est-elle sincиre?»

 

– Sincиre! rйpйta l’abbй Pirard d’un air йtonnй, et en regardant Julien; mais dйjа le regard de l’abbй йtait moins dйnuй de toute humanitй; sincиre! rйpйta-t-il en baissant la voix et reprenant sa lecture:

 

«Je vous demande pour Julien Sorel une bourse; il la mйritera en subissant les examens nйcessaires. Je lui ai montrй un peu de thйologie, de cette ancienne et bonne thйologie des Bossuet, des Arnault, des Fleury. Si ce sujet ne vous convient pas, renvoyez-le-moi; le directeur du dйpфt de mendicitй, que vous connaissez bien, lui offre huit cents francs pour кtre prйcepteur de ses enfants. – Mon intйrieur est tranquille, grвce а Dieu. Je m’accoutume au coup terrible. Vale et me ama

 

L’abbй Pirard, ralentissant la voix comme il lisait la signature, prononзa avec un soupir le mot Chйlan.

 

– Il est tranquille, dit-il; en effet, sa vertu mйritait cette rйcompense; Dieu puisse-t-il me l’accorder, le cas йchйant!

 

Il regarda le ciel et fit un signe de croix. А la vue de ce signe sacrй, Julien sentit diminuer l’horreur profonde qui, depuis son entrйe dans cette maison, l’avait glacй.

 

– J’ai ici trois cent vingt et un aspirants а l’йtat le plus saint, dit enfin l’abbй Pirard, d’un ton de voix sйvиre, mais non mйchant; sept ou huit seulement me sont recommandйs par des hommes tels que l’abbй Chйlan; ainsi parmi les trois cent vingt et un, vous allez кtre le neuviиme. Mais ma protection n’est ni faveur, ni faiblesse, elle est redoublement de soins et de sйvйritй contre les vices. Allez fermer cette porte а clef.

 

Julien fit un effort pour marcher et rйussit а ne pas tomber. Il remarqua qu’une petite fenкtre, voisine de la porte d’entrйe, donnait sur la campagne. Il regarda les arbres; cette vue lui fit du bien, comme s’il eыt aperзu d’anciens amis.

 

Loquerisne linguam latinam? (Parlez-vous latin), lui dit l’abbй Pirard, comme il revenait.

 

Ita, pater optime (oui, mon excellent pиre), rйpondit Julien, revenant un peu а lui. Certainement, jamais homme au monde ne lui avait paru moins excellent que M. Pirard, depuis une demi-heure.

 

L’entretien continua en latin. L’expression des yeux de l’abbй s’adoucissait; Julien reprenait quelque sang-froid. Que je suis faible, pensa-t-il, de m’en laisser imposer par ces apparences de vertu! cet homme sera tout simplement un fripon comme M. Maslon; et Julien s’applaudit d’avoir cachй presque tout son argent dans ses bottes.

 

L’abbй Pirard examina Julien sur la thйologie, il fut surpris de l’йtendue de son savoir. Son йtonnement augmenta quand il l’interrogea en particulier sur les saintes йcritures. Mais quand il arriva aux questions sur la doctrine des Pиres, il s’aperзut que Julien ignorait presque jusqu’aux noms de saint Jйrфme, de saint Augustin, de saint Bonaventure, de saint Basile, etc., etc.

 

Au fait, pensa l’abbй Pirard, voilа bien cette tendance fatale au protestantisme que j’ai toujours reprochйe а Chйlan. Une connaissance approfondie et trop approfondie des saintes йcritures.

 

(Julien venait de lui parler, sans кtre interrogй а ce sujet, du temps vйritable oщ avaient йtй йcrits la Genиse, le Pentateuque, etc.)

 

А quoi mиne ce raisonnement infini sur les saintes йcritures, pensa l’abbй Pirard, si ce n’est а l’examen personnel, c’est-а-dire au plus affreux protestantisme? Et а cфtй de cette science imprudente, rien sur les Pиres qui puisse compenser cette tendance.

 

Mais l’йtonnement du directeur du sйminaire n’eut plus de bornes, lorsque interrogeant Julien sur l’autoritй du Pape, et s’attendant aux maximes de l’ancienne Йglise gallicane, le jeune homme lui rйcita tout le livre de M. de Maistre.

 

Singulier homme que ce Chйlan, pensa l’abbй Pirard; lui a-t-il montrй ce livre pour lui apprendre а s’en moquer?

 

Ce fut en vain qu’il interrogea Julien pour tвcher de deviner s’il croyait sйrieusement а la doctrine de M. de Maistre. Le jeune homme ne rйpondait qu’avec sa mйmoire. De ce moment, Julien fut rйellement trиs bien, il sentait qu’il йtait maоtre de soi. Aprиs un examen fort long, il lui sembla que la sйvйritй de M. Pirard envers lui n’йtait plus qu’affectйe. En effet, sans les principes de gravitй austиre que, depuis quinze ans, il s’йtait imposйs envers ses йlиves en thйologie, le directeur du sйminaire eыt embrassй Julien au nom de la logique, tant il trouvait de clartй, de prйcision et de nettetй dans ses rйponses.

 

Voilа un esprit hardi et sain, se disait-il, mais corpus debile (le corps est faible).

 

– Tombez-vous souvent ainsi? dit-il а Julien en franзais et lui montrant du doigt le plancher.

 

– C’est la premiиre fois de ma vie, la figure du portier m’avait glacй, ajouta Julien en rougissant comme un enfant.

 

L’abbй Pirard sourit presque.

 

– Voilа l’effet des vaines pompes du monde; vous кtes accoutumй apparemment а des visages riants, vйritables thйвtres de mensonge. La vйritй est austиre, Monsieur. Mais notre tвche ici-bas n’est-elle pas austиre aussi? Il faudra veiller а ce que votre conscience se tienne en garde contre cette faiblesse: Trop de sensibilitй aux vaines grвces de l’extйrieur.

 

Si vous ne m’йtiez pas recommandй, dit l’abbй Pirard en reprenant la langue latine avec un plaisir marquй, si vous ne m’йtiez pas recommandй par un homme tel que l’abbй Chйlan, je vous parlerais le vain langage de ce monde auquel il paraоt que vous кtes trop accoutumй. La bourse entiиre que vous sollicitez, vous dirais-je, est la chose du monde la plus difficile а obtenir. Mais l’abbй Chйlan a mйritй bien peu, par cinquante-six ans de travaux apostoliques, s’il ne peut disposer d’une bourse au sйminaire.

 

Aprиs ces mots, l’abbй Pirard recommanda а Julien de n’entrer dans aucune sociйtй ou congrйgation secrиte sans son consentement.

 

– Je vous en donne ma parole d’honneur, dit Julien avec l’йpanouissement du cњur d’un honnкte homme.

 

Le directeur du sйminaire sourit pour la premiиre fois.

 

– Ce mot n’est point de mise ici, lui dit-il, il rappelle trop le vain honneur des gens du monde qui les conduit а tant de fautes, et souvent а des crimes. Vous me devez la sainte obйissance en vertu du paragraphe dix-sept de la bulle Unam Ecclesiam de saint Pie V. Je suis votre supйrieur ecclйsiastique. Dans cette maison, entendre, mon trиs cher fils, c’est obйir. Combien avez-vous d’argent?

 

Nous y voici, se dit Julien, c’йtait pour cela qu’йtait le trиs cher fils.

 

– Trente-cinq francs, mon pиre.

 

– Йcrivez soigneusement l’emploi de cet argent; vous aurez а m’en rendre compte.

 

Cette pйnible sйance avait durй trois heures; Julien appela le portier.

 

– Allez installer Julien Sorel dans la cellule n° 103, dit l’abbй Pirard а cet homme.

 

Par une grande distinction, il accordait а Julien un logement sйparй.

 

– Portez-y sa malle, ajouta-t-il.

 

Julien baissa les yeux et reconnut sa malle prйcisйment en face de lui, il la regardait depuis trois heures, et ne l’avait pas reconnue.

 

En arrivant au n° 103, c’йtait une petite chambrette de huit pieds en carrй, au dernier йtage de la maison, Julien remarqua qu’elle donnait sur les remparts, et par delа on apercevait la jolie plaine que le Doubs sйpare de la ville.

 

Quelle vue charmante! s’йcria Julien; en se parlant ainsi il ne sentait pas ce qu’exprimaient ces mots. Les sensations si violentes qu’il avait йprouvйes depuis le peu de temps qu’il йtait а Besanзon avaient entiиrement йpuisй ses forces. Il s’assit prиs de la fenкtre sur l’unique chaise de bois qui fыt dans sa cellule, et tomba aussitфt dans un profond sommeil. Il n’entendit point la cloche du souper, ni celle du salut; on l’avait oubliй.

 

Quand les premiers rayons du soleil le rйveillиrent le lendemain matin, il se trouva couchй sur le plancher.


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