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Paris et la province

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  6. См. Louis Chevalier. Classes laborieuses et classes dangereuses a Paris pendant la premiere moitie du XIX-e siecle. P., Plon, 1958

Enverse la province, Paris n'éprouvait, hierencore, qu'un peu de pitié dédaigneuse:
elle manquait d'aisance, d'allure, de chic; qu'il s'agît de peinture, de musique, ou,
plus simplement, de mode, elle était toujours en retard d'une saison ou deux. Ah!
«faire province», quelle condamnation dans une bouche parisienne!..
Et c'est un peu ce que signifie cette page de FRANÇOIS MAURIAC. Mais elle
exprime aussi la province, paisible et laborieuse, dont les fils les mieux doués
viennent d'ailleurs renouveler sans cesse le sang de l'ingrate capitale. Il faut,
comme FRANÇOIS MAURIAC, avoir été soi-même arraché au vieux terroir
français, pour comprendre tout ce qu'il y a de grave, de profond, d'ineffaçable
dans une vie dont l'enfance fut marquée du sceau provincial.

Paris est une solitude peuplée; une ville de province esttln désert sans
solitude*.

Un provincial intelligent souffre à la fois d'être seul et d'être en vue. Il
est le fils un Tel, sur le trottoir de la rue provinciale, il porte sur lui, si l'on
peut dire, toute sa parenté, ses relations, le chiffre de sadotet de ses
espérances1. Tout le monde-le voit, le connaît, l'épie; mais il est seul (...).

La conversation est un plaisir que la province ignore. On se réunit pour
manger ou pour jouer, non pour causer.

Cette science des maîtresses de maison, à Paris, pour réunir des gens
qui, sans elle, se fussent ignorés, et qui leur seront redevables du bonheur
de s'être connus, cet art de doser la science, l'esprit, la grâce, la gloire, est
Profondément inconnu de la province (...).

Certes la bonne société provinciale ne compte pas que des sots: et un
important chef-lieu ne saurait manquer d'hommes de valeur. Si donc ces
sortes de réunions qui font l'agrément de la vie à Paris, paraissent


impossibles ailleurs, la faute en est à cette terrible loi de la province: on
n'accepte que les -politesses qu'on peut rendre.
Cet axiome tue la vie de
société et de conversation.

A Paris, les gens du monde qui possèdent quelque fortune et un train de
maison, jugent qu'il leur appartient de réunir des êtres d'élite, mais non de la
même élite. Ils s'honorent de la présence sous leur toit d'hommes de talent.
Entre les maîtres de maison, fussent-ils de sang royal, et leurs invités, c'est un
échange où chacun sait bien que l'homme de génie qui apporte son génie,
l'homme d'esprit qui apporte son esprit ont droit à plus de gratitude.

Ainsi reçus et honorés, les artistes, les écrivains de Paris n'ont point
cette méfiance des «intellectuels» de province guindés, gourmés, hostiles
dès qu'ils sortent de leur trou.

En province, un homme intelligent, et même un homme supérieur, sa
profession le dévore. Les très grands esprits échappent seuls à ce péril.

A Paris, la vie de relations nous défend contre le métier. Un politicien
surmené, un avocat célèbre, un chirurgien savent faire relâche pour causer
et fumer dans un salon où ils ont leurs habitudes.

Un avocat provincial se croirait perdu d'honneur si le public pouvait
supposer qu'il dispose d'une soirée: «Je n'ai pas une heure à moi...», c'est le
refrain des provinciaux: leur spécialité les ronge.

Province, gardienne des morts que j'aimais. Dans la cohue de Paris,
leurs voix ne parvenaient pas jusqu'à moi; mais te voici soudain, toi,
pauvre enfant; nous avons suivi cette allée, nous nous étions assis sous ce
chêne, nous avions parlé de la mort.

Le vacarme de Paris, ses autobus, ses métros, ses appels de téléphone,
ton oreille n'en avait jamais rien perçu; — mais ce que j'écoute ce soir, sur
le balcon de la chambre où tu t'éveillais dans la joie des cloches et des
oiseaux, ce sanglot de chouette, cette eau vive, cet aboi, ce coq, ces coqs
soudain alertés jusqu'au plus lointain de la lande, c'est cela même, et rien
d'autre, qui emplissait ton oreille vivante; et tu respirais, comme je le fais
ce soir, ce parfum de résine3 de ruisseau, de feuilles pourries**. Ici la vie
a le goût et l'odeur que tu as savourés quand tu étais encore au monde.

FRANÇOIS MAURIAC. La Province.

Примечания:

1. То есть надежд на получение наследства от родственников после их смерти
2. Надутых, чопорных, неестественных. 3. Смолы сосен, растущих в Ландах.


Вопросы:

* Commentez cette, maxime vigoureuse.Que pensez-vous de ce genre littéraire, que
vous pouvez trouver également dans les extraits de
La Rochefoucauld et de Brillat-Savarin?

** Montrez la force émotionnelle des démonstratifs contenus dans cette phrase. --
Quels personnages l'auteur désigne-t-il par toi, nous? En quoi ce procédé d'expression
est-il
heureux?


Дата добавления: 2015-08-02; просмотров: 56 | Нарушение авторских прав


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