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JACQUES. 7 ANS

Edmond Wells, | LES IDEES DE RAOUL | LE MYSTERE DES 7 | NAISSANCE DE JACQUES | NAISSANCE DE VENUS | GESTION DES CLIENTS | JACQUES. 1 AN | LE MONDE DU DESSUS | JACQUES. 5 ANS | JACQUES. 7 ANS |


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Depuis quelques semaines, l'école compte une nouvelle élève. Quand arrivent des nouveaux, j'ai toujours envie de les aider à s'intégrer.

Cette nouvelle-là est un peu spéciale. Elle est plus âgée que nous. Elle a huit ans. Sans doute a-t-elle été obligée de redoubler une classe quoiqu'elle n'ait pas l'air cancre. Elle vit dans un cirque. À force de changer tout le temps d'endroit, ce n'est pas toujours facile de suivre les programmes.

La fille s'appelle Martine. Elle me remercie de mon accueil, accepte mes conseils et me demande si je sais jouer aux échecs. Je dis non et elle sort de son cartable un petit jeu en plastique pour m'apprendre. Ce qui me plaît dans les échecs, c'est que l'échiquier est comme un petit théâtre où des marionnettes dansent et se débattent. Elle m'enseigne qu'il y a tout un mini-code de vie à respecter pour chaque figurine. Certains avancent à petits pas: ce sont les pions. D'autres glissent loin, comme les fous. D'autres encore peuvent sauter par-dessus les autres pièces, ce sont les cavaliers.

Martine est une surdouée des échecs. À son âge, elle affronte déjà en tournoi plusieurs adultes simultanément.

– C'est pas difficile. Les adultes ne s'attendent pas à ce qu'une fillette les agresse, alors je fonce. Ensuite, ils jouent en défense. Quand ils sont en défense, ils deviennent prévisibles et ils ont un coup de retard.

Martine affirme que, pour gagner, il faut respecter trois grands principes. En début de partie, sortir au plus vite ses pièces de derrière la ligne de défense afin qu'elles puissent entrer en action. Ensuite, occuper le centre. Enfin, fortifier ses points forts plutôt que de chercher à conforter ses points faibles.

Les échecs deviennent une passion. Avec Martine, nous nous lançons dans des parties chronométrées où il faut réfléchir non pas sur un seul coup mais sur les six à venir qui s'enchaîneront en toute logique.

Martine dit que je suis bon à l'attaque mais pas terrible en défense, alors je lui demande de m'apprendre à mieux me défendre.

– Non, rappelle-toi. Il vaut mieux fortifier ses points forts que combler ses points faibles. Je vais t'en-seigner à être encore plus efficace en attaque, car ainsi tu n'auras plus besoin d'apprendre à te défendre.

Et c'est ce qu'elle fait. Je réfléchis de plus en plus vite. Quand je joue, j’ai l'impression que l'espace et le temps se résument à cet échiquier où se noue un drame. À chaque coup, j'ai l'impression que dans ma tête une souris se hâte dans un labyrinthe en explorant tous les chemins possibles pour sélectionner au plus vite le meilleur.

Martine apporte une anecdote tirée d'une nouvelle d'Edgar Allan Poe intitulée Le Joueur d'échecs de Maelzel. C'est l'histoire d'un automate qui bat tout le monde aux échecs. À la fin, on apprend qu'en fait un nain était caché à l'intérieur de la machine. Quelle trouvaille que cette chute! J'en ai des frissons de plaisir! En plus il paraît que cela s'est vraiment produit.

Martine, Edgar Allan Poe et les échecs donnent un sens nouveau à ma vie. Maintenant j'introduis beaucoup de suspense dans mes histoires dont la plupart ont pour base les échecs. Souvent les personnages de mes récits sont pris dans une partie dont ils ne connaissent pas les règles car ces fictions sont régies par des lois invisibles qu'ils ne sont pas à même d'imaginer.

Je propose à Martine de lui lire ma prochaine histoire. Elle accepte. Aurais-je enfin trouvé un lecteur? Je lui chuchote à l'oreille l'aventure de deux globules blancs qui enquêtent dans un corps humain pour y retrouver un microbe. Quand ils l'attrapent, ils constatent que le microbe a pour seule ambition de s'intégrer à la société des cellules du corps humain. À la fin, le microbe est accepté dans le corps, mais seulement à l'endroit où il peut se rendre utile.

– C'est-à-dire?

– Dans le système digestif, pour contribuer à la dégradation de la nourriture.

Elle rit:

– Pas mal trouvé. Ça t'est venu comment?

– J'ai vu une émission sur les microbes à la télé.

– Non, ce que je te demande, c'est comment t'est venue l'envie de rechercher un monde meilleur car ton microbe, en fait, il est en quête d'une société idéale.

– Il me semble que notre organisme est déjà une société idéale. Là-dedans, pas de compétition, pas de chefs, tout le monde est à la fois différent et complémentaire, et pourtant tout le monde agit dans l'intérêt général.

Martine dit que mon histoire est très jolie. Elle dépose un bisou sur ma joue, j'essaie de lui en donner un en retour, mais elle me repousse.

– Quand tu auras écrit d'autres histoires, je veux bien que tu me les lises, souffle-t-elle.

IGOR. 7 ANS

Mes nouveaux parents doivent venir me chercher ce soir. J'ai enfilé le simili-smoking en nylon noir qu'on nous a distribué pour les fêtes. J'ai ciré mes chaussures avec du saindoux. J'ai bouclé ma valise. Je ne parle plus aux autres. À midi, je ne mange pas. Je crains trop de tacher mon costume. J'ai parcouru un livre sur les bonnes manières à la bibliothèque. Je sais maintenant que la fourchette se place à gauche de l'assiette et le couteau à droite. Je sais que la viande s'accompagne de vin blanc et le poisson de vin rouge. À moins que ce ne soit le contraire. Je sais qu'il faut donner sa carte de visite aux autres riches qu'on rencontre afin de pouvoir se retrouver ensuite entre nous sans plus croiser de pauvres.

J'ai étudié aussi les médailles. Celles de mon futur papa signalent non seulement qu'il fait partie de l'élite de l'armée de l'air mais qu'en plus il a descendu des avions ennemis. L'armée de l'air… Je me sens déjà prêt à mépriser l'infanterie, l'artillerie et la marine. Vive l'aviation! On plane au-dessus des ennemis et on les tue de loin, sans les voir ni les toucher. Vive l'armée! Vive la guerre! Mort aux ennemis! Mort à l'Occident!

Quand je serai officiellement nommé «fils de colonel», je connaîtrai probablement tous les mouvements de nos troupes, je serai informé de toutes les missions secrètes dont la presse ne pipe mot. Je suis convaincu qu'on nous cache tout ce qui est vraiment intéressant: les massacres, les coups de force et tout ça. Les trois V de mon dortoir m'exaspèrent. Vivement que j'appartienne à une famille de riches, les pauvres commencent à me taper sur les nerfs.

Midi, treize heures, dix-sept heures. Je dis «au revoir» aux surveillants, je m'assieds et j'attends dix- neuf heures dans mon joli smoking du dimanche qui craque un peu aux entournures. Vania survient, me considère avec colère et me lance:

– Ton colonel, je suis sûr qu'il est pédophile.

– Tu dis ça parce que tu es jaloux. Tu ne sais même pas ce que c'est qu'un gâteau au chocolat.

– T'es qu'un lâcheur!

Je comprends que Vania comptait sur moi pour le protéger et l'aider, mais je ne peux pas demeurer à perpétuité à la disposition de tout le monde. Je me calme.

– Toi aussi, un jour ta chance viendra, et alors tu te comporteras exactement comme moi.

Mon papa tout neuf doit venir me chercher à dix-neuf heures. À dix-neuf heures trente, je serai sûrement en famille à manger des gâteaux, de vrais gâteaux avec du vrai beurre et du vrai chocolat.

Dix-huit heures trente. Plus qu'une demi-heure et j'en aurai fini avec cet orphelinat. J'aurai une famille et de l'amour.

Dix-huit heures quarante-cinq. Vassili se plante devant moi, l'air bizarre. Il m'ordonne de le suivre dans la salle des douches. Il y a une petite foule agitée là-bas. Tous les visages sont levés vers le plafond et, au plafond, il y a Vladimir pendu avec une pancarte autour du cou: «A caché des cigarettes pour ne pas payer l'impôt.» Mon copain obèse a dû être difficile à hisser si haut. Il est tout bleu et tire la langue d'une façon grotesque qui rend la scène encore plus terrifiante.

– C'est Piotr… c'est Piotr qui… l'a tué! articule difficilement Vania.

Vassili se tait mais son regard est dur. Il se dirige vers moi, me prend par l'épaule et me mène à une cachette qu'il a aménagée et que je ne connaissais pas. D'un morceau de toile replié, il tire un objet long et brillant. Un couteau.

Je l'examine. Il ne l'a pas trouvé ou acheté. Il l'a fabriqué. Il l'a forgé en douce en dehors des séances à l'atelier de travaux manuels. On dirait un authentique poignard de guerre.

– Tu es le plus fort d'entre nous. À toi de venger Vladimir.

Je suis tétanisé. Je pense à mon nouveau papa, colonel dans l'aviation. Un jour, il me fera monter dans son avion… Un jour, il m'apprendra à piloter… Je revois cette outre de Vladimir, toujours à se goinfrer, toujours un doigt dans le nez, le porc. Je le revois manger, bavant et rotant lourdement. Vladimir.

– Désolé, dis-je à Vassili. Cherche quelqu'un d'autre. Mes nouveaux parents arrivent dans une demi-heure. Je ne suis plus concerné par les bagarres ici.

Je me détourne déjà quand une voix susurre derrière moi:

– Mais c'est Igor… Igor qui lui non plus n'a pas payé l'impôt…

Piotr.

– … tout endimanché qu'il est, Igor. Un vrai gosse de bourgeois. Ce charmant smoking, ça ferait de jolis chiffons à poussière.

Vassili tente imperceptiblement de me glisser le poignard dans la main. Je ne le saisis pas.

– On n'échappe pas à son destin, me murmure-t-il doucement à l'oreille.

– Alors, Igor, on se bat ou tu nous laisses tranquillement tailler des franges à ta veste, histoire de la remettre à la mode?

Ses acolytes se tordent de rire.

Ne pas répondre aux provocations. Tenir encore vingt minutes. Vingt minutes seulement. Avec un peu de chance, peut-être même que mon futur papa sera en avance.

J'esquisse un mouvement de fuite mais mes jambes se dérobent. Le «tsarévitch» et sa bande s'avancent. J'ai encore le choix. Rester coi ou être courageux.

Des enfants d'autres dortoirs se sont approchés et font cercle autour de nous pour profiter du spectacle.

– Eh Igor, t'as les jetons? ironise Piotr.

Mes mains tremblent. Ne pas tout gâcher maintenant.

Piotr lèche amoureusement la lame de son couteau à cran d'arrêt. Le poignard de Vassili est tout proche de ma main.

– Pas possible de bluffer cette fois, chuchote mon ex-ami. Tu n'as pas d'autre choix que d'abattre tes cartes.

Je sais exactement ce que je ne dois pas faire. Surtout ne pas toucher à ce poignard. Je repense aux gâteaux au chocolat, aux virées en avion, aux médailles du colonel. Tenir. Tenir encore une poignée de minutes. Maîtriser mes nerfs. Maîtriser mon cerveau. Dès que je serai bien au chaud chez le colonel, tout cela ne sera plus qu'un mauvais souvenir de plus.

– Regardez comme il a la frousse. Igor le lâche! Je vais te retoucher le portrait.

Mes membres m'abandonnent peut-être mais ma bouche me reste fidèle.

– Je ne veux pas me battre, dis-je péniblement.

Oui, oui, je suis un lâche. Je veux mes nouveaux parents. Il me suffit de fuir vers le couloir pour me retrouver hors de portée du cran d'arrêt. Fuir. Fuir. Il est encore temps.

Vania s'empare alors du poignard et le pose directement sur ma paume pour me contraindre à le prendre. Mes doigts ont un mouvement. Mais non, non, non, ne vous refermez pas sur ce manche, je vous l'interdis. Vania replie un par un mes doigts.

Je revois le visage de maman. J'ai mal à l'estomac. Mes yeux s'injectent de sang. Je n'y vois plus rien. Je sens seulement le poignard qui s'enfonce dans de la chair molle, dans le ventre de Piotr, exactement à l'endroit où moi j’ai si mal.

Piotr me dévisage, l'air surpris. Comme s'il pensait: «Je ne m'attendais pas à ce coup-là. Finalement, tu es moins trouillard que je le croyais.»

Piotr qui ne vit que par la force respecte la force, y compris celle de ses adversaires. Peut-être a-t-il été toujours en quête de celui qui le moucherait pour le compte.

Le temps s'arrête et se fige. Vassili ébauche un léger sourire qui n'étire que les commissures de ses lèvres. Pour la première fois, je lis dans son regard: «Tu es quelqu'un de bien.»

Alentour les enfants applaudissent. Même les lieutenants de Piotr affichent des expressions admiratives. Ils ne s'attendaient sûrement pas à ce que ce soit moi qui l'emporte. Je sais que maintenant, je n'ai plus rien à craindre d'eux. J'ai basculé dans un nouvel univers. J'ai laissé passer ma plus grande chance d'avoir une famille et, pourtant, je me sens bien. Je pousse un cri de bête. Le cri de la victoire sur l'adversaire et de la défaite sur son destin.

Vladimir a été vengé et moi… et moi, j'ai tout perdu.

Mes doigts s'imprègnent du sang de Piotr. J'ai souhaité que Piotr reçoive un coup de couteau dans le ventre. Mon vœu a été exaucé. Comme je le regrette maintenant! Je repousse les acolytes en quête de nouveau chef qui veulent me porter en triomphe.

Le soir même, une voiture fermée vient nous chercher, moi et Vania, pour nous conduire à la prochaine étape de notre parcours personnel: le centre de redressement pour mineurs délinquants de Novossibirsk.

ENCYCLOPEDIE

NIVEAU D'ORGANISATION: L'atome a son propre niveau d'organisation.

La molécule a son propre niveau d'organisation.

La cellule a son propre niveau d'organisation.

L'animal a un niveau d'organisation et au-dessus de lui la planète, le système solaire, la galaxie. Mais toutes ces structures ne sont pas indépendantes les unes des autres. L'atome agit sur la molécule, la molécule sur l'hormone, l'hormone sur le comportement de l'animal, l'animal sur la planète.

C'est parce que la cellule a besoin de sucre qu'elle demande à l'animal de chasser pour recevoir de la nourriture. C'est à force de chasser pour obtenir de la nourriture que l'homme a éprouvé l'envie d'étendre son territoire, tant et si bien qu'il a fini par fabriquer et envoyer des fusées au-delà de la planète.

En retour, c'est parce que l'astronaute connaîtra une panne qu'il se déclenchera un ulcère à l'estomac et, parce qu'il aura un ulcère à l'estomac, certains des atomes qui constituent sa paroi stomacale verront leurs électrons se détacher du noyau.

Zoom arrière, zoom avant, de l'atome à l'espace.

Vue sous cet angle, la mort d'un être vivant n'est que de l'énergie qui se transforme.

Edmond Wells, Encyclopédie du Savoir Relatif et Absolu, tome IV.


Дата добавления: 2015-11-13; просмотров: 31 | Нарушение авторских прав


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