- Une carte postale de Daniel avait annoncé son arrivée pour ce mardi, il serait là vers cinq heures, apporterait une tarte à l'ananas et attendrait Martine. Il

LA VICTIME DU CONFORT

- Une carte postale de Daniel avait annoncé son arrivée pour ce mardi, il serait "là vers cinq heures, apporterait une tarte à l'ananas et attendrait Martine. Il avait à lui annoncer son départ¹ pour l'Amérique. Il y allait en mission².

A cinq heures il était là. Il ouvrit la porte, tâtonna d ans l'obscurit é, trouva le commutateu r et fit la lumière. L'appartement vide l'accueillit. "dans un ordre parfait. Le parquet était bien ciré, les meubles èpoussetés, les nappes et les napperons blanchis, empesés, repassés. ' On voyait que Martine avait passé l'aspirateur dans tous les recoins de l'appartement³.

Daniel alla se laver les mains. Dans la salle de bains chaque chose était à sa place: les éponges rosés et bleues, le savon, la pâte ' dentifrice, les brosses à dents, les serviettes, les essuie-mains'/i

Martine était en retard. La tarte à l'ananas que Daniel n'avait pas eu l'idée de poser sur une assiette coulait sur la table... Daniel voulut l'essuyer, fit d'autres dégâts, jeta la serviette sale sur la table de cuisine et, s'allongea sur le divan-cosy. Il était tard. Pourquoi Martine ne rentrait-elle pas? Ils ne s'étaient pas vus depuis un mois. Peut-être sa carte postale s'était-elle perdue?... Quelle vie idiote, songeait Daniel: se marier et ne pas être ensemble... II n'avait pas su faire entrer Martine dans sa vie, et il ne pouvait pas partager la sienne. En vérité, ils n'avaient pas grand-chose à se dire. Martine n'allait plus ni au cinéma ni au théâtre. Elle se levait très tôt, travaillait beaucoup et se sentait fatiguée le soir. Elle préférait, la télévision ou la radio et un bon dîner. Il n'y avait pas un seul livre dans l'appartement... Pas un journal. Rien que la radio et la télévision. Tout ce que Martine avait su, c'était devenir une petite-Bourgeoise. Martine ne rentraiLjpujours pas. Daniel avait fairn. Il était à la isine enl^iiiöijBuullex dans le frigidaire quand il entendit la clef Martine. Elle ouvrit la porte et entra avec un sac à provisions très urd

Oh, je vais te raconter, dit-elle, j'ai pris du travail en dehors deT l'Institut de Beauté. Attends-moi, chéri. J'ai apporté un vol-au-vent⁴ et, une bouteille. Qu'est-ce que c'est que ce torchon?

- J'ai fait des malheurs, avoua Daniel.

- Ça ne fait rien aujourd'hui... On va manger dans la salle à manger. Martine mettait la table avec des gestes rapides, adroits, DanieK

l'aidait à mettre les couverts. *y •

- Alors comment cela se fait que tu travailles si tard maintenant?^: demanda Daniel.

- Je vais chez des clientes à domicile... c'est très bien payé, tu sais?* Martine sortait du bahut des dessous de plats, des verres de trois

tailles, des porte-couteau. Deux couteaux, deux fourchettes, des petites cuillères, des tas d'assiettes, des grandes, des petites, des creuses, deVpïates, des tasses, des soucoupes, une salière, un salaaicBr.

Il fallait aussi réchauffer le vol-au-vent, mettre au frais la bouteille ' apportée. Enfin ils se mirent à table.

Martine mangeait le vol-au-vent, excellent en effet. Daniel avait tant de choses à lui raconter. Mais elle ne lui posait même pus de questions - comment vas-tu? - préoccupée: n'avait-elle rien oublié sur ta table? Est-ce que tout était bon? Elle se levait, s'asseyait, dégustait, ajoutait du sel, du sucre, versait à boire.

- Tu sais, dit-elle découpant le poulet, que Cécile va se marier avec Pierre Genèse?

Daniel n'avait aucune idée de qui était ce Pierre Genèse, Il s'en fichait pas mal. Et Martine continuait en lui pelant. une poire:

- On lui a donné un trousseau de princesse: draps de.lit, taies
d'oreiller, couverture en îaîne, traversin, édredon, un couvre-lit
charmant. Et puis linge de table, linge de cuisine. Martine ne voyait
pas que Daniel était désespéré. tittt/

Puis elle se mit à débarrasser la table, à laver la vaisselle» à tout ranger.

- Je vais me coucher, Martine, je suis fatigué, j'ai passé la nuit dans le train, dit Daniel.

Ce soir Daniel ne lui paria pas de son départ. Le lendem*^{in m}*ùn

Martine se leva comme d'habitude à sept heures... Donc*¹™""* ^Sans

duvrir les doubles rideaux; pour laisser Daniel dormir encore un moment, elle passa dans la salle de bains pour y faire sa toilette. Puis elle s'Habilla, se peigna, et prépara le petit déjeuner...

Martine disposait sur la table de cuisine les tasses du petit déjeuner en céramique, la cafetière, le sucrier... Ces tasses avaient des anses si courtes que Daniel avait laissé échapper la sienne le jour même où elles avaient été achetées. Martine en souffrait tous les jours. Elle ne pouvait supporter les objets abîmés.

Daniel buvait dans sa tasse sans anse. Comme Martine l'aimait ainsC te matin dans son pyjama, soufflant sur son café bouillant, pendant qu'elle lui faisait des tartines.

- Tu sais, je pars pour les Etats-Unis, pour un voyage d'études.

- Pour longtemps? Martine posa une tartine sur l'assiette de Daniel.

- Je ne sais pas.

- Quand pars-tu? Martine prenait son café tranquillement.

- Après-demain. Je t'ai amené un peu d'argent...

- Ça me rendra service... Martine ne lui dit pas qu'elle n'avait pas un sou. Elle était si

profondément endettée qu'elle ne voyait absolument aucune issue, à huul de souffle et de ressourcés II y avait longtemps qu'elle n'achetait plus rien. Elle n'avait pas encore payé tout ce qu'elle avait. C'était un gouffre, ça coûte trop cher, le crédit.

Дата добавления: 2015-11-04